C’est ce 2 juillet 2007 que les
juges israéliens devant lesquels
Mordechai Vanunu était
poursuivi depuis un an ont rendu leur sentence
: six mois de prison et, en plus, six
mois avec sursis, pour s’être rendu coupable,
après sa sortie de la prison d’Ashkelon,
le 21 avril 2004, de parler à des
étrangers, notamment à des journalistes
et à des diplomates. « Ce n’est pas le
contenu de ses entretiens qu’on lui fait
ainsi payer, mais tout simplement le fait
de s’être exprimé », fait remarquer son
avocat Michael Sfard.
En effet, à sa sortie de prison, les autorités
sécuritaires israéliennes lui ont imposé
le silence, tout comme elles lui ont interdit
de quitter Israël et de se déplacer sans
autorisation de sa ville de résidence pour
une autre ville.
On avait déjà remarqué que les juges israéliens
ne se montraient guère indépendants
envers le pouvoir exécutif de leur pays, au
contraire de ce qui se fait généralement en
démocratie. Ils auraient en l’occurrence pu
refuser de sanctionner un interdit aussi
absurde que celui de parler à des étrangers.
Au lieu de cela, ils ont fait du zèle, en
ajoutant à la peine de six mois de prison
ferme, celle de six mois avec sursis. Autrement
dit, Mordechai Vanunu n’effectuera
pas cette deuxième peine, à la condition
de se taire pendant cinq ans...
Le procès dont il avait été l’objet en 1987
avait déjà été particulièrement grotesque.
Rappelons que, de 1976 à 1985, il avait
rempli un emploi de technicien à la centrale
nucléaire de Dimona, dans le Néguev,
plus précisément dans une unité chargée
du retraitement du combustible nucléaire,
en vue de la fabrication d’un véritable
arsenal d’armes nucléaires, comme il s’en
était rapidement rendu
compte. Mordechai
Vanunu qui fait aussi
des études de philosophie
à l’université de
Bersheva, ne cache pas
ses opinions progressistes
ni sa sympathie
pour les Palestiniens.
Curieusement, s’il perd
son emploi en 1985,
c’est uniquement du
fait de la restructuration
de son service. Il
consacre ses indemnités de licenciement
à visiter plusieurs pays d’Asie et se fixe
en Australie -où il devient anglican. Il est
alors contacté par un quotidien britannique,
le Sunday Times, qui s’intéresse
aux activités de la centrale atomique de
Dimona et le fait venir à Londres. A l’idée
que puissent ainsi être révélés les secrets
nucléaires israéliens, le Premier ministre
de l’époque, Shimon Pérès, donne l’ordre
de mettre la main sur Mordechai Vanunu.
C’est à Rome, où ils réussiront peu de
temps après à l’attirer, que des agents du
Mossad le kidnappent, le droguent et
l’expédient en bateau en Israël.
Un procès à huis-clos en 1987
Un simulacre de procès lui sera fait en
juillet et août 1987, à huis clos. Il est
amené aux audiences dans un véhicule
aux vitres occultées et jugé menottes aux
poings et fers aux pieds.
Le jugement et les minutes du procès ne
seront rendus publics qu’en 1999. Sur le
moment, on sait seulement qu’il est
condamné à dix-huit ans de prison, pour
espionnage. En vain sa défense avait-elle
invité les juges à distinguer l’information
donnée à un journal et l’espionnage au
profit d’une puissance étrangère. De surcroît,
l’activité militaire nucléaire d’Israël
était alors formellement déniée, de sorte
que Mordechai Vanunu aurait dû être traité
comme un vulgaire menteur, et relaxé,
car le mensonge n’est pas une faute pénale,
pas plus en Israël qu’ailleurs. Ses juges qui
sont donc entrés à tort en condamnation,
n’ont de surcroît pas eu scrupule à le faire
pour quelqu’un qui leur
a été amené au moyen
d’un enlèvement aussi
illégal, commis sur un sol
étranger (l’Italie avait
d’ailleurs à l’époque vainement
protesté).
Mais peut-être toutes ces
failles expliquent-elles,
paradoxalement, l’extrême
sévérité dont sera alors
victime Mordechai
Vanunu : dix-huit années
d’emprisonnement, dont onze seront effectuées
au secret, à la prison d’Ashkelon où
un faux nom lui sera même attribué.
Après avoir purgé l’intégralité de sa peine,
sans qu’une année ni même un mois ne lui
soient remis, Mordechai Vanunu n’a pas
respecté le silence qui lui a été imposé à
sa sortie de prison : avec courage, il a au
contraire donné un certain nombre d’entretiens,
par exemple à Françoise Germain-
Robin, pour l’Humanité du 22 août 2005,
soit au lendemain du retrait israélien de
Gaza ; il lui a ainsi déclaré : « Je dérange
car je fais partie du très petit nombre de
personnes qui, dans ce pays, dénoncent le
fait qu’Israël n’ait pas adhéré au traité de
non-prolifération nucléaire. En refusant
de le faire, Israël est responsable de la
prolifération dans la région et du fait que
d’autres pays, tel l’Iran, essaient d’obtenir
l’arme nucléaire. Mais Israël utilise
la force que lui donne le nucléaire pour
continuer à faire ce que bon lui semble,
même si c’est illégal et condamné par la
loi internationale. Par exemple, accélérer
la colonisation en Cisjordanie et construire
le mur. »
Mordechai Vanunu ne retourne pas en
prison aujourd’hui. Il a en effet interjeté
appel du jugement le 2 juillet 2007 et il a
suspendu ainsi son exécution.