Les islamistes du Hamas, qui contrôlent la bande de Gaza, et le Fatah de Mahmoud Abbass, président de l’Autorité palestinienne installée en Cisjordanie, ont conclu sous l’égide du Yémen un accord qui prévoit la reprise de leurs négociations directes. Néanmoins, à peine le document de réconciliation était-il signé que les divergences ont apparu. A voir le sort des accords précédents signés entre les dirigeants palestiniens, notamment celui de La Mecque, nous ne serons pas surpris de cette volte-face, les Palestiniens en ont cette habitude, et les lunes de miel entre le Fatah et le Hamas étant toujours de courte durée. Le document, intitulé « Déclaration de Sanaa », a été signé par Azzam Al-Ahmad, chef du groupe parlementaire du Fatah, et le numéro deux du bureau politique du mouvement, Moussa Abou-Marzouk, en présence du président yéménite Ali Abdallah Saleh. « Les mouvements du Fatah et du Hamas sont convenus de considérer l’initiative yéménite comme un cadre pour la reprise du dialogue entre eux en vue de revenir à la situation palestinienne antérieure aux événements de Gaza, afin de confirmer l’unité de la patrie palestinienne en tant que terre, peuple et autorité », stipule le texte signé par les deux mouvements rivaux.
Ce texte est le fruit de difficiles tractations que les autorités yéménites ont menées avec les représentants du Hamas et du Fatah ces derniers jours à Sanaa, dans le cadre de leur initiative proposant notamment un retour à la situation qui prévalait avant la prise du pouvoir par la force dans la bande de Gaza par le mouvement islamiste en juin 2007. Outre le retour à la situation antérieure au 15 juin à Gaza, l’initiative yéménite prévoyait initialement des élections anticipées dans les territoires palestiniens, la reprise du dialogue sur la base d’accords antérieurs signés au Caire (2005) et à La Mecque (2007), et la remise sur pied des forces de sécurité sous la conduite de l’Autorité nationale palestinienne et d’un gouvernement d’union nationale.
Le président yéménite Ali Abdallah Saleh, présent lors de la cérémonie au cours de laquelle les deux parties ont signé la déclaration à Sanaa, a souligné que les discussions entre les Palestiniens reprendraient au mois d’avril. Il n’a pas fourni de date précise, mais des responsables palestiniens proches des pourparlers ont souligné que de nouveaux entretiens auraient probablement lieu le 5 avril au plus tôt.
« Il s’agit de la première phase des discussions et nous aiderons le Fatah et le Hamas à parvenir à un accord dans l’intérêt du peuple palestinien », a promis M. Saleh.
Selon les plus optimistes, les événements de dimanche représentent cependant un petit pas vers des discussions entre groupes palestiniens rivaux. Ils suscitent également l’espoir que le Hamas accepte de renoncer au contrôle qu’il exerce sur la bande de Gaza au profit de l’Autorité palestinienne et qu’un partage du pouvoir au sein d’un gouvernement puisse être rétabli.
Un document à exécuter ou un cadre pour le dialogue ?
Néanmoins, il faut se méfier d’un excès d’optimisme. Quelques heures après la signature du document, la présidence palestinienne, détenue par le Fatah, a toutefois tenu à souligner que les futures discussions viseront uniquement à faire entrer en vigueur les clauses de l’accord de Sanaa, non à les rediscuter. « La reprise du dialogue (...) doit servir à mettre en place la proposition yéménite et non à considérer celle-ci comme un simple cadre au dialogue, car cela ne mènerait à rien. Nous voulons que la proposition yéménite soit appliquée, nous ne voulons pas de discussions sur ses différents articles », a dit la présidence palestinienne dans un communiqué. Le Fatah a répété depuis des mois qu’il ne discuterait directement avec le Hamas que si le groupe islamiste acceptait d’abord de renoncer à sa mainmise sur la bande de Gaza, où vivent un million et demi de Palestiniens.
Le Hamas en revanche ne voit dans cette déclaration de Sanaa qu’un accord qui permet de reprendre le dialogue gelé depuis des mois. Le porte-parole du Hamas, Sami Abou-Zouhri, a accueilli dans la soirée avec dépit la déclaration de la présidence palestinienne. « Les déclarations du Fatah illustrent le mépris de la présidence pour le dialogue et donnent l’impression que sa signature (à Sanaa) n’est rien d’autre qu’un acte de gratitude envers les Yéménites », a-t-il dit. En raison de ces positions très tranchées, la médiation entamée la semaine dernière par le président yéménite a failli tourner court à plusieurs reprises. Les deux parties ne parvenant pas à s’entendre sur des propositions concernant l’avenir de la bande de Gaza et de la Cisjordanie. Aux termes d’un projet d’accord, les frères ennemis palestiniens organiseraient des négociations directes début avril afin de rétablir à Gaza la situation qui prévalait avant sa prise de contrôle par les islamistes du Hamas en juin 2007.
Un représentant du Hamas a dit que son mouvement demandait que la même formule s’applique à la Cisjordanie, où l’Autorité palestinienne dirigée par le Fatah a révoqué un gouvernement dominé par le Hamas et arrêté des partisans de celui-ci. « Nous estimons que ce qui s’est passé à Gaza est lié aux événements de Cisjordanie (...) Nous devons remédier à la situation dans l’ensemble du champ palestinien », avait déclaré depuis Sanaa le principal négociateur du Hamas, Moussa Abou-Marzouk, à la chaîne de télévision Al-Jazeera. Mais le négociateur du Fatah, Azzam Al-Ahmed, avait rejeté l’exigence du Hamas concernant la Cisjordanie. « Rien n’a changé en Cisjordanie (...). Nous acceptons cette proposition (yéménite) sans en changer un mot », a-t-il dit à la télévision.
Si les spécialistes du dossier saluent dans l’accord de Sanaa un progrès important, ils ne cachent pas que les sérieuses divergences entre les deux camps annoncent des discussions difficiles. Le président Saleh a précisé qu’il demanderait au sommet arabe de Damas, les 29 et 30 mars, d’approuver officiellement l’initiative de Sanaa. La « Déclaration de Sanaa » reste donc une première étape. Elle pourrait être d’autant plus fragile que son processus d’élaboration a été délicat et complexe.
Rania Adel