Benyamin Nétanyahou a dû attendre les dernières heures des quarante-deux jours à sa disposition, selon la loi, pour parvenir à former son quatrième gouvernement, mercredi 6 mai. Il est arrivé à ses fins en bradant les postes au profit de ses partenaires. " Bibi " se retrouve éreinté au terme de cette période faite de bluff, d’arrangements et de règlements de comptes entre les personnalités de la droite israélienne.
La journée de mercredi a été marquée par un suspense politique étouffant. Le premier ministre devait se mettre d’accord, avant minuit, avec le leader extrémiste Naftali Bennett (Foyer juif), pour s’assurer une majorité à la Knesset (Parlement), par la plus courte marge possible : 61 sièges sur 120. M. Bennett, dont la formation n’a obtenu que huit députés, a monnayé très chèrement son soutien, provoquant l’exaspération du Likoud, le camp de M. Nétanyahou, qui hérite de miettes. M. Bennett, auquel est promis le ministère de l’éducation, a aussi obtenu le ministère de l’agriculture pour Uri Ariel, un poste-clé pour la distribution de fonds aux colonies en Cisjordanie. Mais il s’est surtout assuré un poids sans précédent au sein du pouvoir judiciaire en obtenant le ministère de la justice pour Ayelet Shaked et la présidence de la commission des lois.
" Canard boiteux "
La victoire spectaculaire et inattendue du Likoud aux élections législatives du 17 mars – 30 sièges, contre 24 à l’Union sioniste (centre gauche) – paraît désormais bien loin. Le processus de négociations s’est transformé en capitulation pour M. Nétanyahou, devant des interlocuteurs décidés à ne lui accorder aucune faveur. La perspective d’une majorité confortable s’est écroulée le 4 mars. Le ministre des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, a décidé de rompre avec son allié haï. M. Lieberman, dont le parti a essuyé un revers lors de l’élection du 17 mars, a choisi de reprendre sa liberté plutôt que de rester à son poste. Cette décision a cassé l’idée d’un maintien irrémédiable de " Bibi " au pouvoir. " En quelques minutes, Nétanyahou a mué d’empereur tout-puissant en canard boiteux ", soulignait Ben Caspit, l’un de ses plus impitoyables critiques, dans le journal Maariv.
En décembre 2014, Benyamin Nétanyahou avait justifié la tenue d’élections anticipées par deux arguments : l’incohérence idéologique de son gouvernement, due à la présence de centristes le critiquant semaine après semaine, et la nécessité d’une majorité confortable et stable. Sur ce dernier point, le résultat est catastrophique. Le voici confronté à une équation politique redoutable. Ses seuls alliés sont deux formations ultraorthodoxes (Shass et Judaïsme unifié de la Torah) et le Foyer juif. Les ultraorthodoxes, après deux ans hors du gouvernement, ont obtenu des garanties sans précédent de la part du premier ministre. Toujours plus d’autonomie pour les institutions religieuses, et toujours plus de fonds publics. Leur objectif est de détricoter tout ce que les centristes de Yesh Atid avaient fait entre 2013 et 2015. En particulier, ils veulent la suppression des sanctions pénales contre les étudiants religieux refusant de faire leur service militaire.
Alors qu’Israël est isolé sur la scène internationale et brouillé avec l’allié américain, qu’une nouvelle résolution au Conseil de sécurité des Nations unies pourrait bientôt proposer les paramètres d’une résolution du conflit avec les Palestiniens, M. Nétanyahou conforte ses pourfendeurs. Son gouvernement, très ancré à droite, ne laisse aucun espoir d’ouverture politique. En son sein, Moshe Kahlon semble bien isolé. Ancien du Likoud et fondateur du parti Koulanou, celui-ci a signé le 30 avril un accord de coalition avec M. Nétanyahou, pensant que la marge de manœuvre du gouvernement serait confortable.
Pessimisme
Il a obtenu le ministère des finances ainsi que celui de la construction et du logement pour son numéro 2, Yoav Galant. La grande ambition de Moshe Kahlon est de réformer le secteur de l’immobilier, dont les prix ont explosé, faute d’offres, ces dernières années. Mais comment conduire des réformes économiques, dès lors que la moindre décision peut être soumise au chantage de l’un des membres de la coalition ?
Le gouvernement sera présenté à la Knesset le 11 mai. Composé de 18 membres, il devrait être élargi, après une modification législative en ce sens. L’encre à peine séchée sur les accords, les commentateurs rivalisent déjà de pessimisme sur l’espérance de vie de ce gouvernement. Ils évoquent la possibilité, dans les prochains mois, une fois qu’un budget aura été voté, d’une coalition d’union nationale avec les travaillistes. " 61 est un bon chiffre, a dit M. Nétanyahou, mercredi soir. Mais plus de 61 est un chiffre encore meilleur. On commence à 61. Nous avons beaucoup de travail devant nous. "