Les forces de sécurité israéliennes ont détruit un village bédouin cette semaine, pour la seconde fois en quelques jours, faisant 300 sans abri et cela, alors que des dizaines de volontaires juifs et arabes avaient commencé la reconstruction des 45 maisons.
Des organisations de défense des droits humains préviennent qu’il s’agit probablement des premières actions d’une campagne qui menace depuis longtemps, conduite par le gouvernement israélien pour commencer à retirer massivement des dizaines de milliers de Bédouins de leurs terres ancestrales dans le sud du Néguev.
Le Haut Comité de suivi, principal organisme de la minorité arabe d’Israël, a promis cette semaine d’aider à reconstruire le village pour la seconde fois, et déclaré qu’il ferait appel aux Nations-Unies pour qu’il y ait enquête sur le traitement des Bédouins par Israël.
Le village d’Al-Araqib, situé à quelques kilomètres au nord de la principale ville du Néguev, Beersheva, est devenu un symbole du combat d’environ 90 000 Bédouins pour obtenir la reconnaissance de dizaines de leurs communautés et dont les villages, selon le gouvernement, sont construits sur des terres de l’Etat.
Dans un dossier test déposé devant les tribunaux israéliens, un habitant d’Al-Araqib a présenté des documents et des témoignages d’experts montrant que ses ancêtres possédaient et vivaient déjà sur les terres du village bien des décennies avant qu’Israël ne soit créé en 1948. Le juge doit se prononcer d’ici quelques mois.
« Démolir un village entier et laisser ses habitants sans toit, sans même avoir épuisé toutes les autres options pour satisfaire à de vieilles prétentions territoriales est scandaleux, » dit Joe Stork, directeur adjoint pour le Moyen-Orient de Human Rights Watch.
Une force de 1 500 policiers, dont une escouade spéciale antiémeute portant des cagoules noires, a fait irruption dans le village, tôt ce mercredi, pour abattre une dizaine de cabanes en bois et une maison en dur à moitié construite. La tribu locale Aturi était en pleine reconstruction du village après un premier passage des bulldozers qui avaient rasé le village la semaine précédente.
Les forces israéliennes ont également arraché 850 oliviers, dit Ortal Tzabar, la porte-parole de l’Administration de la Terre du gouvernement.
Hier, l’organisation Adalah, groupe de défense juridique pour les un million trois cent mille citoyens arabes d’Israël, a exigé une enquête criminelle sur ce qu’elle a qualifié de « brutalité policière » lors des deux opérations de démolitions.
Pour Sawsan Zaher, avocat, les agressions contre les villageois, les confiscations de leurs biens et la décision de recouvrir les visages des hommes des forces de sécurité et de leur retirer leur plaque d’identité avaient un but, celui d’ « inspirer la terreur » parmi les habitants.
Taleb a-Sanaa, membre bédouin du parlement israélien, que la police avait laissé sans connaissance mercredi après l’avoir extirpé d’une tente où il manifestait, a mis en garde le gouvernement, le prévenant qu’il prenait le risque d’un « soulèvement dans le Néguev ».
Six responsables de villages furent arrêtés peu après, quand ils refusèrent de signer un document par lequel ils s’engageaient à ne pas revenir à Al Araqib.
Awad Abu Freih, porte-parole du village, dit qu’ils sont restés fermes. « Les autorités veulent briser nos liens avec cette terre afin de pouvoir la livrer à des juifs. Ils ont les moyens de tout détruire, mais nous, nous continuerons de tout reconstruire. Nous ne partirons pas. »
La première démolition du village, à la fin du mois dernier, survenait après que le Premier ministre Benjamin Netanyahu ait mis en garde son cabinet devant la « menace palpable » à la judaïté de l’Etat que constituait la minorité arabe du pays, qui représente déjà le cinquième de sa population.
« La conséquence pourrait être que des éléments différents exigent des droits nationaux en Israël, par exemple, dans le Néguev, si nous laissons une région sans majorité juive. »
Le mois dernier, le gouvernement a annoncé un programme d’aide de 50 millions de dollars pour encourager les personnels de l’armée à aménager dans des communautés juives du Néguev.
L’affirmation croissante de leur identité par les Bédouins à propos de leur statut indigène, soutenue par des organisations internationales, a entraîné à une réaction violente de la part des officiels, lesquels se réfèrent régulièrement aux Bédouins comme à des « squatters » et à des « envahisseurs » de la terre de l’Etat.
Selon Nili Baruch, de Bimkom, organisation israélienne d’urbanistes pour les droits de l’homme, un plan directeur actuellement en attente d’approbation pour la région urbaine de Beersheva, requiert « d’autres démolitions et déplacements forcés de la population bédouine », comme ceux opérés à Al-Araqib.
En outre, dit-elle, les autorités ont donné leur accord pour une opération spéciale, appelée « Vent chaud » afin de procéder à ces démolitions.
Le conflit du gouvernement avec les Bédouins remonte à la fondation d’Israël, quand la plus grande partie de la population du Néguev fut exclue du nouvel Etat.
Avec le taux de natalité le plus élevé d’Israël, les tribus survivantes connurent une croissance rapide et aujourd’hui, elles comptent 180 000 Bédouins, plus d’un quart de la population du Neguev et ce, en dépit des vagues de migrations juives impulsées par l’Etat.
Israël a refusé de reconnaître la plupart des communautés traditionnelles bédouines et insiste pour qu’elles aillent s’installer dans sept ghettos qui ont été construits par le gouvernement il y a plusieurs dizaines d’années. Seule, la moitié d’entre elles y sont allées, les autres insistant sur leur droit de conserver leur mode de vie pastoral.
Al-Araqib est devenu un point de friction particulier car la plus grande partie de la tribu Aturi était partie dans le ghetto voisin, Rahat, au cours des années 70, quand leurs terres furent déclarées zone militaire fermée. Mais confrontées à une surpopulation problématique dans Rahat et à l’absence de terrain pour son expansion, de nombreuses familles de jeunes commencèrent à revenir dans leur village d’Al-Araqib il y a une dizaine d’années.
Comme 45 autres villages non reconnus, Al-Araqib est privé de tous les services, et notamment d’eau et d’électricité, et les constructions y sont décrétées illégales.
Une récente commission gouvernementale révèle que des dizaines de milliers de constructions bédouines sont soumises à des ordres de démolition, mais que jusqu’à présent, seules les constructions individuelles ont été ciblées, pas les communautés entières.
Le mois dernier, la commission d’urbanisme de Beersheva a approuvé un projet visant à reconnaître 13 villages bédouins, et à obliger les autres habitants à aller dans les ghettos. Dans ce projet, les terres d’Al-Arqib sont destinées à devenir une « forêt de paix », financée par l’organisation sioniste internationale, le Fonds national juif, une initiative que Mr Abu Freih pense conçue pour empêcher le retour des villageois.
Mme Baruch dit que les autorités exigent des habitants qu’ils s’en aillent à Rahat, alors même qu’aucun toit n’y est prévu pour eux.
Pour Mr Abu Freih, les autres terres des tribus voisines ont été secrètement prises par des juifs en 2004. Dans une opération nocturne, le FNJ et les officiels du gouvernement avaient installé des caravanes et ces terres sont par la suite devenues juives, sous le nom de Givat Bar.
Depuis 2002, Israël menait une politique de vaporisations d’herbicide, chaque année, sur les cultures d’Al-Araqib, pour tenter d’en faire partir les habitants, jusqu’à ce que la Cour suprême estime, en 2007, que cette pratique était illégale.