Pas de public, pas de journalistes, un point presse, peut-être… La conférence organisée par la Suisse en tant qu’Etat dépositaire des Conventions de Genève sur les territoires palestiniens va se tenir à huis clos. Les participants sont attendus ce mercredi matin à 10 heures au siège de l’Organisation mondiale de la météo et non pas au Palais des Nations. Pour plus de discrétion ? Aucune explication n’est apportée.
Plusieurs pays ont décidé de boycotter cette réunion, Israël bien évidemment mais aussi les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et le Rwanda. Parmi les participants et notamment au sein de l’Union européenne, tous n’y vont pas de gaîté de cœur. « Ce sera une grand-messe », confie un diplomate européen. Mais elle se tient alors que les Palestiniens soumettent aujourd’hui un projet de résolution au Conseil de sécurité de l’ONU à New York, réclamant la fin de l’occupation israélienne d’ici deux ans.
La Ligue arabe en pointe
A Genève, les discussions ne se tiendront pas à un niveau ministériel. La plupart des délégations seront emmenées par les représentants permanents auprès de l’ONU à Genève et seul les représentants de groupes devraient prendre la parole pour lire une déclaration. La délégation Suisse sera elle-même conduite par Paul Fivat, nommé envoyé spécial pour les Conventions de Genève en août dernier. C’est lui qui a mené les consultations qui ont précédé l’organisation de cette conférence dont l’ambassadeur du Koweit à Genève, Jamal Al-Ghunaim, vient de revendiquer la paternité.
« L’organisation de cette conférence est le fruit d’efforts considérables déployés par le Koweït, qui détient la présidence tournante du Sommet des pays arabes », a déclaré le diplomate à l’agence de presse koweïtienne KUNA. Lequel explique avoir simplement mis en œuvre une résolution prise le 14 juillet dernier à l’issue de la réunion extraordinaire du Conseil des ministres arabes des Affaires étrangères. Pas de quoi apaiser la colère des Israéliens.
L’ambassadeur d’Israël auprès de l’ONU à Genève, Eviatar Manor, n’en démord pas. Pour lui, la Suisse est sortie de sa neutralité pour se laisser instrumentaliser par les pays arabes et l’OCI. Le diplomate s’est en outre dit choqué, hier, d’apprendre qu’une réception allait être donnée à l’issue de la conférence. « Est-ce pour célébrer le dénigrement d’Israël ? » interroge-t-il, furieux.
L’Europe remercie la Suisse
A Berne, le DFAE se retranche derrière le mandat qui lui a été confié par l’Assemblée générale de l’ONU dans sa résolution 64/10 du 5 novembre 2009 en tant que dépositaire de la IVe Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. Si Israël conteste la neutralité de la démarche, l’Union européenne rend, en revanche, hommage aux « efforts de la Suisse » dans une déclaration en huit paragraphes qui devait être lu ce matin. Son contenu reste sobre. L’UE appelle Israël et les acteurs non étatiques à respecter le droit international humanitaire et à trouver « une solution juste, globale et durable au conflit ».
« La suisse est dans rôle »
Les violentes attaques d’Israël à l’encontre de la Suisse ne troublent pas les responsables politiques suisses. Aucun parti n’a réagi. Hier, devant la presse, le président de la Confédération, Didier Burkhalter, a mis les points sur les i. « Cette conférence n’est en rien dirigée contre Israël. Elle se veut un appel au respect du droit international humanitaire. Ce droit est constamment violé et il appartient à la communauté internationale de réagir. Car ce sont les populations les plus fragiles qui souffrent. »
Didier Burkhalter reste confiant dans le succès de la conférence. « Il y aura beaucoup de monde. La Suisse est dans son rôle de notaire. Etre dépositaire des Conventions de Genève nous confère une grosse responsabilité. »
Une vision partagée par les parlementaires des commissions de politique extérieure. « Si la Suisse n’était pas capable d’organiser une conférence humanitaire, ce serait grave. Nous avons le devoir de nous engager », insiste la sénatrice Anne Seydoux (PDC/JU). La Suisse devrait-elle aller au-delà, et reconnaître l’Etat de Palestine ? Anne Seydoux juge la démarche prématurée. Le socialiste genevois Manuel Tornare, lui, est prêt à franchir le pas, pour autant que les frontières d’Israël soient sûres. « Plus on attendra, et plus on renforcera les fanatiques des deux côtés », analyse-t-il. Le dossier est évidemment délicat et Didier Burkhalter botte en touche. « Ce qui nous intéresse, c’est la paix ! »