Après un entretien avec Michel Warschawski, président du Centre d’information alternative de Jérusalem, qui nous a parlé de la situation actuelle en Palestine et en Israël, nous avons visité les environs de Jérusalem, ceinturée par des colonies, toutes reliées les unes aux autres, réduisant, si rien ne change , le futur état palestinien ‘ aux trous dans le fromage de gruyère ‘, nous sommes parties, à neuf, à Deïr Istiya, pour cueillir les olives.
Deïr Istiya, village de 4000 habitants entouré de colonies, se trouve à 25 kms de Naplouse.
A l’entrée du village, circulent Israéliens et Palestiniens sur une route importante.
Pour combien de temps encore ? La barrière d’annexion devrait être construite ici, privant les villageois d’une grande partie de leurs oliveraies.
Nous cueillons durant quatre jours (peu d’olives cette année, la récolte
n’étant abondante qu’une année sur deux. )
Pas d’incidents fâcheux avec les colons et les soldats, peut-être parce
que nous étions là.
Les familles qui nous accueillent témoignent :
* Lorsque vous n’êtes pas là, les soldats et les colons viennent régulièrement et nous chassent avec leurs armes.
* Les colons déversent du purin sur nos champs pour nous empêcher de venir travailler. Ca sent très mauvais et ça donne mal à la tête
* Mon oliveraie est le long de la route. Hier je n’ai pas pu ramasser mes olives, les soldats m’ont chassé. »
Une famille dont l’oliveraie donne sur la route qui mène à la colonie cueille le samedi
* le jour du shabbat, les colons restent chez eux !
Tous les villageois de Deïr Istiya sont inquiets quant à leur avenir.
* Bientôt la barrière va passer tout près sur la route. On n’aura plus accès à nos champs. On va mourir.
* Quel pays ? Quelle terre ? Le mur, les colonies partout !
* Les colonies sont comme les murs. Les colons viennent souvent la nuit dans le village.
.
*Quel gouvernement ? Sept ministres et Vingt députés sont en prison !
* Y a-t-il un seul pays au monde où les routes sont fermées et où on doit attendre des heures pour passer ?
La pauvreté s’intensifie :
* Je suis seule avec cinq enfants. Mon mari est en Jordanie. Il n’a pas le droit de
revenir en Palestine. Là-bas, il n’a qu’une petite boutique pour nous faire vivre !
* Pour nous la vie est très chère ici.
* Ici on est mal pour vivre, dormir, gagner sa vie à cause des colons et des soldats.
* On n’a plus d’argent. On ne peut plus acheter de la farine pour faire le pain. Tout est cher !
* J’avais un restaurant dans le village voisin. Il y a six ans, dans la journée, les colons sont venus, l’ont cassé. Je n’ai pas retrouvé du travail. J’ai deux enfants.
La peur est présente
* Les soldats sont venus, sont rentrés la nuit dans ma maison, ont fouillé toutes les chambres. J’ai eu très peur.
* Ici il y a eu cinq martyrs ; De nombreux jeunes sont en prison.
* Hier à Naplouse, dans l’après-midi, l’armée a tué un enfant de sept ou huit ans.
* Sur la route les policiers israéliens nous embêtent
* Si tu jettes des pierres, les soldats t’attrapent et te mettent en prison !
* Lorsque les soldats viennent dans la rue, et pénètrent dans le Jardin d’Enfants, les enfants ont très peur, ils pleurent et appellent leurs mères. Lorsqu’ils rentrent dans les maisons, même les grands ‘pissent’ sur eux.
L’amertume grandit
* Tout le monde assimile les arabes aux musulmans.
* La Palestine est le pays arabe où il y a le plus de gens instruits, de laïcité et on nous prend pour des ignorants
* Je veux que vous repartiez en France en étant reposés et contents, pour bien parler de la Palestine
* L’Islam est une religion pour la Paix, mais à l’étranger on la présente comme une religion de terroristes
* Avant l’occupation on allait à la montagne, on mangeait des amandes, des raisins, on buvait le lait des chèvres
* J’appelle au secours les grandes puissances pour que cesse l’occupation.
Après la mission civile nous sommes retournées cinq jours à Deïr Istiya pour réfléchir avec le maire du village, le personnel de la mairie, les enseignantes, comment améliorer le fonctionnement du Jardin d’enfants municipal . Un projet est à l’étude.
Un après-midi, nous rendons visite à une famille. Onze voitures militaires pénètrent dans le village. Deux s’arrêtent sur la route en contre-bas. Des soldats patrouillent sous les oliveraies.
Les familles s’avertissent par téléphone . Les portes se ferment. Jeunes et enfants désertent les rues. Nous attendons dans l’angoisse, trompant nos peurs par une apparente tranquillité. Pas de coups de feux. Une heure trente plus tard, l’armée se retire après avoir kidnappé un garçon de 14 ans. Il sera relâché quelques heures plus tard
* C’est pour nous maintenir dans la peur…… nous dira Natiba
Le vendredi 2 novembre nous avons rejoint le groupe de manifestants palestiniens, israéliens et internationaux qui, chaque semaine, à Bill’in , depuis février 2005, manifestent pacifiquement contre la barrière d’apartheid en construction, annexant de facto 60% des terres des villageois. Le 4 septembre 2007, la Haute Cour Suprême Israélienne a ordonné que 110 hectares sur les 200 volés soient rendus. Décision non appliquée jusqu’à ce jour..
Avant le départ de la manifestation, nous avons rencontré un des organisateurs. Deux mois auparavant, il a reçu trois balles à l’intérieur de la cuisse, vers l’aine. Chauffeur de taxi, il n’a pas pu reprendre son travail . Plus tard une femme du village nous a montré les cicatrices de 5 balles reçues sur son corps.
La manifestation, ce jour-là, ne durera guère. Les soldats nous
attendaient au-delà de la barrière d’annexion, nous aspergeant
copieusement de grenades lacrymogènes, tirées avec des canons. Ces grenades, cette fois, contenaient des gaz très toxiques, qui, nous dira plus tard un policier palestinien, sont interdits.
Un jeune étudiant Européen, en stage pendant 6 mois à l’université de Tel Aviv, présent avec son appareil photo à la main, a reçu une grenade qui lui est passé sous le bras.
Il souffre de deux grosses et profondes brûlures.
Le 7 novembre, nous avons visité un camp de Bédouins proche de Jéricho.
Les familles sont très pauvres. Elles n’ont plus de quoi nourrir leurs
troupeaux de chèvres. Leurs enfants sont scolarisés, mais ils n’ont ni clinique,
ni médecins pour les soigner..
De l’autre côté de la route se trouve une colonie. Un des colons est venu
s’installer tout près du campement. Il agresse les bédouins régulièrement,
s’approprie les terres et les pâturages.
Leur source d’eau a été détournée . Elle est pompée pour la colonie.
Les Bédouins doivent payer maintenant l’eau qui leur appartient !
Le 8 novembre, nous avons visité ce qui reste des villages, proches de
la frontière libanaise, détruits en 1948, par l’armée israélienne.
Restent debout des églises, des mosquées, des temples .L’armée les a
entourés de murs métalliques pour que les palestiniens ne puissent pas venir prier.
Le Kibboutz de Cabri, a détourné la source d’eau qui alimentait le village portant ce nom, la met en bouteilles et la vend. !
A chacun de nos passages vers Jérusalem, c’est avec amertume que nous avons constaté, l’avancée très rapide des travaux de construction de la ligne de tramway qui reliera les deux colonies illégales de Psat Zeev et French Hill, à Jérusalem.
Nous sommes rentrées en France, en colère, écœurées et profondément tristes.
En colère, à cause de l’inertie des grandes puissances qui n’interviennent pas auprès du gouvernement israélien pour que cesse son occupation illégale et meurtrière.
Ecœurées, à cause de l’humiliation et l’appauvrissement de tout un peuple.
Profondément tristes car ayant l’impression que les dés sont joués. La colonisation se poursuit à grande allure, la construction de la barrière d’annexion avance. Bientôt les territoires palestiniens ne seront plus que des enclaves, isolées les unes des autres, sans communication possible avec le monde extérieur.
PROFONDEMENT TRISTES , MAIS AUSSI PROFONDEMENT ADMIRATIVES
de ce peuple palestinien qui continue à résister
Comme le dit Ahmed de Naplouse : Vivre c’est résister !
– Les enfants poursuivent leur scolarité.
– De nombreux jeunes étudient à l’Université.
– Des personnes, hautement qualifiées, refusent des postes qui leur sont proposés à l’étranger pour rester en Palestine
– Des fonds sont alloués pour la reconstruction de maisons très anciennes dans la vieille ville de Naplouse et Hébron, bombardées par l’aviation israélienne.
– Les projets d’animation sont nombreux.
- Au côté de ces résistants palestiniens, des israéliens pacifistes, anti-colonialistes, restent mobilisés contre le mur, le vol des terres et des sources d’eau, les démolitions des maisons, les assassinats ciblés, les emprisonnements non justifiés, les incursions de l’armée, les exactions commises par les soldats.
La société israélienne, dans sa majorité, s’est individualisée, a perdu le sens du sacrifice, devenant ainsi la meilleure alliée d’une minorité de son peuple qui conteste sa politique d’annexion et soutient de moins en moins l’armée -entretien avec M. Warschawski.
ET IL Y A SOUVENT DES REVERS DANS L’ HISTOIRE !!!!
COMBIEN FAUDRA –T-IL D’ANNEES , DE LUTTES ET DE SACRIFICES POUR
QUE CET IMMENSE ESPOIR
DE JUSTICE ET DE PAIX SOIT ENFIN ENTENDU,
RECONNU DANS LE MONDE DE L’HUMANITE , D’UNE HUMANITE A
CONSTRUIRE SUR LES BASES DU DROIT INTERNATIONAL ET DU RESPECT
DE TOUT HOMME.