En lançant dimanche dernier (6 avril) le plus grand exercice de défense passive pour tester les services de secours en cas de guerre, Israël a assuré qu’il n’avait aucune intention hostile envers ses voisins. Faut-il pour autant ne voir en ces manœuvres aucune menace à la stabilité de la région ?
Certes, il serait exagéré d’imaginer le scénario d’une guerre. Toutefois, le contexte et le timing de cette opération israélienne ne sont pas dénués de sens. L’exercice, qui dure cinq jours et qui est appelé « Instant critique », intervient quelques semaines après le sommet arabe de Damas, un sommet qui n’a pas trouvé de solution à la crise libanaise qui perdure depuis novembre dernier. Il semble donc clair que ce sont la Syrie, ainsi que ses alliés au Liban, qui sont visés par la démarche israélienne.
Officiellement, il a été dit que l’exercice a pour but de préparer la population israélienne à des attaques d’armes conventionnelles — comme les roquettes Katioucha tirées en été 2006 par le Hezbollah libanais — ou des attaques de missiles armés de têtes chimiques et bactériologiques. « L’objectif de l’exercice est de vérifier les capacités des autorités à agir en temps de crise et à préparer l’arrière à différents scénarios », a affirmé dimanche le premier ministre Ehud Olmert à l’ouverture de la réunion hebdomadaire du cabinet à Jérusalem. Pour Israël, il s’agit aussi de « tirer une des leçons » de sa guerre contre le Liban de l’été 2006, comme l’a déclaré le ministre israélien de la Défense, Ehud Barak.
Mais c’est surtout dans un contexte de tension avec la Syrie qu’intervient cet exercice. A Damas, la réponse ne s’est pas fait attendre. La presse officielle, qui reflète la position des autorités, a affirmé lundi que la Syrie était « prête » à faire face à « toutes les options ». « Nous nous tenons prêts à contrer une éventuelle agression israélienne ». « C’est le seul langage approprié face à des informations dans ce sens. La Syrie s’est toujours tenue prête pour faire la guerre et aussi pour faire la paix », a écrit le quotidien officiel As-Saoura. Le quotidien gouvernemental Techrine a souligné pour sa part « la solidité de la Syrie d’aujourd’hui face aux pressions des Etats-Unis » qui cherchent à isoler la Syrie accusée de s’ingérer dans les affaires intérieures du Liban et de soutenir le Hezbollah libanais et les groupes armés palestiniens.
Pourtant, l’Etat hébreu s’est efforcé de rassurer ses voisins, du moins dans les paroles. « Ceci n’est qu’un exercice qui ne dissimule rien. Tous les rapports sur la tension au nord doivent être dédramatisés. Nous n’avons pas de plans secrets », a dit M. Olmert. « Autant que je sache, les Syriens savent cela et il n’y a aucune raison d’interpréter autrement cet exercice (...). Israël ne cherche aucune confrontation violente dans le nord. Nous souhaitons des négociations de paix avec les Syriens », a-t-il poursuivi. Cela dit, les déclarations de Barak détiennent aussi des sous-entendus. Le ministre israélien de la Défense a tout de même reconnu que le « front nord » était « particulièrement sensible, mais nous n’avons aucune envie de provoquer une dégradation (militaire) et l’autre côté le sait ». Tout en insistant, « nous sommes prêts à faire face à tout développement ».
Inquiétude libanaise
Côté libanais, l’exercice israélien est également vu d’un mauvais œil. Le premier ministre libanais Fouad Siniora a mis en garde contre le risque qu’Israël exploite ces manœuvres pour « lancer des opérations susceptibles d’accroître la tension » à sa frontière avec le Liban. L’armée libanaise et la Force des Nations-Unies au Liban (FINUL) ont affirmé être « vigilantes » en vue de contrer toute « violation » à la frontière entre les deux pays. « Lorsque l’ennemi est en train d’effectuer des manœuvres à la frontière, il est normal que l’armée soit vigilante », a déclaré à l’AFP un porte-parole de l’armée. Tout en ajoutant : « De toute façon, l’armée se tient prête depuis deux mois » pour faire face à toute éventualité, en raison de la « tension » au Liban et dans la région. La Finul a de son côté indiqué qu’elle allait « intensifier ses activités » dans le sud du pays et notamment à la frontière, sans toutefois être en état d’alerte.
Quant au Hezbollah, il a accusé Israël de se préparer à une nouvelle offensive contre le Liban. « Derrière les manœuvres se profile un projet contre le Liban, la Syrie et l’Iran et contre la résistance », a affirmé un haut responsable du mouvement, Mohammad Yazbek, cité par l’agence de presse libanaise. « Ces manœuvres ne nous font pas peur car notre peuple, la résistance et l’armée se tiennent prêts à faire face à toute éventualité », a ajouté un député du Hezbollah, Hussein Hajj Hassan.