Le Shin Bet, service secret israélien, a interdit aux media de mentionner cette affaire ou de nommer le reporter, Anat Kam, 23 ans , dont d’ex-collègues ont dit qu’elle travaillait pour le site israélien d’informations Walla ! jusqu’à son arrestation en décembre dernier.
Un groupe de journalistes israéliens va mettre en cause l’isolement au tribunal le 12 avril, 48 heures avant que ne s’ouvre le procès de Kam pour espionnage et trahison. L’accusation soutient qu’elle a copié au moins deux documents militaires top-secret pendant son service militaire obligatoire il y a quelques années. Ces documents auraient inspiré une enquête du Haaretz menée en 2008 par le journaliste Uri Blau, celle-ci détaille les procédures d’assassinat de l’armée israélienne.
Les journalistes israéliens qui ont contacté Ma’an disent qu’ils croient que la communauté des services secrets israéliens veut faire un exemple de Kam afin de dissuader les autres de dévoiler des documents secrets dans le futur. Mais des sources israéliennes dignes de foi ont dit que Blau était encore plus dans le collimateur. "C’est plus important qu’à première vue" déclare une source qui reste en contact avec le reporter du Haaretz. "Ils le poursuivent vraiment."
L’enquête de Blau soutenait que les militaires israéliens ont à de nombreuses reprises violé une règle de la Haute Cour de Justice de 2006 contre certaines formes d’"assassinats ciblés", surtout ceux où un civil était tué. Certains assassinats étaient planifiés plus d’un mois à l’avance, et étaient plus tard abandonnés si les raids avaient échoué, selon le récit du Haaretz Magazine qui a republié les documents sensibles.
Un an après cette publication, les autorités israéliennes saisirent l’ordinateur de Blau ; Ma’an a appris que Blau, qui se trouvait en Chine à l’époque, est resté à l’étranger. Des collègues disent qu’il craint d’être arrêté s’il rentre au pays. Blau n’a pas répondu à des demandes sur sa localisation actuelle, même si ses collègues disent qu’il est quelque part au Royaume-Uni. Son dernier jalon est à Londres.
’Des centaines de documents’
Comment Blau a convaincu la censure militaire israélienne d’approuver cette histoire ? c’est un débat dans les cercles de journalistes. Des collègues pensent que son rapport était plus long que celui publié initialement en novembre 2008 dans le Haaretz, et que son approbation a eu lieu après que Blau ait admis d’en retirer quelques affirmations.
Certains disent qu’il a été approuvé seulement lorsque les censeurs ont compris qu’il y avait des centaines d’autres documents hautement secrets, vraisemblablement fournis par Kam, prouvant que l’histoire des assassinats n’étaient que la partie visible de l’iceberg. Ces sources disent que donner le feu vert à cette partie de l’histoire, c’est mettre l’étouffoir sur des éléments plus scabreux.
Alors que la détention de Kam est bien connue des journalistes locaux ou étrangers basés en Israël et dans les Territoires palestiniens, aucune agence de presse du Moyen-Orient n’a repris le sujet jusqu’à présent. Haaretz a affronté la justice malgré la critique selon laquelle le journal avait gardé le silence, Haaretz a aussi soumis des rapports sur le cas de Kam au bureau de la censure, qui les a rejetés catégoriquement.
Un autre journal israélien, Ma’ariv, a publié plusieurs allusions ambigües à ce cas.
Une fois en janvier au sujet d’un pays fictif qui met les journalistes au secret, demandant à ses lecteurs gênés si un tel pays pouvait encore être considéré comme une démocratie.
Une autre référence eut lieu sous forme satirique : "Suite à la censure, nous ne pouvons pas vous dire ce que nous savons. Par paresse, indifférence ou confiance mal placée dans l’institution de la Défense, nous ne savons rien", expliqua le quotidien en hébreu.
Dans cette affaire, aucune partie n’a confirmé officiellement l’implication, un sujet de préoccupation souligné par les groupes pour la liberté de la presse. Les militaires israéliens n’ont pas rappelé quand un commentaire était demandé, un porte-parole du Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu n’a pas rappelé non plus, son cabinet avait approuvé l’interdiction de publication.
Haaretz n’a pas confirmé que Kam était l’informatrice de Blau. Au cours d’une conversation avec Ron Kampeas du Jewish Telegraph Agency, le rédacteur en chef de Haaretz, Dov Alfon, déclara que les allégations selon lesquelles les deux journalistes auraient collaboré sur l’affaire des assassinats étaient "absurdes". Il ajouta : "Plus d’un an a passé depuis l’arrestation de Kam, année pendant laquelle Blau a publié beaucoup d’autres "unes" critiquant la conduite de l’armée.
Kam a également nié l’implication. Ses avocats n’ont pas répondu aux appels demandant des commentaires, sauf l’un d’eux, Eitan Lehman, qui a déclaré à Donald Macintyre de l’Independant, un journal basé à Londres, que sa cliente faisait son maximum pour respecter les termes de l’interdiction de publication. Lehman a dit que "les fuites venaient de l’autre bord, pas du sien", et précisa que la défense ne recherchait pas la censure.
L’interdiction de publier se délita, et ça commença à être visible ce printemps, quand les journalistes israéliens délivrèrent ces informations aux bloggers. C’est Richard Silverstein et son blog Tikun Olam aux US qui dévoila l’histoire en anglais, alors que le JTA [ndt : Jewish Telegraphic Agency] édita le message dimanche de Washington, DC. La chaîne de radio israélienne IBA laissa la nouvelle se glisser en arabe, en faisant comme si le JTA était une source étrangère.
Macintyre devint le premier correspondant étranger à relayer l’histoire depuis Jérusalem jeudi dernier. C’était une étape importante, car la plupart des journalistes internationaux, y compris ceux qui représentent des journaux et des agences internationales, signent un accord avec la censure avant d’être accrédités auprès de la presse israélienne. L’agence de presse Ma’an qui est basée dans les Territoires palestiniens ne fait pas partie de cet accord et n’est pas concernée par la censure. [1]