27 mars 2005
Un état sur tous les Territoires occupés (selon la résolution 242 de l’ONU), sur la majeure partie des Territoires occupés (selon les Accords d’Oslo, la Feuille de Route et l’Initiative de Genève), ou même sur 50% des Territoires occupés (selon la conception de Sharon) - peu importe.
Dès que l’état palestinien existera, le conflit sera terminé et on pourra enfin envisager l’avenir sainement.
Erreur. L’alternative actuelle pour l’état palestinien est : soit un état qui réponde aux aspirations légitimes de son peuple, soit une prison. Le nœud du problème est sa viabilité. Israël est un petit pays, mais sa surface est trois fois plus grande que les territoires palestiniens. La totalité des zones occupées, c’est à dire la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est ne représentent que 22% de la Palestine historique, ce qui veut dire que même si Israël restituait l’ensemble des territoires conquis en 1967, il en conserverait pleinement 78%.
Les territoires palestiniens constituent-ils en superficie un état viable ? A peine. Tout juste la taille d’un petit état américain comme le Delaware, (ou d’un département français...ndt) avec une population triplée, sans compter le retour des réfugiés ; mais il aurait au moins un territoire continu, des frontières communes avec les états voisins, Israël, la Syrie, la Jordanie et l’Égypte, une capitale à Jérusalem, un port sur la Méditerranée, un aéroport à Gaza, une économie viable fondée sur le tourisme en Terre sainte, l’agriculture et le high tech, et l’accès à l’eau du Jourdain.
Cet état serait reconnu par la communauté internationale, aurait des relations commerciales avec ses voisins et jouirait du soutien d’une diaspora très diversifiée, plutôt aisée et d’un niveau d’éducation élevé, et comme tel ce petit état palestinien pourrait avoir une perspective de viabilité.
Voilà justement ce qu’Israël s’efforce d’empêcher.
Depuis son accession à la direction du Comité ministériel pour les Colonies dans le gouvernement Begin en 1977, Ariel Sharon a toujours été parfaitement clair sur ses intentions d’assurer la possession de la totalité d’Eretz Israël (le Grand Israël) à la population juive exclusivement.
La « sécurité » n’a rien en commun avec la politique expansionniste d’Israël. Ce n’est pas pour des raisons de « sécurité » que les gouvernements de droite ou de gauche ont établi 200 colonies de peuplement. La « sécurité » n’a rien à faire dans l’infrastructure massive de routes et d’autoroutes réservées aux Israéliens qu’ils ont construites pour relier de manière irréversible les différents blocs de colonies de peuplement à l’état israélien.
La « sécurité » ne peut aucunement justifier le tracé du Mur de Séparation, ni la politique d’expropriation de terres, ni la démolition systématique de maisons palestiniennes. Tout cela n’est dicté que par un seul objectif : annexer la totalité du pays au profit d’Israël. Point final.
Le problème cependant est qu’Israël ne peut pas « digérer » les 3,6 millions de Palestiniens vivant dans les Territoires occupés. Leur conférer la citoyenneté israélienne est impossible, cela reviendrait à annuler le caractère juif de l’état d’Israël ; ne pas leur octroyer la citoyenneté et les garder sous un régime permanent d’occupation signifierait l’apartheid total.
Que faire ? La réponse est très claire : établissons un mini état palestinien composé de quelque cinq ou six cantons (selon les termes de Sharon) sur environ 40 à 70% des Territoires occupés, cantons complètement encerclés et contrôlés par Israël.
Évidemment un tel état palestinien ne couvrant que 10 à 15% de l’ensemble de la Palestine historique n’aurait aucune réelle souveraineté, ni de viabilité : pas de continuité territoriale, pas de liberté de mouvement, pas de contrôle de ses frontières, pas de capitale à Jérusalem, une totale dépendance économique, dépendance pour l’accès à l’eau, pas de contrôle de l’espace aérien ni des communications, pas même le droit comme tout état souverain d’envisager des alliances internationales sans l’autorisation d’Israël.
Naturellement les Palestiniens n’accepteront jamais une telle solution, Israël sera donc contraint de continuer à « créer des états de faits sur le terrain » qui ont pour objet d’empêcher toute négociation avant même qu’elles ne débutent.
L’annonce publiée la semaine dernière de la construction de 3.500 nouveaux logements dans la zone E-1, un corridor reliant Jérusalem à Ma’ale Adumim, une importante colonie de peuplement juif en Cisjordanie, fixe le sort du futur état palestinien. Élément central du dispositif d’expansion du « Grand Jérusalem », le plan E-1 n’est rien d’autre que la fin de toute viabilité d’un futur état palestinien.
Le plan E-1 coupe la Cisjordanie définitivement en deux, et donne à Israël un contrôle absolu sur les mouvements des Palestiniens de part et d’autre de leur Territoire, tout en isolant Jérusalem de la région. Comme 40% de l’économie palestinienne tourne autour de Jérusalem, le plan E-1 coupe de fait le centre vital de l’économie palestinienne hors de ce qui pourrait constituer un état palestinien, le réduisant à un chapelet de réserves d’indigènes non viables.
Seul avantage dans l’adversité, ce plan E-1 a étalé au grand jour la complicité américaine dans l’expansion coloniale israélienne. Tout en déclarant ce plan E-1 « inapproprié », l’administration Bush n’en reconnaît pas moins formellement le bloc de colonies de Ma’ale Adumim, avec son extension E-1, une reconnaissance exprimée l’an dernier dans un accord Bush-Sharon, représentant un tournant majeur dans la politique américaine et ratifié quasiment à l’unanimité par le Congrès.
Voilà qui situe les USA dans une position assez paradoxale en minant la Feuille de Route, une initiative américaine à l’origine, issue de la « vision » du Président Bush pour une paix entre Israël et la Palestine. Voilà aussi qui neutralise complètement le rôle des USA comme négociateur impartial et les met en porte à faux vis à vis des 3 autres membres du Quartet de la Feuille de Route, l’Europe, la Russie et les Nations Unies, qui déplorent ce changement de politique.
Le plus tragique, c’est que le soutien des Américains au projet colonial de Ariel Sharon détruit pour toujours la possibilité de voir émerger un état palestinien viable, condamnant les deux peuples à un conflit sans fin. Comment cette vision s’accorde-t-elle avec les intérêts américains dans un Moyen Orient stabilisé, on vous le donne en mille ...