Un nouveau rapport de B’Tselem (Jouer la carte de la sécurité : la politique israélienne à Hébron en tant que moyen d’effectuer le transfert forcé des Palestiniens), démontre comment Israël utilise le prétexte de la sécurité pour rendre la vie des habitants du centre de Hébron (Vieille Ville) insupportable et les chasser de chez eux. Cette politique s’appuie sur le régime radical de séparation qu’Israël met en oeuvre dans la ville depuis 25 ans, depuis le massacre de Palestiniens perpétré par Baruch Goldstein, en permettant à un petit nombre de colons d’habiter au coeur d’une ville palestinienne bondée. Cette politique viole l’interdiction de tout transfert forcé, qui constitue un crime de guerre.
Les données démographiques illustrent la façon dont cette politique fonctionne : l’accroissement naturel de la population de Hébron a été neutralisé par le départ forcé de milliers de Palestiniens de la Zone H2, dont Israël a conservé le contrôle entier. En 1997, à la signature du Protocole d’Hébron, environ 115 000 Palestiniens habitaient dans la zone H1 de Hébron. Aujourd’hui, 166 000 personnes y vivent, soit une augmentation de près de 45%. En zone 2 en revanche, la population palestinienne était de 35 000 en 1997. Elle est de 34 000.
Le centre historique de la ville, plaque tournante commerciale de tout le sud de la Cisjordanie, a décliné, devenant une ville-fantôme où seuls demeurent les familles qui ne peuvent pas se permettre de déménager ailleurs.
Le régime de séparation est fondé sur un système de restrictions de déplacement qui crée un couloir distinct à l’intérieur de la ville, partiellement ou totalement interdit aux véhicules et aux piétons palestiniens. Pour faire respecter ce régime, l’armée a installé pas moins de 22 points de contrôle et de 64 obstacles physiques de différentes sortes qui interdisent aux Palestiniens l’accès aux rues de leur propre ville. Des activités quotidiennes comme faire ses courses, rendre visite à des parents ou aller à l’école et au travail, impliquent de franchir au moins un point de contrôle et de subir des contrôles de sécurité humiliants et arbitraires. L’autre solution est d’emprunter des voies de contournement qui rallongent grandement le trajet et qui sont souvent inadaptées pour les personnes âgées ou handicapées.
La vie dans la ville s’accompagne d’une violence quotidienne de la part des forces de sécurité : descentes nocturnes, fouilles et actes de violence. Les Palestiniens endurent aussi la violence quotidienne des colons, entièrement soutenus par les autorités.
Le régime instauré par Israël dans l’ensemble de la Cisjordanie rappelle par certains aspects le régime sud-africain de "grand apartheid", avec les restrictions d’accès à la terre, la limitation des déplacements et le refus de droits politiques. A Hébron, le régime draconien établi par Israël prend aussi une forme rappelant "le petit apartheid", avec la ségrégation réglementée dans les espaces publics selon l’appartenance ethnique – juive ou palestinienne – exercée par des rues distinctes et des obstacles physiques.
L’entreprise coloniale à Hébron n’aurait jamais pu commencer, ni prospérer sans le soutien massif de tous les organismes officiels de l’état israélien depuis 1968.
Tous les décideurs concernés - les hommes politiques de droite comme de gauche, les juges de la Cour Suprême, les chefs de l’armée et les responsables de la défense, le personnel du Service de l’Avocat Général Militaire et du Bureau du Procureur Général – ont effectivement accepté l’existence d’une colonie israélienne au coeur de la ville palestinienne, toléré la gravité et la fréquence des incidents violents qu’elle entraîne et justifié l’oppression permanente des habitants palestiniens dépossédés de leurs maisons, de leurs biens et de leurs lieux de travail.
Ce soutien accablant se poursuit malgré les preuves évidentes de l’effet abominable de la politique d’Israël dans la ville.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT prisonniers de l’AFPS.