Les félicitations n’ont pas pesé lourd face aux mises en garde. Le département d’Etat, par la voix de John Kerry, avait été chargé de congratuler le premier ministre israélien sortant, Benyamin Nétanyahou, après la victoire de ce dernier aux élections législatives, mardi 17 mars. La Maison Blanche s’est chargée pour sa part de rappeler des convictions assez éloignées de celles exprimées par le chef de file du Likoud au cours des derniers jours de la campagne et qui ont nourri un éditorial au vitriol du New York Times contre le responsable israélien.
Depuis des années et en dépit du lien singulier qui unit Israël aux Etats-Unis, les relations entre Benyamin Nétanyahou et Barack Obama se sont progressivement dégradées. La virulente diatribe contre la politique américaine vis-à-vis de l’Iran, prononcée le 3 mars par le premier ministre sortant devant le Congrès des Etats-Unis, en a attesté. L’engagement pris par le premier ministre sortant, le 16 mars, de s’opposer à la création d’un Etat palestinien en cas de réélection les complique davantage. Car la solution des deux Etats est un marqueur de la diplomatie américaine depuis 2002, même si elle est devenue de plus en plus virtuelle depuis la fin de tout processus de négociation israélo-palestinien. Une fin qui a coïncidé avec le retour au pouvoir de M. Nétanyahou, en 2009.
Mercredi, après avoir assuré qu’" une coopération sécuritaire sans précédent " allait se poursuivre, le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, a indiqué au cours d’un déplacement du président dans l’Ohio que l’administration Obama allait " réévaluer " la situation à la lumière du choix stratégique fait par M. Nétanyahou. Le porte-parole a rappelé que la solution des deux Etats est favorisée " depuis vingt ans " par les administrations américaines en place, démocrates comme républicaines, et qu’elle était toujours considérée par Washington comme la plus conforme aux intérêts israéliens. Le porte-parole a aussi précisé que l’absence de règlement du conflit palestinien contribuait à " l’instabilité de la région ", dans une allusion à peine voilée aux intérêts des Etats-Unis dans cette partie du monde.
Mise en garde
Mais M. Earnest ne s’est pas -contenté de ce rappel au règlement. Après avoir exposé cette divergence stratégique, il a volontairement insisté, sans avoir été spécifiquement interrogé à ce sujet, sur un autre sujet : les commentaires controversés faits la veille par M. Nétanyahou et visant la minorité arabe d’Israël. " Les Etats-Unis sont profondément préoccupés par une rhétorique visant à diviser, qui cherche à marginaliser les citoyens arabes israéliens ", a-t-il assuré. " Cela affaiblit les idéaux démocratiques " qui constituent " une part importante de ce qui lie les Etats-Unis et Israël ". Cette mise en garde concernant les valeurs communes aux deux pays, particulièrement rare, est donc aussi importante que celle visant le refus de la création d’un Etat palestinien.
Le camp républicain, totalement aligné sur les positions de M. Nétanyahou concernant l’Iran, a apporté également son soutien à ce dernier après son revirement sur la question de la Palestine. C’est pourtant le dernier président en date du Grand Old Party, George W. Bush, qui avait fait part le premier, le 24 juin 2002 de sa " vision " de " deux Etats, vivant côte à côte, en paix et en sécurité ", Israël et un " Etat palestinien ". Une traduction explicite des résolutions des Nations unies 242 (adoptée en 1967) et 338 (adoptée en 1973, prévoyant le retrait israélien des territoires conquis " par la force " en 1967), et qui servaient jusqu’alors de références.
Arrivé en janvier 2009 à la Maison Blanche, quelques semaines avant la nomination de M. Nétanyahou au poste de premier ministre de l’Etat d’Israël, Barack Obama avait fait de la création de l’Etat palestinien l’un des objectifs principaux de son premier mandat, notamment à l’occasion du discours prononcé au Caire, le 4 juin 2009. Ce discours avait contraint M. Nétanyahou à accepter pour la première fois la perspective d’un Etat palestinien, deux semaines plus tard, au cours d’une allocution prononcée le 14 juin à l’université Bar Ilan. Elle était assortie cependant de conditions jugées inacceptables par les Palestiniens (reconnaissance d’Israël comme Etat juif, démilitarisation, refus d’un partage de Jérusalem).
En 2009, les efforts américains s’étaient rapidement heurtés à M. Nétanyahou, même si Washington avait pu imposer pour la première fois un gel de dix mois des activités de construction (sauf à Jérusalem Est) dans les colonies installées dans les territoires palestiniens occupés. Après avoir pris acte de son échec, M. Obama, réélu en 2012, s’est d’ailleurs désengagé d’un dossier confié à son secrétaire d’Etat John Kerry. Ce dernier s’est efforcé de relancer un processus diplomatique mais a dû lui aussi faire le constat de son impuissance en avril 2014.
Boycottage
Cinquante-huit élus démocrates ont boycotté, le 3 mars, le discours de M. Mahométane au -Congrès, où il était invité par le speaker républicain de la Chambre des représentants, John Bœhner, sans la moindre -concertation avec la Maison Blanche.
Aide militaire
Le budget des Etats-Unis adopté en décembre 2014 avec le- -soutien du président Barack Obama prévoit pour 2015 une aide militaire de 3,1 milliards de dollars (2,9 milliards d’euros) au profit d’Israël. C’est la plus -importante versée à un pays étranger par Washington.