« Nous vivons dans une ville de morts et de fantômes. » À Gaza, Oum Mohammad vit dans la terreur. Comme beaucoup, elle est terrée chez elle dans l’attente d’une trêve entre le Hamas et le Fateh. Cette mère de six enfants est exténuée. La tension se lit sur son visage. « Nous ne pouvons pas nous mettre à la fenêtre, encore moins monter sur la terrasse. Car nous sommes tous devenus des cibles », confie-t-elle.
La peur règne sur toute la ville. Des tireurs embusqués sont agglutinés par dizaines sur les toits des immeubles les plus hauts et ouvrent le feu sur tout ce qui bouge. Des explosions retentissent sans cesse et font trembler les façades. Dans les rues, des combattants, masqués de noir et armés jusqu’aux dents, patrouillent, se mettent brusquement à courir, se cachent derrière des murs ou des voitures. Les fusils d’assaut crépitent à nouveau.
Oum Mohammad vit, dans le sud de la ville de Gaza, à Tal el-Hawa, près du siège de la sécurité préventive du Fateh, où les affrontements entre les islamistes du Hamas et le parti du président Mahmoud Abbas font rage. Plus que tout, elle craint que l’un de ses enfants soit touché par une balle perdue. « Nous pensions que ce quartier serait épargné. Mais aujourd’hui nous vivons dans la peur. Nous sommes terrés chez nous. Même pendant l’occupation israélienne, la situation n’était pas aussi terrible », avoue-t-elle.
Les rues sont entravées par des barrages qui filtrent les mouvements des combattants de l’un ou l’autre camp. Les universités, les écoles, les administrations, les commerces : tout est fermé.
Un autre habitant de Gaza, Abou Safwat, a lui aussi très peur pour ses enfants. « Ils ont peur de dormir, de sortir, d’aller seuls aux toilettes. Ils crient et pleurent. Je ne peux rien y faire », se lamente-t-il. « Nous avons aidé quelqu’un qui avait été blessé par balle. Nous nous sommes précipités pour tenter de lui porter secours. Et on nous a tiré dessus », s’emporte-t-il.
Mohammad, 14 ans, craint pour son avenir : « Nous sommes en pleine période d’examens de fin d’année et nous ne pouvons pas étudier car il est impossible d’aller à l’école. » « C’est tout notre avenir et notre vie qui sont en danger », ajoute-t-il. Il raconte qu’un tireur embusqué l’a mis en ligne de mire. « J’ai eu tellement peur et je me suis réfugié derrière mon père », dit-il.
Dans les hôpitaux, la situation est dramatique. Les barrages empêchent les médecins de s’y rendre. Des appels aux dons de sang ont été lancés en raison de la pénurie. « Nous avons beaucoup de mal à travailler. Les combattants arrêtent les ambulances et les fouillent. Ils tirent aussi parfois sur les ambulances », affirme Maawiya Hassanine, un responsable du ministère de la Santé.
La situation se dégrade de minute en minute. Dans une tentative de calmer les esprits qui s’échauffent de plus en plus, un dignitaire islamiste de Gaza vient, lors d’une intervention télévisée, d’appeler les combattants armés à descendre des toits et « cesser de tirer contre leurs propres frères palestiniens ».