Face à l’orage internet et médiatique qui s’est déclenché contre l’opération "Tel-Aviv sur Seine" dans le cadre de Paris Plages, la mairie de Paris, par la voix de sa maire Anne Hidalgo et de son premier adjoint Bruno Julliard, a déterminé sa ligne de défense : Tel-Aviv n’est pas Israël, c’est une ville "libérale sur le plan des arts et des mœurs", et c’est "la première ville d’opposition" à la politique incarnée par le gouvernement Netanyahou.
Les politiques instrumentalisent l’art et les minorités
Libérale sur le plan des mœurs, Tel-Aviv l’est certainement. Mais c’est devenu un instrument de propagande, à l’image des nouveaux mariés homosexuels invités tous frais payés à Tel-Aviv, …alors même que le mariage civil n’existe pas en Israël. Beaucoup d’organisations de la mouvance LGBT dénoncent ce "Pink Washing" ("blanchiment en rose") dont elles ne veulent plus être complices.
Il en est de même sur le plan des arts, instrumentalisés au profit de la politique et de l’image de marque d’Israël, au point que plusieurs artistes ont décidé de quitter la "nuit blanche" de 2012.
C’est une ville insouciante, qui respire la joie de vivre, nous dira-t-on ? C’est probablement vrai, du moins pour ceux qui peuvent se payer cette insouciance. Mais si la joie de vivre est sympathique, l’insouciance devient celle d’une bulle, celle de la négation de la réalité.
Pourquoi affronter la réalité lorsque l’on a une suprématie militaire écrasante, et que toutes les grandes puissances du monde font la courbette devant les violations du droit international ? Les Palestiniens n’existent pas, circulez… et ce sera vrai tant que la communauté internationale ne ramènera pas Israël à sa réalité.
Le maire de Tel-Aviv ne peut pas servir d’exemple
Oui mais Tel-Aviv est "la première ville d’opposition", nous dit-on. Ron Huldaï, maire de Tel-Aviv depuis 1998, est un travailliste !
Certes, les travaillistes israéliens ne sont pas aujourd’hui dans le gouvernement israélien, mais leur projet colonial est le même que celui du Likoud, avec lequel ils ont régulièrement gouverné en coalition pendant toutes les dernières années. Sous quel premier ministre y a-t-il eu le plus de constructions de colonies ?
Sous Ehud Barak, premier ministre travailliste. Qui a provoqué l’effondrement du "camp de la paix" en Israël, en affirmant qu’il n’y avait, du côté palestinien, aucun partenaire pour la paix ?
Ehud Barak, toujours, cette fois en 2010, après avoir tendu à Arafat le piège de Camp David et avant de remettre, sur un plateau, les clés du pouvoir à Ariel Sharon. Jamais, même sous Guy Mollet, un parti qui se prétend de gauche n’est allé aussi loin dans la trahison des idéaux qu’il était censé porter.
La France doit aider Tel-Aviv à sortir de sa bulle
Pour revenir à Tel-Aviv, oui, il y a eu une manifestation après l’assassinat du petit Ali Dawabsheh et de son père brûlés vifs dans l’incendie criminel de leur maison.
Oui, nous serions heureux de rencontrer les courageux organisateurs de cette manifestation. Mais ce n’est pas ce que la mairie de Paris nous propose à Paris Plage. Et ces militants courageux sont eux-mêmes désespérés par l’évolution de leur société.
L’écrivain israélien Etgar Keret raconte son désarroi lorsque son fils qui l’avait accompagné à la manifestation, lui a demandé quand les manifestants allaient vraiment arriver…
Tel-Aviv, libérale sur le plan des mœurs, ouverte, artiste ? Oui, mais avant tout dans sa bulle où elle jouit de l’impunité que lui procure la suprématie militaire israélienne.
Seule une pression de l’extérieur fera évoluer la société israélienne. Pour les Palestiniens, pour les Israéliens eux-mêmes, pour le respect du droit dans le monde, il faut le faire. En sortant clairement de la complicité que la ville de Paris veut promouvoir à travers l’opération "Tel-Aviv sur Seine".