C’est sous la pression de la rue palestinienne et du Hamas que le rapport Goldstone sur les crimes de guerre à Gaza fait son retour inattendu, ce jeud (15 octobre), au Conseil des droits de l’homme convoqué pour une session extraordinaire. Dimanche encore, Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne (AP), tentait de justifier le report – lors de la dernière session du même conseil il y a moins de deux semaines – d’une résolution au mois de mars prochain en expliquant qu’il n’existait pas encore un consensus assez large pour l’adopter. Lundi, il opérait un virage à 180 degrés, en renvoyant le rapport à Genève pour un vote dans les plus brefs délais, avec le soutien du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon.
« Provocations » israéliennes
Comment expliquer cette volte-face ? La représentation palestinienne à Genève met en avant les nouvelles « provocations » israéliennes, la poursuite de la colonisation, la restriction d’accès des Palestiniens à Jérusalem-Est et à l’Esplanade des mosquées en particulier, ainsi que l’arrestation, la semaine dernière, de 35 Palestiniens. Si la tension monte en effet à Jérusalem, difficile pourtant de voir dans ces explications autre chose qu’un prétexte destiné à masquer un malaise bien plus profond. Il apparaît en réalité que Mahmoud Abbas tente tout simplement de sauver le semblant d’autorité qui lui reste encore.
En cédant dans un premier temps aux pressions israéliennes et américaines alors qu’une résolution favorable au rapport avait l’appui d’une large coalition de pays musulmans et africains, Mahmoud Abbas est apparu plus faible que jamais aux yeux des Palestiniens. Israël a pu célébrer sans retenue cette victoire diplomatique tout en infligeant dans les jours suivants deux nouvelles humiliations au chef de l’AP : la première en offrant une victoire au Hamas avec la libération de plusieurs prisonnières en échange d’une cassette vidéo de l’otage Gilad Shalit ; l’autre en refusant toute concession sur le gel de la colonisation lors d’un sommet avec Barack Obama et Benyamin Netanyahou à New York.
Au lendemain de l’annonce du report du vote d’une résolution sur le rapport Goldstone, des milliers de Palestiniens sont descendus dans la rue pour exprimer leur colère, certains aux cris de « Aux poubelles de l’histoire, le traître Abbas ! » Le ministre de l’Economie de l’AP, Bassem Khoudory, démissionnait et plusieurs dirigeants du Fatah demandaient l’ouverture d’une enquête publique sur le comportement des dirigeants de l’AP. Abed Rabbo, un proche de Mahmoud Abbas et rédacteur de l’Initiative de Genève, a parlé d’« erreur qu’il ne faut pas sous-estimer ni cacher ».
Le Hamas en profite
L’« affaire Goldstone » a également eu un large écho dans le monde arabe, un journal de Beyrouth, The Daily Star, écrivant que Mahmoud Abbas avait à cette occasion perdu le peu de respect et de crédibilité qui lui restait. La semaine dernière, la Syrie a annulé une visite du raïs en dénonçant sa position sur le rapport Goldstone. Le Hamas, accusé de crimes de guerre au même titre qu’Israël par la commission d’enquête du juge Richard Goldstone, a également instrumentalisé le rapport pour critiquer l’AP, incapable de tenir tête à Israël et aux Etats-Unis. Mahmoud Abbas a rétorqué que la manœuvre était destinée à torpiller le processus de réconciliation entre Palestiniens qui devait aboutir à un accord au Caire à la fin du mois et ouvrir le champ à de nouvelles élections pour le mois de janvier prochain.
Alors que les ONG de défense des droits de l’homme, la plupart des pays et de nombreuses personnalités ont salué la qualité du travail du juge sud-africain, le blocage observé dans un premier temps au sein du Conseil des droits de l’homme a fait le jeu des extrémistes de tous bords. L’autre conséquence de l’« affaire Goldstone » est la perte de confiance des Palestiniens dans la nouvelle administration de Barack Obama. Il n’est pas sûr que le vote d’une résolution sur le rapport Goldstone permette à Mahmoud Abbas de sauver sa tête. Mais au moins aura-t-il prouvé qu’il peut dire non à Washington.