Caysha Cay : "M Sawalha, que pouvez vous nous dire du Conseil régional des Villages arabes, de ses débuts et de ses actions ?"
Faysal Sawalha : « Sa création remonte à 1997. Les Bédouins appartiennent à 45 villages du Néguev qui ne sont pas reconnus par les autorités israéliennes. Le but principal du Conseil est la reconnaissance de tous ces villages et la fourniture des services publics en dépit du conflit territorial qui oppose les habitants à l’Etat. Pour atteindre ce but, le Conseil déploie différents programmes et activités. Le principal est la planification alternative. A chaque fois que le gouvernement prépare un plan, le Conseil s’oppose à ce plan, propose une alternative, parfois demande à la Haute Cour des changements et des amendements à ces plans. De plus, le Conseil pratique le lobbying auprès des membres de la Knesset, des bureaux gouvernementaux et des institutions.
Le Conseil régional, l’an dernier a entrepris de reconstruire des maisons démolies dans les villages. Ils viennent presque chaque semaine pour démolir des maisons. De plus, nous avons maintenant un groupe de juristes qui défendent les intérêts des habitants au tribunal et dispensent des conseils juridiques. Parfois, le Conseil entreprend des actions différentes, comme par exemple méliorer les infrastructures des villages puisqu’il n’y a pas de routes d’accès goudronnées. L’hiver, les routes sont très difficiles. L’an dernier, nous nous sommes préoccupés de l’éducation dans les villages et nous avons lancé deux programmes éducatifs, le premier pour les filles des lycées afin de leur permettre d’accéder à l’université, le deuxième pour l’aide aux devoirs des écoliers. »
C C : " Pouvez vous me dire si vous avez connu des succès au tribunal ?"
F S : « Oui, nous avons partiellement gagné : 9 des 45 villages ont été reconnus dans les 5 dernières années. Quoique le gouvernement prétende que ces villages ont été créés et n’ont pas été reconnus, le gouvernement dit qu’ils ont été créés tout simplement pour éviter de reconnaître qu’ils étaient là avant et également dans le but d’ y regrouper les habitants d’autres villages. De plus, nous pouvons constater que dans le passé, aussi bien le gouvernement que les administrations qui en dépendent ont utilisé le terme « dispersion » pour signifier que les Bédouins ne vivent pas dans les villages, ils vivent sous la tente avec leur tribu. Maintenant, ils parlent de villages « non-reconnus » , la plupart utilisent ce terme, qui signifie que s’il existe des villages, ils devraient être reconnus. Donc, il y a problème, il y a un changement y compris dans la terminologie utilisée ».
C C : " Suivant la loi israélienne , qu’est ce qui caractérise un village ? Pourriez vous nous parler des impôts et taxes qui frappent les Bédouins ?"
F S : « Selon les critères israéliens il doit y avoir au moins 500 habitants, les 45 villages répondent à ce critère. En ce qui concerne les impôts et taxes, les Bédouins
les payent comme tout citoyen israélien, mais ils ne reçoivent rien en retour. Je veux dire , ils ne bénéficient pas des services ni des infrastructures municipales, ils ont juste des écoles primaires, et encore celles-ci sont de mauvaise qualité ».
C C : "Pourriez vous nous parler de la loi israélienne adoptée l’an dernier qui assimile les Bédouins à des envahisseurs d’Israël ? Pourriez vous nous en dire un peu plus ?"
F S : « Il y a eu un amendement à la loi foncière israélienne qui date des années 60, et cet amendement est intitulé « Expulsion des envahisseurs », les Bédouins sont considérés comme les envahisseurs de leurs propres terres ! En fait, cette loi donne à l’autorité foncière israélienne le mandat, la juridiction d’appliquer cette loi foncière à la terre dont la propriété est encore contestée, et il n’y a pas d’autre terre contestée en Israël que celle qui appartient aux citoyens arabes du Neguev ».
C C : "Pouvez-vous m’en dire davantage sur le triangle de terre sur lequel les Bédouins ont été confinés ?"
F S : « Dès 1948, approximativement 90% des Arabes du Neguev ont été contraints de quitter le pays. Le gouvernement a regroupé tous ceux qui restaient dans le triangle entre Dimona, Beersheba et Arad, ils y sont restés sous commandement militaire de 1948 à 1966, ceci implique qu’ils n’étaient pas autorisés à quitter la zone.
Il en est résulté que les Arabes ont perdu les terres qu’ils possédaient en dehors de cette zone puisqu’ils ne pouvaient en faire usage, il y eut différentes lois établissant que si un propriétaire était absent de sa terre entre 1948 et 1950 il en perdait la propriété, aussi beaucoup de gens se sont retrouvés spoliés ; ainsi s’est créé le problème des déplacés de l’intérieur. Des gens réfugiés à l’intérieur de leur pays et qui ont tout perdu ».
C C : "Comment peut on relier ces faits avec le plan de développement du Néguev et quel est le plan alternatif du Conseil régional des villages arabes du Néguev ?"
F S : « Le plan de développement du Néguev est une autre tentative faite par le gouvernement pour résoudre le problème des villages non-reconnus et pour les évacuer. Le plan de développement aborde principalement la question du peuplement du Neguev par davantage de Juifs. Nous n’y sommes pas opposés, nous considérons qu’il y a suffisamment de place dans le Néguev pour tous. Mais le problème est que le gouvernement planifie l’implantation de nouvelles colonies juives à l’emplacement même des villages non-reconnus, ainsi, plutôt qu’y planifier de nouvelles colonies, nous préconisons la reconnaissance de nos villages et de laisser leurs habitants vivre dignement en tant que citoyens dont l’égalité des droits est reconnue.
La question des Arabes dans le plan de développement a été confiée au Conseil national de la Sécurité, il est plutôt curieux de voir le destin de citoyens de ce pays confié à une institution qui s’occupe de la sécurité !
Le Conseil national de la Sécurité a publié son rapport début 2006, il compare les Bédouins du Neguev aux colons israéliens de Gaza et réclame du gouvernement, s’il parvient à évacuer Gaza , l’évacuation des Arabes du Neguev . Bien entendu, nous sommes contre la comparaison pour plusieurs raisons.
Il est clair que les colonies de Gaza étaient illégales étant situées sur la terre indigène d’un autre peuple, je veux dire que les Bédouins sont le peuple indigène du Neguev, ils vivent sur leur terre ancestrale et il n’y a pas matière à comparaison. Les recommandations du Conseil national de Sécurité sont que le gouvernement doit
discuter avec les Bédouins pour trouver une solution au problème des villages non reconnus mais que si un accord n’est pas trouvé dans un délai de deux ans, une solution sera imposée par la force. Ainsi, notre communauté n’a rien à dire ni à décider concernant cette question.
C C : "Il semble donc que certains problèmes soient écrasants, comment voyez vous le futur des Bédouins au Neguev ?"
F S : Nous voulons que le gouvernement reconnaisse les villages, qu’il les reconnaisse en tant que villages agricoles, pour prévenir ce qui est arrivé aux 7 villes planifiées de Rahat, Lakiyya etc... Les habitants de ces villages ont perdu leur mode de vie traditionnel et ils subissent aujourd’hui un taux élevé de chômage, de crimes,
de pauvreté et leur éducation est insuffisante, ces villages sont définis par le Bureau central des Statistiques israélien comme les plus pauvres, les plus déshérités d’Israël.
Nous ne voulons pas que cela arrive maintenant aux 45 villages non-reconnus. Nous voulons qu’ils gardent leur mode de vie traditionnel afin qu’ils acquièrent fierté et dignité et je pense que le Conseil régional des villages arabes du Neguev avec ses alliés, des organisations israéliennes tant arabes que juives sera en capacité de remporter d’autres combats. »
Voir aussi :
http://www.ism-france.org/news/article.php?
id=5901&type=communique&lesujet=Negev