D’où vous est venue cette idée originale ?
La bande de Gaza est un espace étroit et rectangulaire, truffé de moyens de transports très variés : de la charrette à la voiture en passant par le bus et le camion. Compte tenu de la surpopulation et de l’encombrement de l’espace, des motos, des « taktak » (triporteurs courts) et des « taftaf » (triporteurs longs) sont aussi apparus, importés par les tunnels à la frontière égyptienne.
Le réseau des transports à Gaza ressemble à une fourmilière, avec la même tension, le même sol déformé, en raison des bombardements, mais sans organisation ni discipline et sans espoir que les choses évoluent, sauf en rêve. J’ai donc eu une vision pour remédier à cette situation :
un métro. Je vois ce projet comme une solution visuelle et artistique temporaire à la crise.
Comment s’est passée votre résidence d’artiste à Paris ?
Cette résidence a duré un peu plus de 4 mois, entre mai et octobre 2011, grâce à une bourse du Consulat général de France à Jérusalem et des fondations Al Ta’awun et Al Qattan. J’ai pu me familiariser avec le métro parisien, méditer sur le plan de métro et les stations, les correspondances, les signalisations, les tunnels, les bouches qui avalent puis recrachent les voyageurs.
Puis j’ai commencé à imaginer l’impact psychique que ce projet pourrait avoir sur les spectateurs gazaouis. J’ai visité la compagnie du métro parisien RATP et le Musée des Arts et Métiers afin de donner à mon projet une véritable dimension de recherche scientifique. Je me suis aperçu que la cartographie de la bande de Gaza se prêtait parfaitement à un réseau de lignes de métro souterraines.
Je propose que ce métro soit accessible à tous, qu’il fonctionne sur une énergie durable provenant d’Egypte, qu’il ne soit pas attaqué par des bombardements ni soumis au blocus, qu’il ne soit pas dépendant des soubresauts politiques, qu’il n’y ait pas de séparation entre les hommes et les femmes dans les rames, qu’il fonctionne du matin jusqu’au bout de la nuit, et que les conducteurs aient de préférence une expérience en matière de transports publics.
Comment ont réagi les habitants de Gaza à votre projet ?
Nous avons planté les panneaux des stations de métro dans 50 endroits différents dans la bande de Gaza, conformément au plan du métro. Les passants ont été immédiatement inter- pelés et leurs réactions exprimaient à la fois l’enchantement et l’ironie, l’opti- misme et la frustration, la candeur et l’incrédulité, l’espérance et le désespoir, comme : « le signe M, ça veut dire qu’il y aura un nouveau port (« mina » en arabe) pour les pêcheurs ? » ;
« ça me rappelle le métro en Egypte : je vais prendre une photo avec mo n portable et faire croire à ma femme que j’étais en Egypte » ; « je ne suis pas d’accord avec ce projet, qui menace nos emplois ! (un chauffeur de taxi) ;
« avec ce projet, nous pourrons enfin avoir un peu de calme »...
voir l’article du consulat de France à Jérusalem http://consulfrance-jerusalem.org/s...