Photo : Le mur de séparation construit par Israël - Crédit : AFPS
Faits marquants (19-22 juin)
> Lundi 19 juin : Les forces israéliennes ont abattu un Palestinien dans la nuit de lundi à mardi, lors d’affrontements dans le village de Husan, région de Bethléem. Le jeune homme a été identifié comme étant Zakariya al-Zaoul, âgé de 20 ans. Des affrontements ont éclaté à Husan et dans d’autres villes et villages de Cisjordanie lundi, en réponse au raid meurtrier de l’armée israélienne sur Jénine. Les forces israéliennes ont tiré des gaz lacrymogènes et à balles réelles sur des jeunes gens lançant des pierres et des cocktails Molotov en direction des jeeps militaires lourdement armées à l’entrée du village. L’armée a affirmé que M. al-Zaoul avait été abattu après avoir lancé un cocktail Molotov en direction d’une de ses jeeps. Aucun soldat israélien n’a été blessé dans l’incident.
> Mardi 20 et mercredi 21 juin : Deux Palestiniens, dont une jeune fille de 14 ans, ont succombé à leurs blessures causées par des tirs israéliens lors du raid de l’armée sur le camp de réfugiés de Jénine le lundi 19 juin. Amjad al-Ja’as (48 ans) est décédé des suites de ses blessures mardi. Les médias palestiniens ont rapporté que M. Amjad était le père de Waseem al-Ja’as (16 ans), tué par les forces israéliennes en janvier dernier lors d’un raid dans ce même camp. La jeune fille de 14 ans, qui est morte, mercredi est Sadeel Naghnaghiya, une collégienne du quartier, tuée d’une balle dans la tête par les forces israéliennes alors qu’elle filmait le raid depuis l’extérieur de sa maison. Les responsables de l’armée israélienne ont mis en doute le fait que Sadeel Naghnaghiya ait été tuée par des tirs israéliens, déclarant que les chances qu’elle ait été touchée par un soldat israélien étaient « faibles », a rapporté Middle East Eye. Les forces israéliennes nient fréquemment leur responsabilité dans le meurtre de Palestiniens, comme dans le cas de l’assassinat de la journaliste Shireen Abu Akleh en mai 2022. Mais les enquêtent qui suivent prouvent souvent que les témoignages originels des Israéliens sont mensongers. Mme Naghnaghiya est le deuxième enfant palestinien tué lors du raid de l’armée sur Jénine.
> Mardi 20 juin : Deux Palestiniens et quatre colons israéliens ont été tués à la suite d’une fusillade dans la colonie illégale d’Eli, située entre les districts de Naplouse et de Ramallah. Deux palestiniens, Muhannad Shehada et Khaled Sabbah -du village d’Urif, dans la région de Naplouse - ont tiré sur une station-service à l’extérieur de la colonie, tuant quatre colons. Selon les médias israéliens, M. Shehada a été abattu sur place par un « civil » israélien armé, tandis que M. Sabbah a été retrouvé et tué par des soldats israéliens dans la ville palestinienne de Tubas, au nord de la vallée du Jourdain. La fusillade a eu lieu le lendemain du raid militaire meurtrier à Jénine.
> Mardi 20 juin : Des colons israéliens ont lancé une série d’attaques à travers la Cisjordanie « pour se venger », suite à la fusillade survenue dans la colonie d’Eli mardi après-midi. Plus tard dans la soirée, quelques heures seulement après la fusillade, des groupes de colons du nord de la Cisjordanie sont descendus dans des villages palestiniens, lançant des pierres sur leurs habitants et mettant le feu à leurs propriétés. À Lubban al-Sharqiyah, au nord de Ramallah, des colons israéliens ont mis le feu à une ambulance palestinienne, à de vastes champs agricoles et à plusieurs commerces locaux. Des attaques similaires ont été menées dans les villages voisins de Lubban al-Gharbiya, Orif et Huwwara. Ce dernier avait déjà été la cible de nombreuses attaques de colons au cours de l’année écoulée. Des activistes locaux ont déclaré à Wafa que rien que dans la nuit de mardi à mercredi, 140 voitures ont été endommagées ou incendiées lors de l’attaque des colons et que les forces israéliennes « se sont jointes aux assaillants pour attaquer les civils palestiniens, en utilisant des balles en caoutchouc, des balles réelles et du gaz lacrymogène, blessant des dizaines de Palestiniens ». Les colons israéliens ont également jeté des pierres sur des véhicules palestiniens circulant sur les routes de Cisjordanie, brisant les vitres de plusieurs d’entre eux et blessant leurs passagers.
> Mercredi 21 juin : Un Palestinien a été tué lors d’une attaque de colons israéliens sur le village de Turmus Ayya, dans la région de Ramallah. Le ministre palestinien de la Santé a déclaré qu’Omar Jabara, 25 ans, originaire de Turmus Ayya, était arrivé à l’hôpital de Ramallah avec une blessure par balle à la poitrine qui lui a été fatale, a déclaré l’agence de presse Wafa. On ne sait pas si M. Jabara a été tué par des tirs de colons ou de soldats. Le maire de Turmus Ayya a indiqué qu’environ 60 véhicules et 30 maisons avaient été incendiés par des colons au cours de l’attaque. En outre, le ministère de la santé palestinien a fait état de plus d’une douzaine de blessés, dont plusieurs ont été touchés par des tirs à balles réelles et se trouvent dans un « état grave ». Les habitants du village ont déclaré aux journalistes que les colons avaient lancé des cocktails Molotov et d’autres projectiles incendiaires pour mettre le feu aux maisons et à d’autres biens.
> Mercredi 21 juin : Trois combattants palestiniens, dont un mineur, ont été assassinés par des tirs de drone israéliens à Jénine. L’armée a reconnu l’attaque, disant qu’elle avait visé les combattants près du checkpoint de Jalameh, à l’extérieur de la ville de Jénine. Les combattants ont été identifiés. Il s’agit de Suhaib al-Ghoul (27 ans), Ashraf al-Saadi (17 ans), et de Mohammed Owais, (28 ans). MM. al-Ghoul et al-Saadi ont été décrits comme des membres des Brigades Al-Quds, la branche militaire du mouvement du Jihad islamique ; M. Owais a été désigné comme dirigeant de la branche armée du mouvement du Fatah, la brigade des Martyrs d’Al-Aqsa. Selon Al Jazeera, les corps des trois combattants sont détenus par Israël. Les Palestiniens ont indiqué que cette attaque de drone était la première du genre depuis la seconde Intifada, mouvement qui s’est déclenché au début des années 2000. L’attaque de drone est survenue deux jours seulement après un raid militaire israélien sur le camp de réfugiés de Jénine, qui a tué sept Palestiniens. Au cours de cette invasion, les forces israéliennes ont déployé des hélicoptères, une autre première depuis la fin de la seconde Intifada. L’utilisation d’hélicoptères et de drones au cours de la semaine écoulée a suscité l’inquiétude des Palestiniens de Cisjordanie occupée, qui y voient un durcissement manifeste de la tactique et de la stratégie militaires d’Israël à leur égard ainsi qu’un retour potentiel à l’époque des grandes invasions et opérations militaires du début des années 2000.
> Jeudi 22 juin : Les forces israéliennes ont attaqué la ville de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie, avant l’aube jeudi matin, et ont détruit la maison d’un Palestinien accusé d’avoir tué un soldat israélien l’année dernière. Les soldats ont perquisitionné la maison familiale d’Abdel Kamel Jouri, un membre du groupe La Tanière du lion, avant de la faire exploser. Le raid de l’armée a déclenché des heurts, les Palestiniens affrontant les troupes israéliennes avec des pierres, des cocktails Molotov et des armes à feu. Aucun Israélien n’a été blessé au cours du l’incursion. Le Croissant-Rouge local a fait état de plus de 30 blessés palestiniens à l’issue de ce raid.
En détails
Au moins 14 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie occupée au cours des trois derniers jours, ce qui en fait l’une des semaines les plus meurtrières de l’année 2023. Parmi les personnes tuées figurent trois jeunes, dont deux âgé.e.s de 14 ans et un de 17 ans.
Les événements de ces quatre derniers jours rappellent, à bien des égards, ceux du début de l’année. Le 26 janvier, les forces israéliennes avaient mené une opération militaire massive dans le camp de Jénine, tuant 9 Palestiniens en l’espace de quelques heures (plus tard, un dixième Palestinien avait succombé à ses blessures). Le lendemain, un Palestinien a ouvert le feu dans une colonie israélienne de Jérusalem Est, tuant 7 personnes, dont 6 colons. À la suite du raid meurtrier sur le camp de Jénine et de la fusillade dans la colonie de Jérusalem, des violences ont éclaté dans toute la Cisjordanie et d’autres Palestiniens ont été tués par des Israéliens. Les colons ont également incendié des maisons, des véhicules et des biens palestiniens, déraciné des arbres, saccagé des commerces et des entreprises, et agressé des Palestiniens, par vengeance. L’un des villages visés en janvier par les colons était Turmus Ayya.
De manière « fortuite », à cette époque, les ministres du gouvernement israélien avaient également appelé à une intensification des opérations militaires en Cisjordanie, à « renforcer » les colonies illégales, à intensifier l’armement des colons et les sanctions à l’encontre des familles des assaillants palestiniens présumés.
Ce dont nous sommes témoins en ce moment n’est pas seulement une réplique de ce que les médias ont décrit comme le « cycle de la violence » en Palestine occupée, mais une montée en puissance des tactiques et de la stratégie du gouvernement et de l’armée israéliens face au seul problème dont ils semblent ne jamais pouvoir se débarrasser : la résistance des Palestiniens contre leur domination et leur oppression.
Dans la dépêche de lundi, nous nous sommes intéressés à la stratégie militaire d’Israël et nous avons cherché à savoir si l’utilisation d’un hélicoptère lors du raid sur le camp de Jénine était le signe d’un tournant dans l’attitude de l’armée vis-à-vis des foyers de résistance palestinienne tels que Jénine. Le déploiement de forces aériennes signifierait il un retour, bien qu’à une échelle relativement réduite, à l’époque de la seconde Intifada et de l’opération « Bouclier défensif » que des personnalités comme Itamar Ben-Gvir appelaient de leurs vœux ?
Si la question restait ouverte lundi, il semble que nous ayons eu notre réponse mercredi. L’attaque de drone, aux abords de Jénine dans la nuit de mercredi à jeudi a choqué les Palestiniens sur place. Même l’armée a noté que cette attaque, menée par un modèle Elbit Hermes, était la première opération d’assassinat aérien de ce type, menée par l’armée en Cisjordanie depuis 2006. Israël a procédé à plusieurs assassinats ciblés de combattants palestiniens au cours de l’opération « Briser la vague » en 2022, mais l’attaque par drone de mercredi et l’utilisation d’un hélicoptère lundi marquent un changement manifeste dans la stratégie d’Israël.
Ce changement apparent, dans sa tactique militaire, ne doit pas être considérée indépendamment de l’autre volet de sa stratégie - soi-disant double - pour « anéantir » la résistance palestinienne. Alors que l’armée intensifie ses attaques contre les résistants, le gouvernement n’appelle plus au renforcement des colonies, mais met en place de nouvelles situations sur le terrain. Ces derniers jours, des milliers de nouvelles habitations dans les colonies ont été promis et de nouveaux avant-postes militaires ont vu le jour en Cisjordanie. Alors qu’Israël déploie des soldats pour anéantir la résistance palestinienne, il envoie ses colons armés pour chasser les Palestiniens par des incendies criminels, des agressions et tous les moyens nécessaires. Israël a créé les conditions d’une conjoncture opportune : une situation à ce point insupportable que les Palestiniens se tournent de plus en plus vers la résistance armée, ce qui donne à Israël l’occasion de déployer des forces accrues contre eux et de s’emparer de davantage de terres palestiniennes, le tout sous couvert de « lutte contre le terrorisme ».
Et si la résistance est bien vivante, comme en témoigne la lutte contre l’invasion militaire de Jénine lundi, il en va de même pour la détermination d’Israël à tirer profit de la situation qu’il a créée. Avec l’armée d’un côté et les colons de l’autre, les Palestiniens de Cisjordanie sont confrontés à une menace qui évolue rapidement : un avenir dans lequel l’annexion et une occupation plus violente semble chaque jour plus proche.
Données importantes
> Au moins 174 Palestiniens ont été tués par Israël en Cisjordanie occupée, à Gaza et à Jérusalem-Est.
> 30 enfants palestiniens ont été tués par Israël en 2023.
> Au 12 juin, l’ONU avait enregistré plus de 500 incidents de violence de colons contre des Palestiniens.
Traduit par : AFPS