Les organisations soussignées expriment leur grave préoccupation au sujet des nouvelles menaces auxquelles les organisations de défense des droits de l’homme en Israël qui luttent pour la défense du droit international et de l’état de droit sont confrontées.
Le 28 avril 2010, un groupe composé de 19 membres du Parlement a présenté une proposition de loi intitulée « Loi sur les Associations (Amutot) (Amendement – Exceptions relatives à l’enregistrement et aux activités des associations), 2010 ». Cette proposition de loi vise à interdire l’enregistrement d’une organisation non-gouvernementale (ONG) et à dissoudre toute organisation existante, s’ « il existe des motifs raisonnables de conclure que l’association fournit des informations à des entités étrangères ou est impliquée dans des procédures judiciaires à l’étranger à l’encontre de hauts responsables du gouvernement israélien ou d’officiers des FDI pour crimes de guerre ». Si elle est adoptée, la proposition de loi légitimera la destruction des informations relatives à la commission de crimes de guerre. A ce titre, cette proposition de loi a des implications graves au regard du droit international et de l’état de droit, et de la responsabilité pour les crimes internationaux. Tel qu’elle est formulée, la proposition de loi est également contraire à de nombreux principes du droit international des traités et du droit international coutumier, tel qu’il est codifié dans la quatrième Convention de Genève, les traités internationaux des droits de l’homme et la Déclaration universelle des droits de l’homme, entre autres. Cette proposition de loi impose des restrictions arbitraires et inutiles aux droits à la liberté d’association, d’information et d’expression et viole le droit fondamental des victimes à disposer d’un recours effectif.
Le 16 avril 2010, le mouvement nationaliste d’extrême droite israélien « Im Tirtzu – La deuxième révolution sioniste » a publié un rapport accusant au moins douze organisations de défense des droits de l’homme israéliennes de soutenir ou d’être impliquées dans la mise en accusation de responsables israéliens pour violations graves du droit international devant des tribunaux étrangers, alors qu’elles agissent conformément au principe de compétence universelle. Après la publication du rapport, Im Tirzu a lancé une campagne d’affichage et l’a fait coïncider avec le jour de commémoration du 19 avril (Yom Hazikaron, « Jour de commémoration des soldats israéliens morts et des victimes du terrorisme ») et le jour de l’indépendance d’Israël le 20 avril ). Cette campagne, qui a utilisé des slogans diffamatoires, visait à dé-légitimiser les activités des organisations de défense des droits de l’homme soutenues par le nouveau Fonds Israël, y compris Adalah, PCATI, HaMoked, B’Tselem, ACRI, Bimkom, Gisha, Physicians for Human Rights-Israël, Yesh Din, et Rabbis for Human Rights. En février 2010, Im Tirtzu avait déjà lancé une campagne contre les organisations de défense des droits de l’homme portant sur le fait qu’elles avaient fourni des informations à la Mission d’établissement des faits des Nations Unies (ONU) sur le conflit à Gaza, dirigée par l’ancien juge Richard Goldstone.
Nos organisations dénoncent fermement cette nouvelle étape qui fragilise encore davantage la sécurité des défenseurs des droits de l’homme qui défendent l’état de droit et luttent contre l’impunité. Nos organisations rappellent : que la lutte contre l’impunité constitue une activité légitime de défense des droits de l’homme, reconnue par les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, que les activités menées par les organisations israéliennes susmentionnées sont transparentes, qu’elles œuvrent dans le cadre de l’état de droit ; que leur mission est de représenter les victimes de violations des droits de l’homme ; que leur action est apolitique et que la seule raison pour laquelle certaines d’entre elles ont recours à des tribunaux extra-nationaux est le peu d’enclin démontré par les juridictions israéliennes dans la poursuite judiciaire de ces cas. La compétence universelle est une extension naturelle des principes de Nuremberg et Israël, plus que tout autre pays, ne devrait pas prendre des mesures qui vont à l’encontre de l’esprit de Nuremberg.
Nous demandons instamment aux autorités israéliennes de prendre des mesures pour garantir la protection des défenseurs des droits de l’homme et des organisations de défense des droits de l’homme comme le prévoient la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998 qui dispose que « l’État prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration » et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l’État d’Israël.
Nous exhortons également les membres de la Knesset à ne pas adopter une nouvelle loi qui constituerait une entrave aux activités des organisations de la société civile contraire aux valeurs démocratiques et qui violerait les normes internationales relatives aux droits de l’homme qui lient l’État d’Israël, en particulier les droits à la liberté d’association, d’information et d’expression et au droit légitime des victimes à disposer d’un recours effectif.