Les prix annuels de l’Union des écrivains d’Egypte ont été remis la semaine dernière dans un contexte fait de festivités pour le Ramadan à la Citadelle de Saladin dans la salle Naguib Mahfouz, dans le cadre d’une conférence sur la culture de la résistance et Jérusalem.
Mohamed Salmawy, président de l’Union, a remis « le grand prix Naguib Mahfouz pour la littérature arabe » à l’écrivain marocain et fraîchement nommé ministre de la Culture dans son pays, Ben Salem Himmich, pour l’année 2009. Ce prix symbolique est décerné, depuis sa création, aux personnalités marquantes de la littérature arabe moderne ; Hanna Mina, le poète palestinien Samih Al-Qassem, le Soudano-Libyen Mohamad Al-Faytouri. « Le prix Ragaa Al-Nakkache pour la critique littéraire » était décerné au professeur et critique Mohamad Abdel-Mottéleb. Le grand prix de l’Union des écrivains d’Egypte a été décerné à titre posthume au penseur et encyclopédiste Abdel-Wahab Al-Messiri, mort il y a deux ans. Ce dernier a passé une grande partie de sa vie à réaliser l’encyclopédie sur « les juifs, le judaïsme et le sionisme », où Jérusalem, la ville trois fois sainte, a occupé une place très importante.
Pendant trois jours, et avec la participation des délégations des Unions des écrivains arabes, entre colloques scientifiques, soirées poétiques et concerts nocturnes de chant palestinien et chant de la résistance, la Citadelle de Saladin a accueilli Jérusalem en exil.
Le droit et la résistance
Le professeur de droit et ministre des Affaires parlementaires Moufid Chéhab a présenté un papier d’études juridiques sur le statut de la ville de Jérusalem dans le cadre du colloque inaugural traitant le cœur du sujet de la conférence, autour du droit et « la culture de la résistance » dans lequel Chéhab, ancien représentant de l’Egypte dans l’arbitrage international pour récupérer Taba, a expliqué que « les voies diplomatiques et juridiques constituent le fondement de la culture de la résistance, sinon ce sont les actes désespérés de nature contre-productives qui primeront ». Chéhab a précisé que, selon le droit international, « Jérusalem demeure une ville occupée et que l’autorité des forces de l’occupation reste administrative et ne donne en aucun cas à l’autorité de l’occupation le droit à gouverner ». Et il a ajouté que « toute annexion des biens ou changement de la nature démographique de la ville arabe, et notamment la vieille ville, reste illégale, un fruit du fait accompli qui demeure temporaire en dépit de la période de temps qu’elle durera ».
Chéhab a énuméré dans son étude toutes les résolutions du Conseil de sécurité comme de l’Assemblée générale des Nations-Unies. De même, les résolutions, les recommandations et les avis de toutes les autres instances des Nations-Unies, et notamment l’Unesco, ont été recensés dans cette précieuse étude. Le professeur Chéhab a énuméré également les mesures israéliennes illégales pour judaïser la ville, comme les annexions illégales des habitations palestiniennes et l’expulsion des habitants ou le déplacement de la Cour d’Assise palestinienne de Jérusalem à Ramallah. Mohamad Sobeih, ambassadeur de l’Autorité palestinienne auprès de la ligue arabe, s’est posé la question « où est le soutien financier, moral, et culturel arabe ? ».
Les vertus de l’union
Le romancier Bahaa Taher, qui a prononcé un discours au nom des écrivains égyptiens, a fait la parallèle entre l’époque de Saladin qui a libéré Jérusalem de l’emprise militaire des Croisades et l’époque contemporaine comme il a mentionné le symbolique du lieu où se déroule la conférence à la Citadelle de Saladin et le symbolique du sujet de la conférence de Jérusalem. Il a mis l’accent sur la nécessité de l’Union arabe, comme à l’époque de Saladin qui a réussi à rassembler les forces de l’Egypte et de la Syrie, comme dans les temps modernes à l’époque de la guerre du 6 Octobre. Taher a précisé « qu’aux années qui ont précédé l’avènement de Saladin, la mode était celle de la collaboration, de la trahison, de la normalisation, et même des alliances avec les occupants, mais Jérusalem était un facteur, un vecteur de motivation, de consensus et de mobilité qui a donné un sens et un objectif pour le projet de l’union réalisé par Saladin ». Taher a expliqué « qu’aujourd’hui, et en dépit qu’il n’y a aucun signe dans l’horizon, justifie un optimisme pour la réalisation de cette union indispensable pour les Arabes pour avoir une place sous le soleil ». Bahaa Taher a affirmé que « la libération de Jérusalem n’est ni une question d’armes ni de fusils, mais une question de conscience et persévérance ».
Ben Salem Himmich, qui a reçu son deuxième prix au nom de Naguib Mahfouz après celui de l’Université américaine du Caire, comme a fait remarquer Mohamed Salmawy, président de l’Union des écrivains, a expliqué qu’une union arabe, à l’instar de l’Union européenne, est plus que souhaitable. Himmich a ajouté que « la logique de la résistance arabe et palestinienne doit intégrer la créativité et la logique de lutte et de résistance diplomatique ».
La Palestine souffre de l’apartheid
Le président de l’Union des écrivains palestiniens, le poète Al-Motawakkel Taha, qui s’est déplacé à l’occasion des territoires occupés, a affirmé « qu’Israël (ou Sparte comme il l’a nommé, inspiré de l’Illiade et des tragédies grecques) adopte des mesures d’oppression raciste, fasciste, et semblables au régime ségrégationniste du développement séparé des races des années sombres de l’apartheid sud-africain, dans le but d’exterminer la culture et l’identité arabe de la ville et de la Palestine, dès les check-points de plusieurs heures au mur de séparation ou l’interdiction de la prière au sein de la mosquée d’Al-Aqsa, à Jérusalem ». Taha a affirmé également que « le chemin de la résistance pour aboutir à la libération est long et compliqué. Mais la culture de la résistance est un concept civilisateur et civilisé, basé sur la volonté du refus de l’esclavage et de l’esclavagisme ».
Le poète palestinien a mis en garde contre « les guet-apens promouvant les normalisations des relations culturelles avec les occupants au nom de l’humanité et de l’humanisme ». Il a dénoncé « le plan marketing israélien qui songe obtenir la normalisation contre un gel de la colonisation ».
Moufid Chéhab a expliqué dans ce sens « qu’il ne suffit pas d’avoir le droit de son côté, mais il est plus important de promouvoir ce droit et de convaincre les autres de la justesse et la justice de ce droit ». Moufid Chéhab a insisté sur l’importance de la justice et la force pour une solution pacifique et définitive dans tout conflit. « Si l’espace de la justice diminue le recours à la force et à la violence et quand la justice s’applique, l’usage de la force et de la violence n’aurait pas raison d’être ».
Les recommandations des festivités de Jérusalem capitale de la culture arabe et de la culture de la résistance
L’Union des écrivains d’Egypte a organisé les festivités de Jérusalem et de la culture de la résistance à la citadelle de Saladin en collaboration avec la campagne civile des festivités de Jérusalem, capitale de la culture arabe 2009. Cet événement s’est tenu du 8 au 10 septembre 2009. Etaient présentes les unions des écrivains et des poètes des autres pays arabes, comme le Soudan, la Palestine, le Koweït, la Syrie, le Liban, la Jordanie, la Libye, les Emirats, Bahreïn et l’Algérie.
Au terme de ces festivités, les participants ont mis en avant les recommandations suivantes :
Premièrement : les participants, écrivains, hommes de lettres et poètes, en tant que porte-paroles de la conscience du peuple arabe, estiment nécessaire de mettre un terme aux opérations de colonisation et de judaïsation de Jérusalem et de Palestine, tout en insistant sur le caractère arabe de Jérusalem et de tous les territoires arabes occupés.
Deuxièmement : les écrivains, hommes de lettres et poètes proposent la mise en place d’un grand projet faisant la bibliographie des ouvrages littéraires arabes et les traductions ayant traité le thème de Jérusalem. Ils appellent les institutions gouvernementales et non-gouvernementales expérimentées en la matière à y prendre part avec l’effort scientifique et financier susceptible de réaliser cet objectif stratégique.
Troisièmement : les conférenciers ont affirmé dans ce rassemblement la nécessité de faire ressusciter la culture de la résistance et la considérer comme la base de tous les efforts visant à libérer Jérusalem de l’agression abjecte, dont il fait l’objet à tous les niveaux militaires, politiques et culturelles. Ils adressent également l’invitation à tous les écrivains et les créateurs dans les différents domaines littéraires et artistiques pour les inciter à revivifier la cause de Jérusalem dans la conscience arabe et humaine, en tenant à en faire un thème de leurs écrits et une matière fertile à leurs travaux artistiques.
Quatrièmement : les écrivains, hommes de lettres et poètes arabes, par l’étude et la discussion autour du thème Jérusalem et la culture de la résistance doivent être conscients que l’unité est la clé de la solution de cette cause arabe fondamentale et que le tout premier facteur à cela est l’unité des factions palestiniennes qui convergeront leurs efforts vers un objectif et un droit uniques. D’autant plus que cette unité est la pierre angulaire dans l’édifice de l’unité arabe globale qui travaille avec acharnement pour réaliser l’objectif précieux, celui de la liberté de la Palestine et de la libération de Jérusalem et par conséquent la libération de tous les territoires arabes occupés de la colonisation sioniste abjecte.
Cinquièmement : à partir du Caire, les participants doivent inciter les pays arabes à créer des prix de travaux littéraires et artistiques considérant la cause de Jérusalem comme une cause de destin, ce à l’instar du prix annuel de Jérusalem que décernera l’Union générale des écrivains arabes.
Sixièmement : la mise en place d’un festival culturel, littéraire et arabe à titre annuel dans l’une des capitales arabes et islamiques.