Que cherche Benyamin Netanyahou en insistant sur une reconnaissance de l’État d’Israël comme un « État juif » ?
Uri Avnery. Il ne parle pas de ça. Lundi (18 mai), lors d’une conférence de presse avec le président Obama, le premier ministre israélien a parlé d’un État juif. Mais en réalité, d’habitude, il parle de quelque chose de totalement différent. Il parle de l’État des juifs. Ce qui est évidemment un contexte différent même s’il utilise l’un et l’autre comme si c’était la même chose. Ce n’est pas du tout la même chose. Un État des juifs, cela concerne tous les juifs du monde, y compris ceux qui font partie de la direction du journal l’Humanité. C’est-à-dire que l’État d’Israël leur appartient. Plus exactement, il n’appartient pas à ceux qui ne sont pas juifs et donc aux 20 % de citoyens israéliens qui sont arabes.
Un État juif peut signifier des choses vraiment différentes. C’est comme si l’Algérie reconnaît la France comme un État français. Est-ce que cela signifie que la langue est le français, est-ce que cela signifie que la majorité est française ou que seulement les Français ont des droits en France ? C’est évidemment ridicule. Quand les États-Unis ont reconnu l’Union soviétique, cela ne veut pas dire qu’ils reconnaissaient l’URSS comme la patrie du prolétariat international. Reconnaître l’Arabie saoudite, ce n’est pas dire que c’est la patrie de tous les musulmans.
Je ne veux pas que les Palestiniens, ou quiconque, me disent ce qu’est Israël. Seulement les citoyens d’Israël peuvent décider s’il s’agit d’un État hébreu, juif ou israélien. Il y a de grandes discussions parmi nous sur ces sujets. Moi, par exemple, je ne veux pas qu’Israël soit un État juif. Je veux que ce soit un État israélien. Je n’appartiens pas au peuple juif mais à la communauté des citoyens israéliens. Comment est-ce que cela pourrait concerner Mahmoud Abbas ou le Hamas, ou n’importe qui d’autre qui n’est pas citoyen d’Israël ?
Qu’est-ce que cela signifie lorsque Netanyahou, ou Olmert avant lui, remet cette question sur le tapis ?
Uri Avnery. C’est une simple tactique pour empêcher la relance d’un processus de paix. Ils espèrent ainsi que les Palestiniens ne seront pas d’accord avec cette idée. Et les Palestiniens ne peuvent pas être d’accord avec cette idée parce que, pour n’importe quel Palestinien, reconnaître Israël comme un État juif, cela signifie que les réfugiés palestiniens ne peuvent pas revenir. Et que le million et demi de Palestiniens citoyens israéliens ne sont pas des citoyens à part entière, voire même qu’ils n’appartiennent pas à cet État. La réalité est donc d’empêcher la recherche d’une solution. Netanyahou ne veut pas la paix. Parce que la paix signifie qu’Israël doit évacuer presque toutes les colonies. Sinon, sa coalition se désintègre dans la minute. C’est pourquoi il refuse de reconnaître une solution à deux États. On demande donc aux Palestiniens de reconnaître Israël comme État juif alors que, dans le même temps, Israël se refuse à reconnaître même le droit pour les Palestiniens d’avoir un État. C’est une situation totalement ridicule.
Comment sortir de cette impasse alors qu’il ne semble pas qu’Obama soit décidé à faire pression sur Israël ?
Uri Avnery. Tout dépend de la force du pouvoir israélien vis-à-vis d’Obama. Israël dépend totalement des États-Unis, dans tous les domaines. Mais Israël a un pouvoir immense vis-à-vis des États-Unis. Parce que le lobby pro-israélien à Washington - juifs et chrétiens - a un immense pouvoir politique. Il domine totalement le Congrès américain. Le rapport de forces entre Obama et Netanyahou n’est pas du genre le géant américain face au nain israélien. Netanyahou a beaucoup de pouvoir face à Obama. On est en train d’assister à une confrontation mais il est difficile, aujourd’hui, de savoir quel en sera le résultat.