Et même s’il pouvait y en avoir, aucun Etat ne peut se substituer aux organes internationaux.
On est, en effet, loin de la guerre éclair, rapide dans le temps quelques semaines tout au plus et un minimum de pertes.
Après quatre années, Saddam Hussein a été arrêté et exécuté un jour d’Aïd El Adha [1]. Autre fait marquant, le pays est au bord de la partition, et les Américains sont en panne de stratégies, car toutes celles qu’ils avaient expérimentées se sont avérées inopérantes. Les généraux américains en sont donc à douter de l’efficacité du militaire, alors que la Maison- Blanche a mis un terme à son intransigeance.
Elle a accepté de prendre langue avec ses pires ennemis déclarés, la Syrie et l’Iran. Les premiers, les généraux, savent qu’ils n’ont plus que quelques mois pour démontrer la validité de leur stratégie en Irak, alors que se profile l’élection présidentielle américaine et que s’érode le soutien de l’opinion publique.
Quatre années après l’invasion de l’Irak, en mars 2003, ils misent tout sur une nouvelle stratégie fondée sur des dizaines de milliers de troupes supplémentaires qui, selon eux, peut réussir à mettre enfin un terme aux sanglantes violences confessionnelles, et à leurs pertes qu’ils n’avaient sans doute jamais imaginées.
Malheureusement, cette nouvelle politique survient alors que plus de 3200 soldats américains et des dizaines de milliers d’Irakiens ont été tués. Et le nouveau commandant des forces multinationales en Irak, le général David Petraeus, qui a pris ses fonctions en février, a averti qu’il faudra des mois avant que cette stratégie puisse produire ses effets. « L’horloge tourne à Washington et à Baghdad, et nous aurions aimé pouvoir remonter l’horloge de Baghdad un peu plus vite », confiait-il récemment à Ramadi, très conscient que le temps est compté.
L’ironie de cette urgence soudaine n’échappe pas aux officiers sur le terrain. Aucun d’eux n’ira jusqu’à critiquer publiquement les responsables civils, notamment l’ancien secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld, mais ils sourient lorsque qu’on leur demande pourquoi cette nouvelle stratégie n’a pas été mise en œuvre avant. Ces officiers s’enthousiasment, en revanche, pour cette stratégie dite de « montée en puissance » qui doit voir plus de 25 000 troupes supplémentaires affluer sur Baghdad. D’ici à juin, quelque 160 000 Américains seront déployés en Irak, pour la première fois depuis 2003.
Au plan politique et diplomatique, les Etats-Unis ont été contraints d’assouplir peu à peu leur diplomatie à l’égard de l’Iran, la Syrie. « Le nouvel Irak était supposé devenir un modèle pour le Moyen-Orient et une menace pour la théocratie iranienne. Au lieu de cela, l’Iran est apparu comme le grand gagnant de la guerre des Etats-Unis », souligne Vali Nasr, un expert du Council on Foreign Relations, dans la dernière livraison de la revue de ce centre de recherche indépendant, Foreign Policy.
Pour l’ancien conseiller à la sécurité nationale Zbigniew Brzezinski, George W. Bush, en sacrifiant les principes moraux des Etats-Unis au nom de la lutte contre le terrorisme, a amoindri la crédibilité des Etats-Unis dans le monde. « Le fait est qu’il a dilapidé notre crédibilité, notre légitimité et même le respect des autres envers notre pouvoir », a-t-il déclaré récemment lors d’un show satirique notoirement anti-Bush, « The Today Show ».
La guerre a coûté au parti républicain sa majorité au Congrès et fait plonger la cote de popularité du président George W. Bush, qui plafonne désormais autour des 35%. Depuis sa défaite électorale de novembre et la publication en décembre d’un rapport très critique sur sa gestion de la guerre en Irak, M. Bush a sensiblement assoupli sa politique étrangère. Il a remplacé son ministre de la Défense Donald Rumsfeld, considéré comme responsable de la course en avant en Irak, chargé la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice de relancer les négociations de paix israélo-palestiniennes pour apaiser les sentiments anti-américains dans le monde arabe, et l’a autorisée à ouvrir le dialogue avec l’Iran et la Syrie. Mais pour quel objectif, et à quel prix ?, ne cesse-t-on de s’interroger.
L’Irak, quant à lui, n’a plus rien à donner. Lui-même est menacé de disparition.
Cependant quitter l’Irak aurait des conséquences graves, avertit Bush [2]
Le président américain George W. Bush a mis en garde hier, jour du quatrième anniversaire du déclenchement de la guerre en Irak, contre les « conséquences dévastatrices » qu’aurait pour la sécurité des États-Unis un retrait rapide des forces américaines de ce pays.
Dans une déclaration de quelques minutes, M. Bush a dit qu’il faudrait « des mois » pour que sa nouvelle stratégie irakienne porte ses fruits. Il a reconnu que le combat était « difficile », mais a réclamé « courage et détermination » de la part des Américains et a exalté le « sacrifice » de leurs troupes.
Alors que les sondages indiquent que sa popularité est au plus bas, Bush a une nouvelle fois défendu sa gestion de la guerre en Irak face à une opinion publique de plus en plus hostile au déploiement dans ce pays de près de 30 000 soldats américains supplémentaires. « Il peut être tentant de voir les défis posés en Irak et de conclure que notre meilleure option est de faire nos valises et de rentrer chez nous, a déclaré M. Bush. Si cela peut paraître satisfaisant à court terme, les conséquences pour la sécurité des Américains seraient dévastatrices. ».
La secrétaire d’État Condoleezza Rice a, de son côté, reconnu que l’administration avait payé ses erreurs du prix de sa crédibilité internationale, rendant la diplomatie américaine plus compliquée : « Il y a des endroits où cela a rendu les choses plus difficiles quand il s’agit de plaider la volonté américaine de démocratie et de paix au Moyen-Orient », a-t-elle dit à la chaîne NBC.
Selon un sondage réalisé pour la chaîne CNN, seuls un peu plus de 30 % des Américains soutiennent encore la guerre. Ils étaient plus de 70 % juste après le début des hostilités. Hier, la police américaine a arrêté 44 manifestants pacifistes près de la Bourse de New York à Wall Street, devant l’entrée de laquelle ils s’étaient allongés à l’occasion du quatrième anniversaire du déclenchement de la guerre contre l’Irak. Des opposants à la guerre ont manifesté à Washington et dans d’autres villes américaines ce week-end.
Près de quatre ans après le renversement de Saddam Hussein, la poursuite des violences alimente également le pessimisme des Irakiens.
Moins d’un Irakien sur cinq (18 %) dit avoir confiance en l’action des États-Unis et des troupes de la coalition, selon un sondage publié hier et commandé par la BBC, les chaînes de télévision américaine ABC News et allemande ARD et le quotidien USA Today. 78 % des personnes interrogées sont opposées à la présence de la coalition et 69% estiment que celle-ci n’a fait qu’empirer la situation.
De plus, 53 % des Irakiens disent ne pas faire confiance à leur propre gouvernement, contre 33 % en 2005. En ce qui concerne leur vie quotidienne, les Irakiens se montrent désabusés. Moins de 40 % jugent que la situation générale va s’améliorer, contre 71 % il y a trois ans. Pour beaucoup d’Irakiens, les conditions de vie sont précaires. Au total, 67 % pensent que les efforts de reconstruction n’ont pas été efficaces.
On constate également une baisse de 14 % dans le soutien à la démocratie et une hausse de 8 % en faveur d’un homme fort et d’un État islamique, par rapport à un précédent sondage réalisé par la BBC en novembre 2005.