« Celui qui décide de continuer à construire des colonies et leur fournit aide et protection est celui qui décide de stopper les négociations. Mais nous sommes toujours déterminés à voir la réussite de négociations sérieuses et sincères. »Mahmoud Abbas
« La mission du sionisme est de construire sur la terre d’Israël et nous allons reprendre cette mission dès ce soir. » Dan Dayan, dirigeant de Yesha, organisation des colons de Cisjordanie.
Voilà en quelques phrases le point d’orgue d’un mois de négociations avec deux visions de l’avenir de la Palestine originelle aux antipodes l’une de
l’autre. Comme on pouvait s’y attendre, le miracle n’a pas eu lieu. Faisant
dans une logique à flux tendu, l’Etat d’Israël poursuit son chemin,
faisant fi des dernières promesses du 2 septembre, où l’illusion des
salamalecs avait fini par avoir raison des plus sceptiques. Enfin, le calvaire
presque centenaire du peuple palestinien allait connaitre son épilogue ;
c’était sans compter sur la détermination des dirigeants israéliens et sur
les velléités de Mahmoud Abbas qui a brûlé ses vaisseaux, se coupant de sa
base croyant miser sur le bon cheval en acceptant pour la énième fois de
négocier en vain. La « seule exigence » qui est, en fait, une évidence, est de
supplier pour qu’on laisse aux Palestiniens 22% de la Palestine originelle !
Peine perdue, 300.000 colons sont installés en Cisjordanie et vont bientôt
être rejoints par des milliers d’autres. Cela malgré les recommandations et
« pressions amicales » des pays occidentaux sur Israël. Benyamin Netanyahu
persiste et signe. Avec la fin du moratoire, c’est la colonisation qui reprend
de plus belle à une cadence que l’on imagine plus importante pour rattraper
le temps perdu...
En fait, dès le départ, Israël avait annoncé son intention de ne pas
reconduire le moratoire. Pourtant, et comme rapporté dans le Monde :
« D’après un haut responsable du gouvernement israélien qui s’est exprimé
vendredi 24 septembre sous couvert de l’anonymat, Israël semble prêt à
faire une concession sur les implantations de Cisjordanie. Tel-Aviv « est
disposé à parvenir à un compromis agréé par toutes les parties sur la
prolongation du gel de la construction, a-t-il déclaré, étant entendu que ce
gel ne pourra pas être total. »
Les trois formules
Des entretiens tripartites se sont tenus mercredi entre le négociateur
palestinien Saeb Erekat, son homologue israélien Yitzhak Molcho et l’envoyé
spécial américain pour le Proche-Orient, George Mitchell. Trois formules ont
été envisagées lors de ces discussions, d’après le quotidien Haaretz :
– La première, proposée par les Palestiniens, vise à étendre de trois mois
le moratoire ;
– La deuxième, israélienne, ne prévoit aucune extension du moratoire, mais
au contraire une reprise de la construction dans les « blocs » de colonies, dans
la limite de la « croissance naturelle » (démographique) des colons ;
– La troisième formule, suggérée par les Egyptiens, consiste en un gel
« silencieux » de la colonisation (c’est-à-dire sans annonce publique)
pendant plusieurs mois. D’après un rapport de l’ONG publié en août, « les
colons pourront en théorie construire environ 13.000 logements sans la moindre
approbation supplémentaire du gouvernement » dès octobre. En effet, « des
permis de construire ont été octroyés pour au moins 2066 logements dont les
fondations sont déjà prêtes, et des centaines d’autres dont les fondations
n’ont pas encore été construites pourront être érigés dès la fin du
gel ».
Par ailleurs, « au moins 11.000 autres logements dont la construction a été
entérinée pourront être bâtis sans autre approbation gouvernementale, dont
5000 dans des implantations isolées ».(1)
Juste avant l’annonce de la fin du moratoire, Liberman prend les devants et
impute l’échec des négociations aux Palestiniens. « Aujourd’hui, (les
Palestiniens) exercent une pression pour maintenir le moratoire qu’ils avaient
auparavant rejeté. Les Palestiniens ont « perdu du temps » pendant les dix mois
qu’a duré le moratoire sur la colonisation. Durant le moratoire, « les
Palestiniens ont perdu du temps, ont complètement refusé d’accepter ce geste
et ont accusé Israël de malhonnêteté ». « Dans tous les cas, nous devons
continuer les discussions directes sans condition préalable. C’était notre
position depuis le jour où nous avons formé ce gouvernement, c’est notre
position aujourd’hui et nous ne sommes pas prêts à quelque condition
préalable que ce soit », a-t-il déclaré.(2)
Immédiatement après l’expiration du moratoire, le Premier ministre
israélien, Benyamin Netanyahu, a appelé le président palestinien à
poursuivre les négociations. « Je lance un appel au président Abbas pour
qu’il continue à mener les pourparlers bons et honnêtes que nous venons de
lancer pour tenter de parvenir à un accord de paix historique entre nos deux
peuples », a affirmé Benjamin Netanyahu dans un communiqué publié peu après
minuit local. Dans le cadre de contacts diplomatiques « intensifs », Benjamin
Netanyahu s’est entretenu ces dernières heures avec la secrétaire d’Etat
Hillary Clinton, des membres de l’Adminitration américaine, le président
égyptien Hosni Moubarak et le roi Abdallah II de Jordanie, selon le
communiqué.
Fidèle à sa technique « non violente » mais qui cache en réalité une
impuissance, le président palestinien, Mahmoud Abbas, veut qu’Israël observe
une pause dans la colonisation. « Nous demandons le moratoire tant qu’il y
aura des négociations parce que, tant qu’il y a des négociations, il y a de
l’espoir », a-t-il affirmé sur Europe 1. Les Palestiniens, nous dit-on,
réservent leur réponse sur l’avenir des pourparlers de paix jusqu’à une
réunion de la Ligue arabe programmée le 4 octobre. « Nous ne voulons pas
arrêter ces négociations mais, si la colonisation se poursuit, nous serons
obligés de les arrêter » .
Comble d’humiliation pour les Arabes : l’Aiea rejette une résolution des
pays arabes : institutions internationales ou attrape-nigauds ? Pourtant, la
résolution était « non contraignante », symbolique, appelant Israël,
considéré comme la seule puissance nucléaire au Proche-Orient, à signer le
TNP. « L’ambassadeur israélien, E. Azoulay, confirme sous forme de chantage
que l’adoption d’une telle résolution ´´est apte à porter un coup fatal
à tout espoir d’efforts de coopération à venir en vue d’une amélioration
de la paix régionale au Proche-Orient´´ en se permettant même d’accuser
l’Iran et la Syrie, contrairement à Israël, de représenter ´´la plus
grande menace pour la paix et la sécurité au Proche-Orient et au-delà ».(3)
D’où vient ce sentiment de puissance d’Israël et du mépris de la
légalité internationale ? On sait qu’aux Etats-Unis, les lobbys tels que
l’Aipac, font et défont les gouvernements, mais l’Europe semble absente du
débat, elle est tenue à l’écart. Pourtant depuis dix ans il n’y a pas eu
de percée, d’une part, parce que les Européens sont incapables de définir
une politique commune, d’autre part parce que ces pays européens sont
tétanisés à des degrés divers et n’osent pas se mettre à dos pour de
multiples raisons notamment les lobbys et la dette d’Auschwitz
Pour Daniel Vanhove, il ne faut rien attendre de ces négociations, il en
explique les causes profondes : « Quels que soient les effets d’annonce, la
plupart du temps surmédiatisés, le conflit israélo-palestinien ne pourra
jamais être résolu sur les bases actuelles pour plusieurs raisons, dont
l’une me paraît majeure.(...) Cette raison en est que toutes les approches
qui l’abordent pour y trouver une éventuelle solution en oublient un
élément essentiel : l’injustice originelle. L’injustice fondamentale qui a
prévalu à l’établissement du jeune Etat israélien en terres arabes, au
lendemain de la guerre essentiellement européenne de 1945. Gommer, ne pas
prendre en compte ou sous-estimer la mauvaise conscience européenne - toujours
d’actualité, même si au fil du temps, elle s’amenuise auprès des
nouvelles générations - dans l’abord de ce conflit, biaise toute analyse
sérieuse du problème. Il faut rappeler qu’il y a eu un consensus entre les
pays qui avaient gagné cette terrible guerre - environ 65 millions (!) de
victimes civiles et militaires - pour accorder au projet sioniste, une terre où
pourrait se réfugier la communauté juive, tellement pourchassée et
exterminée en Europe si chrétienne de l’époque.. (...). Leur demander plus
de sévérité à l’égard de la politique israélienne leur est un exercice
périlleux, non exempt de remontées douloureuses d’un passé encore récent,
et rapidement requalifié d’antisémitisme par certains, trop contents de
pouvoir jouer-là leur joker préféré... »(4)
« L’Histoire n’a de sens que celle que les Hommes lui donnent. Et à
distance de ces évènements datant de plus de 60 ans, comment comprendre cette
partition de la Palestine, sans se rappeler au préalable qu’elle s’est
faite sur le dos des premiers concernés, les Palestiniens, absents de cet
odieux marchandage ? Ainsi, s’entêter dans des pourparlers de paix entre deux
gouvernements dont l’un sait pertinemment qu’il a volé l’autre, et dont
l’autre sait la spoliation dont il fait toujours l’objet, est tout
simplement impossible à réaliser. (...)De la même manière, tous les acteurs
de la question qui aimeraient voir aboutir la paix en cet endroit du monde, se
trompent dans leur démarche s’ils intègrent à la base cette injustice comme
étant irréversible. Parler de paix - quel que soit le qualificatif que l’on
tente de lui donner pour mieux faire passer la pilule aux responsables
israéliens dont on ne connaît que trop bien les objectifs funestes - sans
remettre en cause la partition de départ est se faire, consciemment ou non,
complice de cette injustice première. Il convient donc de regarder cet
évènement de l’époque, sans se sentir obligé de l’intégrer comme nombre
de nos prédécesseurs semblent l’avoir fait avec d’autant plus de facilité
que cela leur donnait l’impression de se dédouaner ainsi de leurs méfaits à
l’égard des juifs. »(4)
« (...) Par ailleurs, nonobstant une décision israélienne purement
« formelle » de prolonger le moratoire au sujet de la colonisation, au nom de la
sauvegarde de pourparlers actuels directs avec M.Abbas, il conviendrait, pour
être honnête, de ne pas se voiler le visage et de voir bien en face que dans
les faits, la colonisation n’a jamais cessé. Il faut dire et redire, que
c’est encore et toujours une histoire de dupes. Comme toutes celles que tente
de nous faire avaler le gouvernement sioniste, alimentées et retransmises en
cela par nos médias complices ».
Israël est incontrôlable
Continuant son plaidoyer, il nous explique pourquoi Israël fait ce qu’il
fait et, ce qu’il faut faire pour lui faire entendre raison. « En d’autres
mots, au-delà du fait de dénoncer cette énième supercherie des autorités de
Tel-Aviv, il faut bien constater une chose, grave d’entre toutes : le bébé
occidental porté sur les fonds baptismaux après la seconde Guerre mondiale
dans le but d’expiation des crimes commis à l’encontre de la communauté
juive d’Europe a mal grandi, et il présente aujourd’hui tous les signes de
crises d’une adolescence qui tourne mal et que ses parents ne parviennent plus
à contrôler.(...) : Israël aujourd’hui, échappe à tout contrôle ! Nul ne
parvient plus à lui faire entendre raison, même l’Oncle Sam. Et il y a donc
le risque que seule la méthode forte le ramène dans les normes acceptables, à
savoir celles du Droit identique pour tous. (...).
Si l’on exclut tout recours
à la violence à l’encontre d’Israël, après nous avoir martelé depuis
plusieurs années que le marché fait loi, la seule méthode qui soit, est la
privation de ses moyens financiers. (...) La campagne de Boycott, Sanctions et
Désinvestissements (BDS) est donc plus que jamais d’actualité, et devrait
franchir un échelon supplémentaire par la suppression immédiate de toute aide
financière à l’entité coloniale qui ne respecte rien d’autre que ses
propres objectifs. (...) Mais encore une fois, pour en arriver à une véritable
solution, au lieu d’intégrer « d’emblée » les paramètres actuels, il nous
faut reconnaître en priorité, l’injustice flagrante du départ, commise à
l’encontre du peuple palestinien. Tant que nous n’aurons pas pu reconnaître
cette faute-là, toute tentative vers un quelconque accord sera illusoire et
d’office promise à un nouvel échec. »(4)
On imagine l’affolement dans le camp occidental ; des négociations
marathon, des promesses multiformes à Israël, des navettes de l’émissaire
par dizaines, ne sont pas venues à bout de l’entêtement israélien enivré
par sa puissance. On nous informe que l’émissaire américain George Mitchell
entamait mardi 28 septembre une mission d’urgence au Proche-Orient, destinée
à sauver le processus de paix israélo-palestinien, qui menace de s’effondrer
après la non-prolongation du moratoire sur la colonisation juive en
Cisjordanie. Aux Etats-Unis, le porte-parole du département d’Etat,
P.J.Crowley, a salué la décision de Mahmoud Abbas de ne pas quitter les
négociations pour l’instant, et réprimandé Israël pour la reprise de la
colonisation. « Nous sommes déçus, mais nous restons concentrés sur notre
objectif à long terme et nous discuterons avec les parties des implications de
la décision israélienne », a-t-il expliqué lundi. M.Crowley a précisé que
« l’émissaire américain pour le Proche-Orient, George Mitchell, examinerait
avec les deux camps ce qu’il est possible de faire désormais ».(5)
Rien n’est plus limpide, le fait accompli israélien est accepté et
l’émissaire demandera aux Palestiniens de négocier sur ce qui reste de la
Cisjordanie ; des colons qui s’acharnent à construire leurs habitations ne
seront plus délogés ! Sombres jours pour les Palestiniens....
[1]