La maison de Mohammad n’a pas été réduite en gravats. Les autorités israéliennes- qui dénoncent aussi la résolution de l’ONU votée vendredi et la politique française au Moyen-Orient [1]- ne sont pas contentes !
Utiliser des boucliers humains contre leur gré est bien sûr illégal et c’est justement ce que font fréquemment les soldats d’occupation quand ils veulent pénétrer dans un lieu qui leur paraît dangereux, cachés derrière un Palestinien détenu à la pointe du M16.
Par contre quand il s’agit d’une action volontaire c’est un acte de résistance pensé. Ainsi les Internationaux qui en 2002 pendant l’opération Rempart de sinistre mémoire ont réussi à forcer le blocus de la Muqata’a et y pénétrer pour rester 33 jours auprès du Président Arafat assiégé par les chars. Ainsi à Bethléem, ceux qui dans l’Eglise de la Nativité accompagnaient les militants palestiniens. Ainsi les militants de la solidarité qui pendant les années d’Intifada ont été présents aux check-points et aux premières lignes des manifestations. Ainsi les Israéliens anti-colonialistes dans les manifestations qui s’opposent au Mur d’annexion à Bilin ou ailleurs. Ainsi les membres des missions civiles qui par leur présence, en freinant les attaques des colons et de l’armée, permettent la cueillette des olives.
Ainsi Tom Hurndall, abattu alors qu’il essayait de protéger des enfants ou Rachel Corrie, assassinée quand elle tentait d’empêcher la démolition d’une maison à Gaza.
Une personne vient d’être blessée à Sderot par une roquette artisanale. Ces roquettes imprécises ont fait 7 morts en 6 ans de résistance à la répression de l’Intifada dont une femme tuée la semaine dernière. Au plus lourd de l’attaque de l’été contre Gaza, la résistance que cette offensive était supposée mettre à genoux n’a pas cessé d’en tirer. Ces tirs sont l’un des prétextes utilisés par les forces d’occupation pour frapper et détruire les maisons des résistants, jetant à la rue et dans la misère des familles entières. Punition collective.
C’est ce que faisait aussi pendant l’apartheid le gouvernement sud africain dont Israël était l’un des seuls alliés.
En Palestine occupée, en général de nuit, l’armée israélienne mène des raids par hélicoptère et tire des missiles sur des maisons d’habitation. Très souvent l’ordre est intimé, par téléphone ou haut- parleur, à la population civile de quitter sa maison en dix minutes, la plupart du temps sans pouvoir prendre d’affaires. Les parents n’ont que le temps d’éveiller les enfants et de se précipiter dans la rue avant que l’enfer se déchaîne.
Les hélicoptères et chasseurs qui survolent les villes, villages et camps de réfugiés, les missiles qui frappent la nuit terrorisent la population civile depuis des mois, des années. Les jours ne sont pas plus rassurants quand les drones lâchent des missiles sur les voitures des résistants ou quand aller à la plage signifie la mort sous les obus, quand les habitations sont détruites par explosif, entraînant souvent l’écroulement des maisons voisines, ou quand les bulldozers militaires, ceux qui ont assassiné Rachel Corrie, fracassent tout sur leur passage, arbres et bâtiments.
Terrorisme d’Etat qui enclenche bien évidemment des actions de résistance.
Cette fois à Jabalyia, davant la menace, les Palestiniens ont trouvé une action efficace. De même que les femmes à Beit Hanoun se sont précipitées vers la mosquée où des dizaines de résistants étaient assiégés et leur ont permis de s’enfuir, cette fois l’action collective -non violente- a permis d’empêcher une nouvelle attaque meurtrière.
Selon le reporter de la BBC, « Mohammed Baroud a déclaré que les forces israéliennes l’ont prévenu qu’il devait quitter sa maison. A la place, il s’est rendu en courant à la mosquée et a rassemblé ses voisins pour aider à défendre sa maison. M. Baroud est un officier des Comités de Résistance populaire.
L’armée israélienne ordonne souvent à des gens de quitter leurs maisons avant des attaques, affirmant vouloir ainsi éviter de faire des victimes.
Un dirigeant du Hamas présent sur les lieux a indiqué que les gens s’étaient regroupés pour montrer qu’il est possible de s’opposer avec succès à la stratégie israélienne de démolition de maisons.
Un porte-parole de l’armée israélienne a confirmé à l’agence Reuters que le raid avait été annulé à cause de l’action des Palestiniens.
"Le plan a été annulé à cause des gens présents. Nous faisons la différence entre des gens innocents et des terroristes," a-t-il dit.
Il a déclaré qu’Israël poursuivrait sa politique de raids aériens ciblés et a accusé les résistants d’utiliser des civils du camp comme boucliers humains... » [2]
Des centaines de parents et voisins se sont rassemblés, certains sur le toit, et ont chanté des slogans contre Israël et les Etats-unis.
Les Comités de Résistance populaire appellent les Palestiniens à répéter cette action victorieuse : « Nous appelons tous les combattants à refuser de quitter leurs maisons et nous demandons aux nôtres de se précipiter vers les maisons menacées pour y servir de boucliers humains ».
L’armée israélienne devra en tenir compte.
L’horreur en Palestine, à Gaza, n’a rien de nouveau. C’est tous les jours que des Palestiniens meurent sous les coups de l’occupant (plus de 4500 morts depuis le début du soulèvement), et on peut parfois craindre que cette « routine » meurtrière ne devienne banale, un, deux noms de plus sur la longue liste des crimes israéliens.
Ainsi 4 Palestiniens ont été tués à Gaza et en Cisjordanie et des dizaines blessés ce week-end, et d’autres maisons ont été frappées par des tirs de missiles. Ces deux derniers jours l’aviation israélienne a bombardé une dizaine de maisons quelques minutes après avoir demandé aux habitants de partir.
Mais l’image de Beit Hanoun, avec le sang de ses 19 morts coulant dans les caniveaux, comme celle de la plage de Gaza et la douleur de la petite survivante, ont frappé les esprits et c’est bien pourquoi, après les réticences habituelles à reconnaître leurs actions illégales, les dirigeants israéliens ont « présenté leurs excuses » ! Et osent dire avec le cynisme des puissants qu’ils font tout pour éviter de frapper les civils.
Aussi tirer sur des centaines de civils, justement, serait passer à une échelle de crime inacceptable pour la communauté internationale, jusqu’ici honteusement silencieuse et qui se permet de demander l’arrêt des violences comme si la violence tous azimuths de l’occupation et les actions de la résistance étaient de même nature et de même intensité.
Dans les attaques à venir -qui ne manqueront pas, une nouvelle offensive contre Gaza semble proche- les brillants stratèges israéliens devront tenir compte de la volonté populaire des Palestiniens de s’opposer ensemble, physiquement et pacifiquement, à la violence de l’occupation.