Pour Ari Shavit, grand éditorialiste à Ha’Aretz, "Benyamin Nétanyahou a franchi le Rubicon. Pour servir le pays, il a quitté le foyer idéologique de son propre père. Ce pas, il l’a franchi à un coût affectif extrêmement élevé. Et il a prononcé les mots incontournables : ’Un Etat palestinien démilitarisé à côté de l’Etat juif d’Israël’. La rhétorique de son discours à l’Université Bar-Ilan le situe désormais à droite du centre, mais sa note de conclusion politique était à la gauche du centre. En d’autres mots, Nétanyahou a délivré au peuple israélien un discours d’unité. Lui qui par le passé fut un facteur de division se pose désormais en rassembleur d’Israël et en héritier d’Ariel Sharon. Cependant, si cet acte courageux devait en définitive lui aliéner la droite sans lui agréger le centre et la gauche, ce serait sa mort politique."
S’il se montre moins dithyrambique, Shalom Yerushalmi, dans les colonnes de Maariv, se veut lui aussi optimiste. "Certes, ce dimanche, Nétanyahou a en quelque sorte ôté sa kippa politique, mais il ne l’a pour autant pas encore mise dans sa poche arrière. De même, les conditions impossibles qu’il pose aux Palestiniens – et qui reviennent à leur suggérer de se convertir au sionisme – donnent l’impression qu’il cherche plus à esquiver la paix qu’à la prendre à bras-le-corps. Il n’empêche qu’en adhérant à la feuille de route, en endossant les accords antérieurs et en prononçant les mots ’Etat palestinien’, Nétanyahou vient de faire se retourner Menahem Begin dans sa tombe."
Mais la majorité des commentateurs de la presse écrite restent sur leur faim. Dans Yediot Aharonot, Yoram Kaniuk estime que Benyamin Nétanyahou a prononcé "des paroles douces aux seuls Israéliens, mais son discours n’a pas été celui d’un dirigeant généreux et courageux. En outre, si les Palestiniens savent intuitivement qu’Israël est un Etat juif, il est déraisonnable d’exiger qu’ils nous reconnaissent comme ’foyer historique du peuple juif’, dès lors que 1 million d’entre eux vivent dans cet Etat." Dans le même ordre d’idées, Akiva Eldar écrit dans Ha’Aretz que "le discours de Nétanyahou est de la meilleure veine néoconservatrice, insensible, paternaliste et colonialiste. On doute qu’il se trouvera un seul responsable palestinien digne de ce nom pour accepter cette camelote."
En somme, à qui le discours de Nétanyahou s’adresse-t-il ? Dans Yediot Aharonot, Attila Somfalvi considère qu’il s’adresse "à la fois à l’administration Obama et à Kadima, le parti de centre droit de Tzipi Livni, qui professe une solution presque identique à celle désormais prônée par Nétanyahou. Cependant, vu les conditions posées aux Palestiniens, Nétanyahou peut rassurer ses adversaires au sein du Likoud : l’Etat palestinien n’est pas pour demain." Dans Ha’Aretz, Allouf Ben pointe une rupture : "Benyamin Nétanyahou a insisté sur la nécessité que les Etats-Unis garantissent un futur accord de sécurité en Cisjordanie et déploient des troupes afin que l’Etat palestinien ne se transforme pas en ’Hamastan’."
En définitive, le discours de Nétanyahou est une réussite… américaine. Dans Maariv, Ofer Shelah ironise sur "ce Premier ministre israélien qui, les lèvres sèches et la diction saccadée, semblait comme possédé par un démon nommé Obama et prononçait un discours qui n’était pas le sien. Ce discours prouve une fois de plus que les choses ne bougent ici que lorsque les Américains nous y contraignent.” Ce que confirme Gidéon Lévy dans Ha’Aretz : "Le discours de Nétanyahou n’a ouvert aucune porte. Il n’empêche. Nous venons d’avoir la preuve de ce qu’Obama est parvenu à obtenir en seulement quelques semaines : forcer le Likoud à réagir à la ligne américaine et à changer de ton, à défaut de fond. La balle est désormais dans le camp américain." [1]