La chaîne de distribution britannique Co-Op [1] a annoncé le 28 avril 2012 sa décision de ne plus commercialiser les produits d’entreprises qui ne peuvent garantir se fournir exclusivement hors des colonies israéliennes.
Il ne s’agit pas d’un boycott de tous les produits israéliens, Co-Op continuant à traiter avec une vingtaine de sociétés israéliennes qui ne se fournissent pas dans les colonies. Seules quatre entreprises sont concernées : Agrexco [2], Arava, Adafresh et Mehadrin. L’impact sur le chiffre d’affaires de Co-Op, 350.000 livres soit 444.000 euros, est relativement faible pour un distributeur de cette taille.
Et pourtant la décision prise n’est pas anodine puisque Co-Op est le cinquième distributeur en Grande Bretagne de produits agro-alimentaires.
Les autorités israéliennes ne s’y sont pas trompées, critiquant la décision de Co-Op : « Ils disent cibler les produits des colonies mais en fait ils ciblent tout ce qui est israélien », a estimé à l’AFP le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Yigal Palmor. Mensonge évidemment qui met en lumière le refus fondamental de considérer que les colonies ne font pas partie d’Israël. Mensonge aussi puisque la position de Co-Op se fonde sur le droit international qui s’est prononcé mille fois sur l’illégalité de la colonisation et l’occupation militaire israélienne.
En fait dès 2009 Co-Op décidait de ne pas vendre dans ses magasins les produits des colonies israéliennes. Aujourd’hui il étend son boycott aux entreprises israéliennes qui ont un pied dans les colonies.
Décision qui n’a rien de surprenant et au contraire tout à fait cohérente quand on connaît toutes les tricheries auxquelles se livrent les autorités douanières israéliennes en fournissant de fausses autorisations d’exportations « Made in Israel » à des entreprises qui en rajoutent en mettant ce label trompeur sur des produits des colonies.
Nul doute aussi que la décision prise en 2009 par les autorités britanniques de recommander de distinguer les produits agricoles des colonies de ceux d’Israël par un étiquetage distinct a aidé. Il ne s’agissait que de recommandation et non d’obligation d’étiquetage « Produit en Cisjordanie (Colonie israélienne) ». Cependant un certain nombre de distributeurs ont fait pression sur leurs fournisseurs pour qu’ils se plient à cette recommandation.
Bien évidemment la transparence exigée à travers cette bataille pour un étiquetage correct a joué favorablement en permettant aux consommateurs de faire leur choix en connaissance de cause.
L’étiquetage correct a eu aussi un autre effet, celui de rendre infiniment plus difficile les arguments à la Ponce Pilate : « nous ne savons pas d’où viennent ces produits, vous dites qu’ils viennent des colonies mais nos fournisseurs disent le contraire, c’est votre parole contre la leur d’ailleurs le gouvernement ne dit rien ne fait rien, nous ne faisons pas de politique etc. etc. ». Un discours que tous les militants qui se battent sur le terrain connaissent par cœur pour l’avoir entendu X fois à l’occasion des interventions aux portes des magasins, dans les rencontres avec les responsables de magasins ou importateurs, dans les réponses de centrales d’achat ... Il met en évidence que le discours sur les chartes éthiques de grands groupes relève de la langue de bois quand ce n’est pas tout simplement de la duplicité et du cynisme.
L’exemple de Sodastream est édifiant à ce niveau. Alors que toutes les preuves ont été fournies de la production de la machine à gazéifier dans la colonie de Mishor Adumim, alors que les autorités israéliennes et la compagnie Sodastream ont été convaincues d’avoir menti en prétendant qu’il s’agissait d’un produit « Made in Israel », alors que les investigations des Douanes ont abouti à un redressement de l’importateur OPM qui bénéficiait indûment de l’exonération des taxes douanières, alors que la DDPP44 a établi un PV d’infraction à l’encontre de OPM pour tromperie sur l’origine voila que le Procureur décide de classer sans suite ce PV !
Décidément la position française est bien en retard sur celle du gouvernement britannique. Et même sur les préconisations de Madame Benita Ferrero-Waldner qui en février 2009, au nom de la Commission européenne chargée des relations extérieures et de la politique européenne de voisinage, déclarait : « En ce qui concerne l’indication d’origine des produits des colonies dans les rayons des grandes surfaces en Europe, la Commission est d’avis que ceux-ci ne devraient pas être étiquetés « Made in Israel »… ». Si cet avis a été suivi en Grande Bretagne il n’en a rien été en France.
Le gouvernement français non seulement refuse de condamner ces tromperies sur l’origine mais au contraire a donné instruction de poursuivre les militants qui mènent campagne pour leur boycott. Bref à la tromperie et à la violation du droit les autorités françaises ont une seule et même réponse : l’impunité. L’impunité pour les fraudeurs, l’impunité pour les colonisateurs qui dépossèdent les Palestiniens !
Ce qui s’est passé en Grande Bretagne avec Co-Op montre que l’opinion publique en a assez de tout cela. Ce que disent dans leur rapport annuel 2011 les chefs de mission européens en poste à Jérusalem et Ramallah ne fait que le confirmer :
– « 6. Empêcher/décourager les transactions financières qui renforcent l’activité de colonisation à Jérusalem-Est lorsque les donneurs d’ordre de telles opérations sont européens.
– 7. Inviter la Commission à réfléchir à une proposition de législation européenne visant à prévenir/décourager de telles transactions financières.
– 8. Élaborer des directives à caractère non obligatoire à l’intention des tour opérateurs européens afin que les voyages qu’ils organisent/commercialisent ne soutiennent pas l’activité de colonisation à Jérusalem-Est.
– 9 S’assurer que les produits fabriqués dans les colonies de Jérusalem-Est ne bénéficient pas du traitement préférentiel accordé dans le cadre de l’accord d’association UE/Israël.
– 10 Sensibiliser davantage le public quant à l’origine de ces produits, notamment en élaborant des directives au sujet de leur étiquetage à l’intention des acteurs européens majeurs du secteur de la distribution. »
La position prise par Co-Op, qui n’aurait probablement pas été prise sans le consensus de ses adhérents coopérateurs, montre que l’on peut construire un large rassemblement en ciblant les produits des colonies.
L’AFPS a choisi de cibler les produits des colonies afin de contribuer à construire cette force capable de faire pression sur les autorités françaises, d’infléchir leur position pour que cesse l’impunité d’Israël, pour qu’enfin le droit international soit appliqué.
La décision de Co-Op conforte nos choix et montre aussi comment l’étiquetage et la transparence font avancer les consciences et peuvent contribuer à l’embargo sur les produits des colonies israéliennes.