« Les tribunaux militaires sont appropriés pour juger les ennemis qui violent les lois de la guerre ». A l’exception du mot guerre, on aurait pu penser que cette phrase a été prononcée par un membre du gouvernement égyptien pour justifier le jugement des membres de l’organisation des Frères musulmans par des tribunaux militaires. Or, cette phrase a été prononcée par le président américain, Barack Obama, il y a quelques jours de cela, pour expliquer sa décision de rouvrir les tribunaux militaires d’exception chargés de juger les terroristes présumés qui s’y trouvent. Décision qui semble pleinement s’opposer à l’annonce de la fermeture de la prison de Guantanamo par son Administration. Y aurait-il une raison in extremis pour cette décision, ou est-ce la même saga de chaque président américain quant à revenir progressivement sur ses promesses électorales ? A-t-il fléchi sur d’autres dossiers ? Qu’en est-il pour ceux du monde arabo-musulman ?
En choisissant l’Egypte pour y donner son premier discours au monde musulman, le président américain ne fait que multiplier ses gestes de bon augure aux musulmans depuis son discours d’investiture, en passant par son interview à la chaîne Arabiya, son discours lors de son voyage en Turquie, etc. Il faut dire aussi que les deux mandats de son prédécesseur lui ont facilité la tâche, tout en suscitant la grogne du monde arabo-musulman avec comme principales débâcles la soi-disant guerre contre le terrorisme, ayant pour cible l’Afghanistan, la guerre en Iraq initiée principalement pour la recherche d’armes — introuvables — de destruction massive, le support inconditionnel à l’Etat hébreu dans ses incursions au Liban en 2006 et à Gaza en 2008, etc.
Le monde arabo-musulman, divisé comme il l’est, se voit incapable d’exercer une quelconque pression sur le nouveau maître de la Maison Blanche. Reste que ce dernier a pris de lui-même une initiative concrète, à savoir son voyage pour l’Egypte ; voyage qui a en quelque sorte redoré le blason de l’Etat égyptien de par la presse gouvernementale qui fait l’éloge de l’Etat et des mérites qui lui sont dus par cette visite. Du côté de la presse indépendante ainsi que de certains quotidiens de l’opposition, on peut lire une opinion contradictoire aux appréhensions avec la visite tant attendue du président Obama, la volonté de ce dernier, de par son séjour en Egypte, de favoriser les intérêts des Etats-Unis au détriment de la démocratie et des droits de l’homme.
Au niveau populaire, faute de sondages à ce sujet, on peut tout au moins présumer d’après les témoignages recueillis par la presse et à travers les talk-shows égyptiens, ainsi qu’auprès des internautes, que les Egyptiens sont enthousiastes par la présence d’Obama en Egypte. Pour certains, il est le symbole de l’espoir et pour d’autres du renouveau.
Reste à savoir que le président Obama depuis son investiture s’est, semble-t-il, quelque peu démarqué de ses slogans de campagne, et si on peut prendre à la légère les Américains de droite qui le traitent d’anti-christ venant décimer la civilisation,il reste que certains libéraux de gauche lui reprochent d’avoir — à titre d’exemple — choisi le général Stanley McCrystal comme patron des forces américaines et de l’OTAN en Afghanistan — avec ses antécédents de patron des opérations spéciales conjointes au Pentagone —, ainsi que d’avoir fait volte-face en ce qui concerne le blocus qu’il a décrété autour de nouvelles photos d’abus de prisonniers par des militaires américains, disant que cela mettrait en danger les soldats des Etats-Unis servant à l’étranger, obtenu un excèdent en dépenses militaires d’urgence imputées à un budget déjà largement déficitaire, etc.
Il ne faut pas oublier qu’Obama est, outre le fait d’être un grand orateur, surtout un habile politicien qui, comme beaucoup de ses prédécesseurs qu’ils soient démocrates, républicains, libéraux ou conservateurs, sait qu’il est sage de se plier aux exigences des lobbyistes quand elles se font sentir. Rappelons-nous le cas par exemple de Chas Freeman qui a dû tirer sa révérence avant même son investiture comme patron du Conseil de l’intelligence nationale suite à l’intimidation du lobby israélien à son encontre ou aux efforts déployés de l’Administration même pour étouffer une affaire d’espionnage de haute gamme au profit d’Israël.
Et finalement comme tout bon politicien, il se dote tout aussi bien de la faculté de brouiller les cartes en multipliant les déclarations quelque peu contradictoires, comme quand il critiquait l’Administration de Bush pour ne pas s’être suffisamment impliqué dans le processus de paix, tout en disant et je cite : « Nous devrions ne jamais chercher à décider ce qui est le meilleur pour les Israéliens et leurs intérêts en matière de sécurité ». Alors y aura-t-il à tirer profit de cette visite ?