Israël et l’Autorité palestinienne se sont entendus pour un cessez-le-feu qui a pris effet dimanche à l’aube, après un accord des factions pour arrêter les tirs de roquettes depuis la bande de Gaza. Une annonce intervenue après d’intenses tractations au cours des derniers jours entre les groupes armés palestiniens et les dirigeants des mouvements politiques.
Vers un nouvel épisode du conflit ?
Il y aurait même eu un entretien téléphonique entre le premier ministre israélien, Ehud Olmert, et le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. « Ehud Olmert est d’accord pour mettre fin à toutes les opérations militaires et commencer le retrait de la bande de Gaza dans le même temps », a indiqué un responsable palestinien. De fait, malgré quelques escarmouches (quelques tirs de roquettes sur Sdérot qui n’ont pas occasionné de dégâts et un raid israélien qui a fait deux morts), la trêve est globalement respectée. On pourrait ainsi entrer dans un nouvel épisode du conflit puisqu’une trêve de même ordre pourrait être instaurée également en Cisjordanie. Mais en la matière il y a lieu d’être prudent. Il reste que le principal leader du Hamas, Khaled Mechaal, basé à Damas, a dû mettre de l’eau dans son vin, si on permet l’expression, et retirer l’ultimatum qu’il avait lancé de reprise de l’Intifada si un État palestinien n’était pas créé dans les six mois.
Dans un discours prononcé hier devant la tombe de David Ben Gourion, le premier ministre israélien a indiqué qu’il voulait tendre la main aux Palestiniens en promettant des mesures incitatives d’ordre humanitaire et économique en cas d’arrêt des violences contre Israël. Il a aussi répété qu’il était prêt à faire évacuer, pour établir une « paix véritable », certaines des colonies établies par Israël en Cisjordanie. Il n’a cependant pas fourni de précisions sur ce point et n’a pas mentionné non plus le « plan de réalignement » d’Israël, remisé après la guerre l’ayant opposé cet été au Hezbollah libanais. « Avec la libération de Gilad Shalit et son retour sain et sauf dans sa famille, le gouvernement israélien sera prêt à libérer de nombreux prisonniers palestiniens, même ceux qui ont été condamnés à de longues peines », a indiqué Olmert en évoquant pour la première fois officiellement une possibilité d’échanges.
Ce qui donne du crédit aux rumeurs et aux pressions qui se font jour pour que Marwan Barghouti, le très populaire leader palestinien condamné à la prison à vie et incarcéré en Israël, fasse partie du lot. Dans une récente tribune publiée par le quotidien Haaretz, un ancien dirigeant du Meretz (gauche sioniste) intitule même sa chronique « Libérez Barghouti ! »
Dov Khenin, député communiste israélien (Haddash), tout en se félicitant de la trêve, estime qu’il faut maintenant « un redémarrage du processus diplomatique, susceptible d’apporter de l’espoir, pour un avenir meilleur dans les relations entre les deux peuples »
Des conditions préalables
Olmert a cité une série de conditions préalables à l’ouverture de négociations de paix avec le président palestinien Mahmoud Abbas. Il souhaite que les Palestiniens forment d’abord un gouvernement d’union nationale qui reconnaisse Israël, renonce à la violence et respecte les accords de paix israélo-palestiniens, et que le caporal Shalit soit libéré.
Rien n’arrive par hasard. Lors de sa dernière tournée au Proche-Orient, Condoleezza Rice avait rencontré des proches de Marwan Barghouti et des discrètes pressions étaient effectuées sur le gouvernement israélien. D’ailleurs, ce discours d’Olmert survient quelques jours après son retour de Washington. Mahmoud Abbas pourrait rencontrer George W. Bush, mercredi, en Jordanie. Enfin, le toujours premier ministre palestinien, Ismaïl Haniyeh, du Hamas, va entamer sa première tournée dans les pays arabes depuis son arrivée aux commandes du gouvernement, se rendant notamment en Syrie et en Iran mais aussi en Égypte, au Liban et en Arabie saoudite.
La plupart des pays, banques et institutions arabes ont emboîté le pas aux sanctions économiques qui étranglent les territoires palestiniens depuis le mois de mars. La Syrie et l’Iran, plus ostracisés que jamais, sont paradoxalement de moins en moins incontournables. C’est peut-être ce qui explique l’acharnement contre eux, accusés de tous les maux.
Pourtant, même aux États-Unis, parmi les plus hautes instances, l’idée d’un dialogue, de la nécessité de faire entrer Damas et Téhéran dans la solution des problèmes régionaux (et politiques pour Bush), fait son chemin, au grand dam de certains, dans certaines capitales occidentales (dont Paris) mais aussi arabes (dont Beyrouth). C’est pour cela que l’optimisme n’est pas totalement de rigueur.
Ehud Olmert refuse toujours de parler de fin de l’occupation et donc des frontières de 1967, ne veut toujours pas reprendre les discussions avec la Syrie pour un retrait du plateau du Golan, poursuit l’annexion de Jérusalem et la construction du mur. Il est vrai que la cooptation du leader d’extrême droite Avigdor Liebermann au sein du gouvernement israélien ne peut que renforcer les craintes.
Les craintes qui se font jour
Le roi Abdallah II de Jordanie, qui doit accueillir prochainement la rencontre entre le président américain et le premier ministre irakien, résume bien les craintes qui se font jour et qui expliquent certainement les « réajustements » auxquels on assiste : « Nous pourrions imaginer entrer en 2007 avec trois guerres civiles, a-t-il mis en garde, parlant de l’Irak, du Liban et du conflit israélo-palestinien. Il est donc temps que nous fassions un important pas en avant, pour protéger le Proche-Orient d’une crise terrible que je crains et qui risque d’arriver en 2007. »