Photo : Un garçon blessé de Masafer Yatta est placé sur un âne pour retourner dans son village après avoir été pris en charge par les services hospitaliers palestiniens - Crédit : The Palestine Chronicle (source : Twitter)
Issa Younis compte sur son véhicule pour se déplacer dans Janaba, son petit village bédouin situé dans la région de Masafer Yatta, au sud d’Hébron, en Cisjordanie occupée.
Pour les habitants, il est extrêmement important de posséder un véhicule à quatre roues motrices, en raison de l’absence de routes goudronnées. En effet, les autorités israéliennes ont interdit la construction de nouvelles voies de circulation.
Cependant, les conditions économiques difficiles font que tout le monde n’a pas les moyens financiers d’acheter des véhicules aussi chers.
Confiscation
Le 22 août, des militaires israéliens se sont rendus au domicile de M. Younis. Après avoir examiné sa carte d’identité et son permis de conduire, les soldats lui ont demandé de leur remettre les clés de sa voiture.
« Ils sont entrés dans ma maison et m’ont demandé les clés de la voiture », a déclaré Younis à The Palestine Chronicle.
« Je pensais qu’ils voulaient vérifier quelque chose à l’intérieur. Mais à ma grande surprise, les soldats ont démarré la voiture et l’ont emportée », a-t-il ajouté.
« Je leur ai crié dessus et j’ai essayé de me défendre. En vain. Ils n’ont cessé de répéter que le véhicule avait été confisqué », a expliqué M. Younis.
Le motif officiel invoqué par les autorités israéliennes est que M. Younis transportait des travailleurs qui n’ont pas de permis d’entrer en Israël pour y travailler.
La famille de M. Younis est composée de huit membres. Tous dépendent de ce véhicule. De plus, Issa a souvent aidé ses voisins en emmenant leurs enfants ou même en transportant le bétail sur les routes cahoteuses.
« Ils nous empêchent d’avoir une rue pavée. C’est un rêve pour nous. Nous n’avons que des chemins de terre accidentés », explique M. Younis.
« Ils prétendent que la construction de routes est contraire à la loi, mais nous savons tous que leur objectif caché est de nous forcer à partir ».
Au cours des dernières semaines, plusieurs véhicules de ce type ont été confisqués dans les communautés bédouines de la région de Masafer Yatta.
Les habitants ont donc été contraints de se tourner vers d’anciens moyens de transport. Un tracteur agricole est devenu le seul véhicule disponible dans le village. Les enfants étaient conduits à l’école sur une charrette tirée par le tracteur.
« Ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour nous expulser », a déclaré M. Younis.
« Les colons nous dominent. Ils essaient de nous déraciner de nos terres, mais cela nous est égal. Notre vie ici est toujours mieux que d’être sans patrie », a-t-il ajouté.
Notre plaie ouverte
Masafer Yatta abrite 12 villages palestiniens, soit une population totale d’environ 2 900 habitants.
En janvier dernier, les autorités israéliennes ont annoncé leur intention d’expulser par la force la plupart d’entre eux, soit environ 1 500 Palestiniens vivant dans huit de ces communautés.
La zone est menacée depuis que la Cour suprême israélienne a autorisé l’expulsion des résidents palestiniens en mai 2022, une décision condamnée par la communauté internationale, y compris par certains alliés d’Israël.
Les colons juifs illégaux sont la principale source de souffrance pour les Palestiniens qui vivent ici. Ils ont établi plusieurs avant-postes sur des terres palestiniennes volées et n’ont pas l’intention de s’arrêter.
Fouad Al-Amor, coordinateur du Comité populaire de Masafer Yatta, suit toutes les violations commises par les autorités israéliennes et les colons dans la région.
M. Al-Amor a déclaré à The Palestine Chronicle que la confiscation des véhicules n’est qu’un nouvel exemple de la gravité de la situation qu’Israël crée délibérément pour forcer les habitants à partir.
« Il y a quelques jours, une enfant a été piqué par un scorpion. Nous n’avons pas trouvé de véhicule pour l’emmener à l’hôpital », raconte Al-Amor
« Nous l’avons fait monter sur le dos d’un âne pour pouvoir atteindre une ambulance », a-t-il ajouté.
Les Israéliens affirment que les véhicules sont utilisés pour faire passer des travailleurs en Israël, mais M. al-Amour nous a dit que ce n’était qu’un prétexte, en fait, un mensonge pur et simple.
À Masafer Yatta, les Palestiniens ne sont pas autorisés à construire et n’ont accès ni à l’eau, ni à l’électricité, ni à des routes goudronnées.
Pas d’eau, pas d’école
« Ils nous privent d’eau, alors nous avons recours aux puits que nos ancêtres avaient creusés. Cependant, l’armée israélienne ferme les puits sous le prétexte classique de l’absence de permis », a ajouté M. Al-Amor.
« Nos enfants n’ont pas d’école digne de ce nom, car elles sont toutes menacées de démolition. Les élèves doivent emprunter des routes accidentées pour se rendre à pied à l’école voisine, menacés sans cesse d’être attaqués par les soldats et les colons israéliens. Même le bétail et les bergers ne sont pas épargnés par le harcèlement. »
Pour ne rien arranger, depuis 1999, Masafer Yatta a été déclarée zone militaire fermée. L’armée israélienne y mène régulièrement des exercices militaires, ce qui oblige les habitants palestiniens à quitter leur maison pendant plusieurs jours.
« La vie ici est difficile, mais nous tenons à rester. C’est notre terre et la terre de nos pères », a déclaré M. Al-Amour.
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À propos de l’auteure
Fayha’ Shalash est une journaliste palestinienne basée à Ramallah. Diplômée de l’université de Birzeit en 2008, elle travaille depuis comme reporter et diffuseur. Ses articles ont été publiés dans plusieurs publications en ligne. Elle a contribué à cet article pour The Palestine Chronicle.
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Traduit par : AFPS