« Là-bas, aussi, les gens qui pensaient différemment étaient considérés comme des ennemis : ils ont été emprisonnés, torturés, tués. Là-bas non plus les gens ne pouvaient pas se déplacer d’un endroit à l’autre, ils n’étaient pas libres et ils n’étaient pas égaux devant la loi. Mais ici c’est plus dur. Et cela dure depuis plus longtemps », a -t-il ajouté.
Guzman, âgé de 68 ans, est devenu célèbre à la fin des années 90 en tant que juge qui menait l’instruction contre Augusto Pinochet, dictateur militaire du Chili entre 1973 et 1990 [1]. Guzman a mené une longue bataille judiciaire contre Pinochet. Malgré l’immunité de l’ancien dictateur, Guzman a réussi à déposer plusieurs plaintes contre lui et à le traîner au tribunal. Le procès de Pinochet n’a jamais été à terme à cause de sa santé et il est mort il y a deux mois à l’âge de 91 ans.
Guzman est arrivé la semaine dernière en Israël , invité par le Comité israélien contre les Démolitions de Maisons (ICAHD) et le Centre alternatif d’Information (AIC), pour étudier s’il était possible de déférer devant les tribunaux européens des Israéliens responsables de démolitions de maisons palestiniennes. Jusqu’ici, les démarches judiciaires ont été menées contre des militaires uniquement. Le Comité veut mener des actions en justice contre des civils aussi.
L’ICAHD a une liste de trois responsables, de l’administration civile, de la municipalité de Jérusalem et du ministère de l’Intérieur, qui ont ordonné les démolitions de maisons palestiniennes. Il cherche à soumettre des demandes d’enquêtes contre ces responsables à un pays européen dont les tribunaux ont autorité pour traiter de violations internationales des droits humains. Il est prévu que Guzman donne le feu vert international à cette démarche. Si une telle enquête est ouverte, des mandats d’arrestation seront vraisemblablement lancés contre ces trois personnes qui auront alors des difficultés pour se rendre en Europe.
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Guzman ne doute pas un instant que, comme les militaires et les fonctionnaires de Pinochet, les militaires et les responsables israéliens payeront le prix des crimes qu’ils commettent contre les Palestiniens. « Ce que nous apprend l’Histoire, c’est qu’au bout du compte, ceux qui commettent des crimes contre l’humanité et violent les droits humains finissent par être jugés, soit par un tribunal international spécial, soit par un pays. Tôt ou tard, les violations des droits humains arrivent devant une cour de justice », dit Guzman.
Pendant son voyage, Guzman a rendu visite à deux familles palestiniennes dont les maisons à Issawiyeh et A-Tur ont été démolies. Une des familles vit sous une tente près des ruines de sa maison depuis deux semaines.
« Je les ai vus pleurer. Chaque démolition de maison est la démolition de la dignité et de l’intimité d’une personne, et elle est interdite par le droit international. J’ai également vu le Mur construit sur le territoire occupé. Je ne comprends pas, et je ne crois pas qu’il soit justifié par un problème de sécurité. Ce n’est pas logique. Je suis certain qu’il y a d’autres manières de protéger les Israéliens, et dans le même temps, les Palestiniens doivent être protégés. »
Guzman a ajouté : « J’admire les Juifs pour la souffrance qu’ils ont supportée et pour leur contribution aux sciences, à la littérature et à la musique. Je m’identifie aux Israéliens, mais mon coeur est avec les personnes qui vivent sous occupation et dont les droits sont violés.
Israël pense qu’il est victime du terrorisme, mais quand vous venez ici, vous vous rendez compte que ce que les Palestiniens font c’est résister à l’occupation. Les Palestiniens sont les victimes, ils sont exploités, leurs maisons sont démolies, ils sont détenus administrativement, leurs biens sont endommagés, ils ont besoin d’autorisations pour se déplacer d’un endroit à l’autre et leurs villes deviennent grandes prisons. Il n’y a aucun doute que ce sont eux les victimes. »
Guzman ne promet pas que les actes d’accusation contre les responsables des démolitions de maisons palestiniennes seront pris en compte. « J’étudierai la question, je consulterai et je verrai comment on pourra faire avancer l’affaire » dit-il, « mais il y a aucun doute qu’en droit international, les civils directement responsables des violations de droits humains peuvent être mis en accusation, tout comme les militaires »
Meir Margalit, coordonnateur local de l’ ICAHD, qui a invité Guzman à venir en Israël, dit qu’il désespère du système de justice israélien . « Il nous semble que l’option d’une enquête israélienne n’est plus à l’ordre du jour. Le salut ne viendra pas d’ici, et la situation empire. Chaque année, environ 400 maisons sont démolies à Jérusalem-Est et dans les territoires occupés. »
« Je suis ici pour une mission de paix » dit Guzman. « Je veux que mes actions permettent des discussions pour savoir si ce qui se fait ici est justifié. De l’expérience chilienne, nous avons appris qu’une telle action peut faire cesser des violations de droits humains. J’implore le gouvernement israélien d’arrêter les démolitions de maisons, s’il veut sauvegarder sa réputation et la réputation de la race humaine toute entière. »