Rada, 29 ans, nous raconte des histoires alors que nous sommes à genoux aux bords des bâches de protection à ramasser les olives égarées sur le sol. Sa voix est douce et apaisante, presque comme un chant, bien que son anglais provienne des sit-coms nord américains. Elle aime particulièrement Seinfeld et Friends.
La famille de Rada est disséminée le long d’une arête montagneuse, à environ 300 mètres de la colonie israélienne d’Itamar, à l’ouest du village de Rujeeb, à l’extérieur de la ville de Naplouse.
Le village est, en réalité, une extension du camp de réfugiés de Balata, construit par des familles souhaitant échapper à l’insécurité et à l’environnement inconfortable de leur ancienne maison.
Certains perchés sur des branches et d’autres restés au sol, nous récoltons les olives des branches avec nos doigts agiles. Nous sommes gais mais sur nos gardes. En dépit du manifique paysage et d’une douceur printannière, il est difficile d’oublier que les maisons des colons et la barrière extérieure de la colonie avec sa porte sous alarme apparaissent indistinctement dans notre dos.
Un fourgon de la milice des colons arrive sur la route et un colon ouvre la porte, sort et regarde autour de lui. Une jeep de l’armée arrive à toute vitesse derrière. Les soldats lui hurlent de s’arrêter et sortent de leur jeep pour parler avec l’homme qui s’est apparemment auto-désigné adjoint-colon.
Cinq minutes plus tard, les deux véhicules s’en vont et nous découvrons que nous avons tous retenu notre souffle pendant tout ce temps.
Le jour se passe tranquillement. Nous terminons de récolter les olives sur les arbres les plus proches de la colonie et nous nous déplacons sur une seconde parcelle de terrain située à côté de la route "pour colons seulement".
Dans la matinée, des soldats avaient demandé aux cueilleurs internationaux de quitter le secteur, car c’était soi-disant une "Zone rouge", ce qui signifie que seuls les gens résidant officiellement à Rujeeb peuvent s’y trouver. Cependant, leur volonté à imposer cette règle semblait hésitante et nous n’avons pas été à nouveau interrompus.
Alors que nous rentrons au village, avec Rada qui chantait un air de Sami Yusuf écrit en hommage à sa mère, nous traversons une vallée encadrée par les principales colonies et avant-postes d’Elon Moreh et d’Itamar.
Le mari de Rada nous a raconté comment les colons ont planté une bombe sous la voiture du maire d’un village voisin, l’estropiant à vie, après qu’il ait revendiqué sa propriété de la terre de la colonie devant la Cour Suprême israélienne et qu’il ait gagné.
Nous avons décidé de nous revoir à la même heure et nous faisons un signe de la main aux enfants, en leur souhaitant bonne nuit avec l’accent du village qu’ils ont essayé de nous enseigner toute la journée.
Ca a été une bonne journée, prometteuse de nombreuses bonnes journées à venir.
Bienvenue à la cueillette des olives à Naplouse où la cueillette des olives, c’est résister.
Naplouse - 31-10-2006