L’expulsion des Palestiniens de leur propre pays s’est faite, il y a 62 ans. Ce nettoyage
ethnique (800 000 personnes expulsées de leur propre pays) s’est réalisé avec la complicité de
la communauté internationale. Après des siècles d’un antisémitisme européen jalonné de
nombreux pogroms, et immédiatement après le génocide nazi qui a entraîné la mort de 6
millions de Juifs (la moitié des Juifs européens), l’Occident s’est « débarrassé » de sa
responsabilité … sur le dos du peuple palestinien qui n’avait joué aucun rôle dans cette
persécution.
Alors que la décolonisation (certes très imparfaite) a été la règle partout, la question
palestinienne évolue à contre-courant. Plusieurs facteurs bloquent toute solution. Il y a la
manipulation de l’histoire, des mémoires et des identités. L’Etat d’Israël et celles ou ceux qui
soutiennent sa politique nient le crime fondateur, les droits du peuple autochtone, voire même
l’existence de ce peuple. Pour eux la « légitimité » d’un Etat qui s’est proclamé « Etat Juif »
et refuse toute citoyenneté aux autres habitants de la région est indiscutable et les Palestiniens
sont des intrus. Ils en sont toujours aux mensonges initiaux : « une terre sans peuple pour un
peuple sans terre », « du désert, nous avons fait un jardin », « les Arabes sont partis d’euxmêmes
» et ils défendent contre toute vraisemblance historique l’idée qu’après 2000 ans
d’exil, les Juifs sont retournés dans leur pays.
Le sionisme est une idéologie totalitaire qui prétend parler au nom de tous les Juifs. Depuis
des années, une technique s’est bien rodée. Quiconque critique Israël et sa politique,
quiconque défend les droits du peuple palestinien, est forcément un antisémite s’il n’est pas
juif et un traître ayant la haine de soi s’il est juif. Quiconque dit ce qui est à l’oeuvre :
nettoyage ethnique, colonialisme, apartheid, crimes de guerre … est forcément un
négationniste nostalgique d’Hitler.
Traître ou complice ?
Refusant d’avoir le choix entre être complice ou être un traître, je me sens donc sommé de
dire « d’où je parle ». Je suis né en 1950 dans le souvenir omniprésent du génocide nazi. Mère
née Dvoira Vainberg, communiste résistante dans la MOI, seule rescapée d’une famille
nombreuse disparue (sans qu’on sache même où et comment) en Bessarabie. Père Yakov
Stambul, membre du groupe Manouchian (l’Affiche Rouge), en « triangle » avec Jozsef
Boczor et Emeric Glasz fusillés au mont Valérien. Il a été déporté à Buchenwald. Sa mère
avait été 40 ans plus tôt une survivante du pogrom de Kichinev. J’utilise volontairement mes
origines pour contester tout droit des sionistes à parler au nom de tous les Juifs ou au nom de
l’antisémitisme et du génocide.
En 1948, Menachem Begin (le responsable du massacre de Deir Yassin) projetait de visiter
les Etats-Unis. Les plus grands intellectuels juifs américains de l’époque (Hannah Arendt,
Albert Einstein …) avaient signé une pétition demandant au président Truman d’arrêter ou d’expulser ce terroriste. Encore à cette époque, le mot « juif » évoquait Einstein, Arendt,
Freud, Rosa Luxembourg… et pas Liberman, Barak , Livni ou Nétanyahou.
Aujourd’hui, on assiste à un véritable acharnement consistant à effacer ce passé, à manipuler
l’histoire, la mémoire et les identités juives. La caricature de ce hold-up, c’est un avocat
sioniste français osant intenter un procès à Edgar Morin pour antisémitisme. Edgar Morin a
été un grand résistant et il a écrit dans « Vidal et les siens », à partir de son histoire familiale,
une étude de la trajectoire des Juifs venus de Salonique. Edgar Morin, comme de nombreuses
personnalités françaises d’origine juive, trouve que la politique israélienne actuelle n’est pas
seulement criminelle pour les Palestiniens et suicidaire pour les Israéliens, c’est aussi une
caricature d’une histoire riche qui n’a rien à voir avec le militarisme colonial actuel.
Sionisme et antisémitisme
L’idéologie sioniste est une réponse, fausse à mes yeux, à l’antisémitisme. En 1880, environ
60% des Juifs du monde entier vivent dans un seul pays : l’empire russe et ils forment environ
10% de la population de la « zone de résidence » entre Baltique et Mer Noire. La société juive
est en but à un terrible antisémitisme d’état qui essaie de détourner la colère populaire contre
les Juifs. Une partie de la population juive abandonne la religion. Les idées révolutionnaires
influencent massivement les Juifs qui se sont prolétarisés et adhèrent en nombre à différents
partis révolutionnaires dont le Bund. À contre-courant de ces idées, le sionisme considère que
l’antisémitisme est inéluctable, que la lutte pour la citoyenneté ou l’égalité des droits n’a
aucun sens et que la seule solution est la fuite et la colonisation de la Palestine. Dès le départ,
le sionisme est une théorie de la séparation : juifs et non juifs ne peuvent pas vivre ensemble.
Dès le départ, les sionistes n’ont qu’un seul but : construire le futur Etat juif et ils ne
participeront que de façon très marginale aux luttes sociales, au combat pour l’émancipation
ou à la résistance antifasciste. Dès le départ, le sionisme se sert de l’antisémitisme pour faire
avancer son projet. Peu avant sa mort, Herzl rencontre un des pires ministres antisémites du
Tsar (Plehve) pour lui expliquer que l’un et l’autre ont les mêmes intérêts : qu’un maximum
de Juifs quittent la Russie. La persécution antisémite sera toujours décrite, notamment plus
tard par Ben Gourion, comme une aide décisive pour convaincre les Juifs de partir en
Palestine. Dès le départ, les sionistes qui prétendent réagir au pire des racismes se montrent
totalement négationnistes vis-à-vis du peuple palestinien autochtone. Ils organisent, dans un
premier temps sa dépossession et dans un deuxième, son expulsion, ceci bien avant le
génocide nazi.
Instrumentalisation du génocide
À la sortie du musée Yad Vashem de Jérusalem consacré au génocide, un monument
symbolise l’issue « rédemptrice » selon les sionistes : la création de l’Etat d’Israël. Certes, le
projet de création d’un Etat juif n’aurait pas abouti et même serait resté très minoritaire parmi
les Juifs sans le génocide. Les Juifs qui avaient été considérés comme des parias en Europe,
sont soudainement devenus dès 1945 de bons européens établissant une tête de pont au
Proche-Orient et il y a eu un consensus international pour soutenir la création de l’Etat
d’Israël et le nettoyage ethnique qui l’a accompagnée.
Et pourtant, le sionisme a-t-il joué un rôle notable face au nazisme et au fascisme ? En fait,
aucun mouvement politique et aucun Etat n’a voulu ou su faire face à cette « résistible
ascension » du fascisme. Les Occidentaux ont refusé l’intervention en Espagne, ont signé les
accords de Munich et plus tard pendant la guerre, n’ont rien fait pour empêcher
l’extermination des Juifs. Les Soviétiques ont signé le pacte germano-soviétique. Ne parlons
pas du Parlement français qui a voté les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain.
Mais les sionistes n’ont pas fait mieux et les faits qui suivent sont facilement vérifiables
L’idéologue du courant révisionniste du sionisme, Vladimir Jabotinsky était un admirateur du
fascisme italien et les méthodes qu’il a préconisées dès 1930 (le « transfert » des Palestiniens
au-delà du Jourdain) s’inspire du fascisme. Quand en 1933, les Juifs américains organisent un
boycott contre l’Allemagne Nazi, Ben Gourion le brise aussitôt. L’organisation sioniste
mondiale aura un bureau en Allemagne nazi jusqu’en 1941 et les Nazis favoriseront l’arrivée
des Juifs allemands ou autrichiens expulsés en Palestine (avec transfert de fonds) alors que la
grande majorité d’entre eux préféraient partir en Occident. Pire, celui qui sera Premier
ministre sous le nom d’Itzhak Shamir a dirigé avec Stern un groupe terroriste qui assassinera
de nombreux soldats britanniques entre 1940 et 1943, ce qui en dit long sur l’intérêt que ce
groupe portait au génocide en cours.
Il y a eu une résistance spécifiquement juive pendant la guerre, essentiellement communiste et
bundiste (la MOI, l’insurrection du ghetto de Varsovie). Les sionistes n’y ont joué qu’un rôle
marginal.
Israël s’est souvent présenté comme le havre de paix pour les Juifs après la guerre. Il n’y a
qu’à écouter le discours de Sharon lors du 60e anniversaire de la libération d’Auschwitz,
expliquant que l’extermination n’aurait pas eu lieu si Israël avait existé et accessoirement
qu’Auschwitz justifiait ce qu’Israël inflige aux Palestiniens.
Il y a pourtant à dire sur l’arrivée des rescapés du génocide. À la fin de la guerre, des
centaines de milliers d’entre eux sont dans des camps de réfugiés, essentiellement en
Allemagne. Le Yiddishland a disparu. Ils attendent des visas pour l’Occident que la plupart
n’obtiendront pas. En 1951, le dernier camp se révolte en Bavière et les derniers réfugiés sont
expulsés … en Israël.
Ces rescapés seront très mal accueillis en Israël. On opposera la prétendue résignation des
victimes face à l’extermination, à l’Israélien nouveau fier de lui qui se bat et défriche son
pays. Il reste aujourd’hui un peu plus de 200 000 rescapés en Israël. La moitié d’entre eux
touchent des pensions misérables et vivent sous le seuil de pauvreté, en particulier ceux qui
sont venus des pays de l’Est. Régulièrement, des rabbins et non des moindres, insultent la
mémoire des victimes en affirmant qu’ils ont pêché et que Dieu les a punis. Entre deux injures
racistes contre les Palestiniens, le grand rabbin Ovadia Yossef, idéologue du parti Shass
(Salah Hamouri est accusé sans preuve d’avoir voulu attenter à sa vie) s’est plusieurs fois
livré à des diatribes contre les victimes du génocide.
La question du racisme en Israël
Pourquoi les institutions communautaires juives, si promptes à voir partout l’antisémitisme
sont-elles aussi silencieuses face au racisme et aux discriminations en Israël ?
Il existe un racisme institutionnel contre les Palestiniens. Ceux qui ont la nationalité
israélienne dans un Etat qui se dit « juif et démocratique » vivent les discriminations au travail
(un grand nombre de métiers leur étant interdits), au logement, à la possession de la terre dans
un pays où « légalement », 98% des terres sont réservées aux Juifs.
Plus de 60 ans après la
création de l’Etat d’Israël, plus de 100 000 Bédouins du Néguev vivent dans des bidonvilles
en plein désert. Leurs villages non reconnus sont détruits. Ils n’ont pas le droit de construire
en dur, ils n’ont ni route, ni eau, ni électricité, ni école. On détruit leurs maisons dès qu’ils
construisent en dur.
De très nombreux dirigeants israéliens profèrent régulièrement des injures racistes qui sont
parfois des appels au meurtre contre les « Arabes » en toute impunité. Dans le cadre du « choc
des civilisations » et de la « guerre du bien contre le mal », les médias israéliens considèrent
le Hezbollah ou le Hamas comme des êtres démoniaques. D’où l’indifférence de l’opinionisraélienne face aux crimes de guerre commis au Liban (2006) ou à Gaza (décembre-janvier
2008-9)
Que dire des Juifs séfarades ou Mizrahis venus des pays musulmans ? Avant l’avènement du
sionisme, ils n’avaient jamais connu quelque chose d’équivalent à l’antisémitisme européen.
Au contraire, quand les Juifs ont été expulsés d’Espagne, ils ont été accueillis au Maghreb et
dans l’Empire Ottoman.
C’est à la fois la construction d’un Etat juif expulsant les Palestiniens
et le colonialisme européen qui vont déstabiliser ces communautés. Bien sûr, les régimes
arabes ou le colonialisme français ont une responsabilité évidente dans le départ de
communautés vieilles parfois de 2000 ans. Mais la propagande sioniste a joué un rôle
essentiel. Il s’agissait de donner au nouvel Etat israélien le prolétariat qui lui faisait défaut
après l’expulsion des Palestiniens. Quand les Juifs hésitaient à partir, tout a été fait pour les
convaincre et par exemple les attentats de Bagdad de 1950-51 qui ont décidé la plus vieille
communauté juive (celle d’Irak) à émigrer, ont été réalisés par des sionistes.
On a raconté une histoire assez fantastique aux Juifs venus des pays musulmans : « vous
viviez dans des pays de sauvages au milieu des Arabes et les Ashkénazes (les juifs européens)
vous ont sauvés en vous offrant un pays ». Ils se retrouvent aujourd’hui coupés de leur
histoire, de leur culture, de leurs langues, de leurs racines. Les Juifs algériens qui étaient des
autochtones ont dû quitter leur pays avec les colons à cause du décret Crémieux.
Les Juifs du monde arabe ont souffert dès leur arrivée en Israël d’un racisme violent. On les a
envoyés dans les régions périphériques ou désertiques. Ils ont occupé les emplois les plus
dévalorisants, et leur niveau de vie en Israël est très nettement inférieur à celui des Juifs
européens. Dans les années 50, des rayons X ont été expérimentés sur des enfants de Juifs
marocains, on estime que le nombre de victimes tourne autour de 6000 morts. Il y a eu des
révoltes dont celles des Panthères Noires. Les Juifs du monde arabe ont été éduqués à adopter
une histoire, celle de l’antisémitisme européen, qui n’est pas la leur. Leur traumatisme, être
coupé des Arabes avec lesquels ils avaient toujours vécu et être définitivement éloignés de
leurs terres ancestrales, a été totalement nié et refoulé. Sans passé, ni présent, ni avenir, ils ont
été une proie facile pour les partis de droite.
Enfin il est difficile d’évoquer le racisme en Israël sans parler des Falachas. La fameuse
opération visant à les sauver tourne à la farce sinistre. Il y a aujourd’hui près de 100 000
Ethiopiens en Israël dont beaucoup n’ont rien à voir avec le judaïsme. Ils subissent un racisme
violent, et pas seulement de la part des autorités religieuses.
La société israélienne est à l’unisson de l’occident sur les questions du tiers-monde et des
migrations. Plusieurs milliers de Sans Papiers venus d’Afrique de l’Est sont enfermés dans
des centres de rétention. Leurs enfants ne sont pas scolarisés et le gouvernement construit une
barrière entre Gaza et la Mer Rouge pour les empêcher d’entrer. Il y a en Israël des centaines
de milliers de travailleurs immigrés notamment venus de l’Est de l’Asie et ils subissent les
mêmes discriminations que les immigrés vivant en Europe.
Devoir de mémoire ou devoir de soutien inconditionnel ?
Il aura fallu du temps pour que le nouvel Etat israélien réalise tout le profit qu’il y avait à
créer une religion du souvenir. La mémoire ne peut pas être un devoir. La mémoire n’est pas
un rite. Elle a un sens évident, comprendre ce qui a produit les horreurs et faire en sorte qu’il
n’y ait « plus jamais cela ». Ce sens a été perverti.
Avec la création du musée Yad Vashem et le procès Eichmann, l’Etat israélien s’est
autoproclame seul dépositaire de la mémoire du génocide. C’est lui qui nomme les « Justes »,
celles et ceux qui ont sauvé des Juifs. Tous les ans, chaque Israélien doit s’arrêter au garde-à vous pour célébrer la Shoah et le voyage à Auschwitz pendant les années d’études est
obligatoire.
Et pourtant ! Dès les années 50, pour pouvoir retrouver sa place dans le concert des nations,
l’Allemagne fédérale a décidé d’indemniser les victimes juives du nazisme (pas les autres,
pourquoi ?). L’Etat d’Israël a reçu des milliards de marks qui ont joué un rôle décisif dans son
développement économique. Or le chancelier Adenauer a un passé douteux sur la question
juive et plusieurs de ses conseillers qui ont mis en place l’aide à Israël sont des anciens nazis.
Les Israéliens ont fermé les yeux.
Aujourd’hui c’est pire. Un président polonais se fait élire avec le soutien décisif d’une radio
antisémite (Radio Marya) et il est décrit par tout le monde comme un ami d’Israël. Dans les
pays baltes ou en Croatie, des partis héritiers des collaborateurs qui ont joué un rôle majeur
dans l’extermination des Juifs, se retrouvent au pouvoir. Peu importe, ce sont des amis
d’Israël ! En France, des anciens du groupe fasciste Occident se retrouvent dans les Amitiés
France-Israël.
Aux Etats-Unis, les « Chrétiens sionistes » sont très puissants. Ces intégristes affirment que
les « Arabes, c’est Armageddon, c’est le mal », que les Juifs doivent les expulser de la terre
sainte, mais que bien sûr après, ils devront se convertir au christianisme ou disparaître. Ce
sont des antisémites, héritiers de l’antijudaïsme chrétien traditionnel. Les Chrétiens sionistes
ont donné une aide financière décisive pour coloniser la Cisjordanie et en particulier pour
construire Maale Adoumim qui coupe la Cisjordanie en deux et qui rend non-viable tout
hypothétique Etat Palestinien. Bref, il faut le dire, la colonisation est financée par
d’authentiques antisémites.
Mais en Israël et chez ceux qui défendent inconditionnellement les gouvernements israéliens,
le curseur s’est déplacé. Tous les dirigeants politiques ont proclamé « qu’Arafat est un nouvel
Hitler », que les Palestiniens sont les héritiers du nazisme (alors que, comme le montre
Gilbert Achkar dans son livre « les Arabes et la Shoah », les sympathies arabes pour le
nazisme ont été rares, à l’exception du mufti Amin al-Husseini). Le complexe de Massada
fonctionne à fond. On ne traque plus les antisémites, on traque ceux qui critiquent Israël et qui
sont « forcément » quelque part des antisémites. On a passé sous silence en Israël le fait qu’en
2002, les plus grands intellectuels palestiniens (Elias Sanbar mais aussi Edward Saïd et
Mahmoud Darwish aujourd’hui décédés) ont empêché la tenue d’un colloque négationniste de
Garaudy à Beyrouth.
L’antisémitisme aujourd’hui.
Il n’y a pas eu dans l’histoire un seul antisémitisme. Il y a d’abord eu pendant des siècles en
Europe l’anti-judaïsme chrétien. Les deux religions ont été en concurrence au début de l’ère
chrétienne et le christianisme est issu du judaïsme. Quand le christianisme devient religion
d’Etat, les persécutions anti-juives commencent. Ce sont les interdits, notamment la
possession de la terre, l’enfermement dans les juderias ou les ghettos, les stéréotypes racistes,
l’accusation de déicide, les expulsions et les massacres de masse.
Quand l’émancipation des
Juifs européens commence au XVIIIe siècle, cet anti-judaïsme chrétien va se transformer en
antisémitisme racial. Tous les nationalismes européens ont en commun l’équation simpliste
« 1 peuple = 1 Etat » (idée reprise par les sionistes) et il y a un consensus antisémite
considérant que les Juifs sont « apatrides et cosmopolites » et constituent un obstacle à la
construction d’Etats ethniquement purs. Cet antisémitisme racial a produit les horreurs du
nazisme.
Après 1945, c’est principalement l’extrême droite qui propage l’antisémitisme avec le renfort
d’un petit courant venu de l’ultra-gauche (Rassinier) qui nie l’existence de l’extermination.
Les principaux courants politiques n’affichent plus l’antisémitisme d’avant-guerre, mais il ne
faut pas se méprendre. Il ne s’agit pas d’un sentiment de culpabilité, mais d’une joie que les
Juifs aient un Etat et donc éventuellement qu’ils puissent partir. Déjà en 1917, Balfour, le
créateur du « Foyer National Juif » était un antisémite. Son projet politique visait à la fois à
créer une tête de pont européenne au Proche-Orient et à se débarrasser des Juifs européens.
Il y a aujourd’hui une troisième phase de l’antisémitisme. Edgar Morin a utilisé le terme
d’antiisraélisme. À partir du moment où les partisans de l’Etat d’Israël mélangent sciemment
juif, sioniste et israélien, il est logique que les mêmes confusions aient lieu dans les rangs de
celles ou ceux qui défendent les droits des Palestiniens. Il est tout à fait illusoire, face à ce
phénomène, d’hurler à l’antisémitisme aux côtés de ceux qui nient les crimes commis par
l’armée israélienne. La meilleure parade à cette possible montée d’un nouvel antisémitisme,
c’est de faire ce que font les anticolonialistes israéliens ou ce que fait l’Union Juive Française
pour la Paix : montrer en tant que juifs que nous sommes solidaires des Palestiniens, parce
que cette guerre n’est ni une guerre raciale, ni un conflit communautaire, ni une guerre
religieuse. Elle porte sur des questions universelles : l’égalité des droits et le refus du
colonialisme. Et nous sommes solidaires aussi au nom de notre identité et de notre histoire.
En même temps, il existe et il a toujours existé en petit nombre d’authentiques antisémites qui
se dissimulent derrière le combat pour la Palestine. Je citerai les groupies d’Israël Shamir, un
curieux Israélien d’origine soviétique, le parti dit « antisioniste » dont le fondateur est devenu
un familier de Le Pen ou le « parti des musulmans de France ». Ces groupes sont totalement
infréquentables et faire un bout de chemin avec eux discrédite un combat mené au nom des
droits fondamentaux.
L’antisémitisme est-il un racisme « à part », « hors norme » ? Il l’a été car en général les
communautés discriminées ne sont pas victimes d’un génocide systématique. Mais
l’antisémitisme actuel n’est en rien comparable à ce qu’a été l’antisémitisme des années 30 ou
40 et par exemple en France, le racisme frappe beaucoup plus massivement les Noirs, les
Roms et les Arabes.
La confusion organisée
Quand l’ONU a publié le rapport Goldstone confirmant que les troupes israéliennes avaient
commis des crimes de guerre à Gaza, des défenseurs d’Israël ont affirmé qu’il s’agissait d’un
rapport antisémite. Richard Goldstone est pourtant un Juif sud-africain réputé proche du
sionisme.
Quand « l’association pour le bien-être du soldat israélien » (ABSI) n’a pas trouvé de salle
pour faire sa réunion à Lyon, celle-ci s’est faite dans une synagogue. Mais si bien sûr, une
synagogue est caillassée, il s’agira d’un acte antisémite.
Quand des militants se lancent activement dans la campagne BDS (boycott,
désinvestissement, sanctions contre Israël) initiée par la société civile palestinienne, ils sont
accusés d’antisémitisme et menacés directement par la ministre de la Justice.
Quand un conseiller régional interpelle M. Frèche, président de la région Languedoc-
Roussillon, sur le soutien qu’il apporte à la construction du terminal Agrexco, compagnie qui
exporte les produits des colonies de Cisjordanie, il est traité d’antisémite.
Quand la plupart des élus français vont au dîner du CRIF et acceptent benoîtement des propos
considérant que toute critique d’Israël est antisémite, on marche sur la tête.
Ça suffit ! J’apporte publiquement mon appui et celui de l’Ujfp à Madame Biermann,
citoyenne luxembourgeoise engagée, victime d’une accusation infamante d’antisémitisme lancée contre elle par le consistoire israélite. Oui, il existe un lobby qui use et abuse de
l’antisémitisme pour interdire toute critique d’une politique criminelle.
Oui, face à Etat qui se
dit Juif, qui a installé des colonies « juives », qui prétend parler au nom de tous les Juifs et
face à des institutions communautaires ou religieuses qui sont devenues les auxiliaires de
cette politique, il est logique et normal d’interpeller les Juifs. Le crime se fait en leur nom, et
c’est une des raisons de l’existence de l’Ujfp.
Qu’ils cessent de soutenir une politique
criminelle et suicidaire et qu’ils se souviennent de ce qu’a produit le soutien d’un grand
nombre de pieds-noirs à l’OAS pendant la guerre d’Algérie.
À tous et à toutes ! Ne vous laissez pas intimider ! Ne confondez jamais juif, sioniste et
israélien ! Et rappelez-vous que ceux qui défendent jour après jour et quoi qu’il arrive la
politique israélienne n’ont aucun droit à vous traiter d’antisémite.
Défendre les droits du
peuple palestinien est un devoir universel, quelles que soient nos origines.