Pourquoi ce glissement à droite de l’électorat ?
Les électeurs préfèrent en général l’original à la photocopie. Ce glissement vers la droite - surtout vers le Likoud - s’explique d’abord par l’échec du centre-gauche au pouvoir ces trois dernières années. Le processus d’Annapolis n’a jusqu’à présent rien donné, la vie des Palestiniens ne s’est pas améliorée d’un iota et les colonies continuent à enfler. Sous prétexte de besoins démographiques, on continue à élargir les colonies, y compris les plus anciennes. Depuis les dernières élections, rien n’a été fait sauf deux guerres, celle du Liban à l’été 2006 et la récente guerre à Gaza - si on peut qualifier de guerre cette campagne punitive. Quand on regarde ce qu’a fait le centre gauche, il n’y a plus besoin de droite. Si tout ce que nous concevons comme politique est la manière forte, il n’y a pas de raison de ne pas prendre l’original.
Quel a été l’impact de la récente opération israélienne "Plomb durci" ?
Chaque conflit entraîne un glissement à droite. La victoire du Likoud en 1977 est le résultat, même décalé, de la guerre du Kippour. Après la première guerre du Liban, en 1982, malgré l’inflation de 400 pc, tout ce que la gauche a réussi à faire, c’est un match nul avec la droite et un partage du pouvoir entre Shimon Peres et Yitzhak Shamir dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale. Tout le monde parle le même langage pendant la guerre ; tout le monde fait preuve de la même ardeur patriotique qui fait disparaître les différences entre la gauche et la droite.
Comment expliquez-vous le "phénomène Lieberman" ?
Il charrie les aspirations d’un nationalisme viscéral, qui ne peut pas ne pas exister dans une société en guerre permanente depuis le début de son existence. On peut dire qu’il s’agit d’une forme de lepénisme, mais Lieberman ressemble peut-être davantage à la droite sud-américaine qui allie aspirations dictatoriales, nationalisme intégral dans le sens maurrassien du terme et économie libérale. Sa base électorale est constituée d’anciens immigrants russes qui ont la haine de tout ce qui ressemble à la gauche. Lieberman ne remet pas en question la démocratie formelle car la démocratie israélienne est bien enracinée. Mais la démocratie a aussi pour tâche de défendre les droits de l’homme. Or, Lieberman s’en fiche totalement.