Et le tout récent empressement affiché par les Israéliens et les Américains d’aider financièrement le président palestinien Mahmoud Abbas vient renforcer cette ambition israélienne de se débarrasser de Gaza désormais sous contrôle du Hamas.
« Nous voulons parvenir à un accord avec Abbas et les Palestiniens modérés », a confirmé hier Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, à la radio publique israélienne. Même écho chez le ministre des Infrastructures, Binyamin Ben Eliezer, qui a affirmé hier qu’il fallait isoler la bande de Gaza.
« C’était le rêve de Sharon et Olmert », rappelle l’analyste politique Akiva Eldar en évoquant la politique des Bantoustans appliquée à l’Afrique du Sud. « Israël pense réussir à couper Gaza de la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la vallée du Jourdain du reste de la Cisjordanie. C’était l’idée force, non avouée officiellement, derrière le retrait de Gaza », explique-t-il à l’AFP.
Une idée que les Palestiniens craignent depuis longtemps. Lors de sa première réunion, hier, le cabinet palestinien d’urgence a d’ailleurs annoncé son intention d’œuvrer à « la consolidation de l’unité entre la Cisjordanie et la bande de Gaza ».
Mais il est difficile de concevoir que 40 ans après la guerre des Six-Jours qui avait réuni les Palestiniens, à l’époque écartelés entre l’Égypte et la Jordanie, Israël parvienne à les séparer à nouveau. Une tentative synthétisée par des propos récemment attribués par la presse à Shimon Peres, tout nouveau président israélien : « Ce que veut faire Israël, c’est un peu comme faire des œufs avec une omelette. Impensable. »
« Ce qui se passe aujourd’hui à Gaza est la conséquence directe de cette approche israélienne qui a consisté à détruire le gouvernement central palestinien, museler sa capacité militaire, maintenir Abbas dans un état précaire », explique à l’AFP le professeur Menahem Klein, spécialiste des relations israélo-palestiniennes. De fait, les Israéliens refusent depuis plusieurs années le versement de centaines de millions de dollars en revenus fiscaux éloignés collectés par Israël et compromettent la libre-circulation des hommes et des marchandises en Cisjordanie.
Un rapport de la Banque mondiale, publié début mai, avait mis en cause cette politique de morcellement qui a pratiquement coupé les échanges économiques et sociaux entre la Cisjordanie et la bande de Gaza.
« L’anarchie qui règne à Gaza est le résultat direct de l’effondrement de l’Autorité palestinienne » provoqué par Israël, renchérit Gideon Lévy, dans le Haaretz. « Le Hamas s’est précipité dans ce vide caractérisé par la faim et le désespoir », ajoute-t-il.
Pour Menahem Klein, « le chaos à Gaza sert Israël mais jusqu’à un certain point. Car les Israéliens pensent en termes tactiques pas stratégiques pour isoler Gaza. Tout cela va nous sauter à la figure ». Selon lui, « Israël se dirige doucement vers une opération militaire à Gaza pour finir le processus qu’il croit enclenché : provoquer l’effondrement du Hamas à Gaza et aider Mahmoud Abbas à y revenir ». « Mais tant que Abbas n’acceptera pas le principe d’une force armée au service d’Israël pour faire régner l’ordre dans les Territoires, les Israéliens ne lui prêteront pas une réelle assistance. »
Cette démarche fut celle d’Israël au Liban-Sud, lorsqu’il tenta de maintenir une milice armée sous sa coupe, l’Armée du Liban-Sud (ALS), ou lorsqu’il fit pression sur la population afin qu’elle contraigne le Hezbollah à modérer sa politique. Klein est formel : « Cela n’a pas marché au Liban, cela ne fonctionnera pas à Gaza. »