[1] voir Gilles Paris, sur le blog du Monde "Guerre ou Paix"
La bombe des “Palestine papers”, acte 2 la fin du “droit au retour”
Après Jérusalem, Al-Jazira s’attaque à la question des réfugiés dans les négociations israélo-palestiniennes, et plus précisément sur les concessions palestiniennes. Cette question est en fait le secret le moins bien conservé des négociations de paix israélo-palestiniennes : le “droit au retour” que revendiquent les Palestiniens à propos des réfugiés de 1948 ne sera très probablement jamais appliqué dans le cas d’un éventuel (mais de moins en moins probable) accord de paix israélo-palestinien. Il est entendu par tous les observateurs que ce “droit” constitue une monnaie d’échange (le retour des 750 000 Palestiniens et leurs descendants, soit environ 5 millions de personnes, est impossible) contre d’autres dossiers, les frontières ou Jérusalem.
Ce “droit” n’est pas reconnu comme tel par les Israéliens, on s’en doute. Il est tiré par les Palestiniens de la résolution 194 :
Mais ce “droit” n’apparaît pas non plus dans les textes de référence de ce conflit, dont la “feuille de route” (2003). Il n’est question que de :
“an agreed, just, fair, and realistic solution to the refugee issue”
Lors du sommet de Camp David, en 2000, les discussions avaient grippé très vite sur la question de Jérusalem et la question des réfugiés n’avait manifestement été qu’esquissée. Quelques mois plus tard, à Taba, avant la chute du gouvernement israélien dirigé alors par Ehoud Barak, les discussions furent plus approfondies sans pour autant déboucher sur la moindre piste de compromis (lire le relevé dressé par l’émissaire européen Miguel Angel Moratinos au bas de cette note.)
Les lignes de fractures sont les suivantes : reconnaissance de la responsabilité d’Israël dans la question des réfugiés, autorisation par Israël que des réfugiés rentrent dans l’Etat constitué à partir de la Palestine mandataire, voire qu’ils reprennent possession de leurs biens. Indemnisation des réfugiés choisissant de ne pas rentrer dans l’ancienne Palestine mandataire. Reconnaissance de la question des expulsés juifs des pays arabes après la création d’Israël.
Le principe de la réinstallation sans limitation de nombre dans le futur Etat palestinien étant acquis (principalement en provenance du Liban, où ils sont le moins bien acceptés), les débats, depuis 2000, ont tourné sur le nombre symbolique de Palestiniens qu’Israël accepterait sur son territoire. A Taba, le chiffre de 40 000 aurait été évoqué. Dans les notes d’Al-Jazira, il est question de la part de Ehoud Olmert de 1000 par an sur une période de 10 ans, soit 10 000 au total, notamment pour des regroupements familiaux. S’agissant de l’indemnisation, et de la réinstallation, elle serait assurée principalement par des pays tiers.
Les révélations d’Al-Jazira, qui interviennent après les riches annexes publiées par le négociateur palestinien chargé du dossier Ziyad Clot dans son livre La Palestine n’aura pas lieu, embarrassent l’Autorité en présentant de manière crue le double langage sur ce sujet : revendication publique d’un “droit” (lire la note de l’équipe de négociateurs sur le sujet), négociation sur une toute autre base.
NOTE MORATINOS
3. Refugees
Non-papers were exchanged, which were regarded as a good basis for the talks. Both sides stated that the issue of the Palestinian refugees is central to the Israeli-Palestinian relations and that a comprehensive and just solution is essential to creating a lasting and morally scrupulous peace. Both sides agreed to adopt the principles and references with could facilitate the adoption of an agreement.Both sides suggested, as a basis, that the parties should agree that a just settlement of the refugee problem in accordance with the UN Security Council Resolution 242 must lead to the implementation of UN General Assembly Resolution 194.
3.1 Narrative
The Israeli side put forward a suggested joint narrative for the tragedy of the Palestinian refugees. The Palestinian side discussed the proposed narrative and there was much progress, although no agreement was reached in an attempt to develop and historical narrative in the general text.
3.2 Return, repatriation and relocation and rehabilitation
Both sides engaged in a discussion of the practicalities of resolving the refugee issue. The Palestinian side reiterated that the Palestinian refugees should have the right of return to their homes in accordance with the interpretation of UNGAR 194. The Israeli side expressed its understanding that the wish to return as per wording of UNGAR 194 shall be implemented within the framework of one of the following programs :
*
1. to Israel
2. to Israel swapped territory
3. to the Palestine state.
A. Return and repatriation
*
1. Rehabilitation in host country.
2. Relocation to third country.
B. Rehabilitation and relocation
Preference in all these programs shall be accorded to the Palestinian refugee population in Lebanon. The Palestinian side stressed that the above shall be subject to the individual free choice of the refugees, and shall not prejudice their right to their homes in accordance with its interpretation of UNGAR 194.The Israeli side, informally, suggested a three-track 15-year absorption program, which was discussed but not agreed upon. The first track referred to the absorption to Israel. No numbers were agreed upon, but with a non-paper referring to 25,000 in the first three years of this program (40,000 in the first five years of this program did not appear in the non-paper but was raised verbally). The second track referred to the absorption of Palestinian refugees into the Israeli territory, that shall be transferred to Palestinian sovereignty, and the third track referring to the absorption of refugees in the context of family reunification scheme.The Palestinian side did not present a number, but stated that the negotiations could not start without an Israeli opening position. It maintained that Israel’s acceptance of the return of refugees should not prejudice existing programs within Israel such as family reunification.
3.3 Compensation
Both sides agreed to the establishment of an International Commission and an International Fund as a mechanism for dealing with compensation in all its aspects. Both sides agreed that “small-sum” compensation shall be paid to the refugees in the “fast-track” procedure, claims of compensation for property losses below certain amount shall be subject to “fast-track” procedures.There was also progress on Israeli compensation for material losses, land and assets expropriated, including agreement on a payment from an Israeli lump sum or proper amount to be agreed upon that would feed into the International Fund. According to the Israeli side the calculation of this payment would be based on a macro-economic survey to evaluate the assets in order to reach a fair value. The Palestinian side, however, said that this sum would be calculated on the records of the UNCCP, the Custodian for Absentee Property and other relevant data with a multiplier to reach a fair value.
3.4 UNRWA
Both sides agreed that UNRWA should be phased out in accordance with an agreed timetable of five years, as a targeted period. The Palestinian side added a possible adjustment of that period to make sure that this will be subject to the implementation of the other aspects of the agreement dealing with refugees, and with termination of Palestinian refugee status in the various locations.
3.5 Former Jewish refugees
The Israeli side requested that the issue of compensation to former Jewish refugees from Arab countries be recognized, while accepting that it was not a Palestinian responsibility or a bilateral issue. The Palestinian side maintained that this is not a subject for a bilateral Palestinian-Israeli agreement.
3.6 Restitution
The Palestinian side raised the issue of restitution of refugee property. The Israeli side rejected this.
3.7 End of claims
The issue of the end of claims was discussed, and it was suggested that the implementation of the agreement shall constitute a complete and final implementation of UNGAR 194 and therefore ends all claims.
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[2] voir aussi Luis Lema et Serge Dumont dans le Soir, mardi 25 janvier 2011 :
« Du pain bénit pour le Hamas »
Al-Jazira déforme la réalité dans le but de nous nuire. » De conférences de presse en interventions radiotélévisées, le président Mahmoud Abbas et les responsables de l’Autorité palestinienne (AP) multiplient les attaques contre la chaîne satellitaire arabe, ainsi que contre le quotidien britannique The Guardian, qui ont entamé dimanche soir la publication de 1.687 documents confidentiels relatifs aux négociations de paix israélo-palestiniennes menées à partir de 2008.
A l’époque, Ehoud Olmert était Premier ministre de l’Etat hébreu et Tzipi Livni était sa ministre des Affaires étrangères. Tous deux prétendaient « vouloir faire des concessions douloureuses pour aboutir à la paix ». Mais ils accusaient aussi Abbas et son principal négociateur palestinien Ahmed Qoreï d’être « inflexibles ». A les entendre, Israël n’avait donc « pas de partenaire pour la paix ».
Abandon de souveraineté
Or, pour autant que leur véracité soit confirmée, les archives publiées depuis dimanche démontrent que ce n’est pas le cas. Et que l’AP a accepté de renoncer à ses revendications sur la plupart des quartiers arabes de Jérusalem-Est (la partie arabe de la ville sainte) où est censée s’installer la capitale du futur Etat palestinien indépendant.
Ces documents prouvent encore qu’Abbas – du moins, ses conseillers – a renoncé à la souveraineté palestinienne sur certains des quartiers de la vieille ville de Jérusalem où sont installés les lieux saints des trois religions monothéistes ainsi que sur des « nouveaux quartiers juifs » érigés dans les territoires occupés.
Enfin, l’AP a aussi abandonné le principe du droit au retour des réfugiés puisqu’elle se serait contentée de la réinstallation de cent mille ex-réfugiés dans l’Etat palestinien à naître et, de manière plus symbolique, de quelques milliers d’autres en Israël même.
« Tout cela est complètement faux », s’est exclamé Yasser Abed Rabo, l’un des principaux conseillers du président Abbas, qui dénonce un « complot » et promet l’organisation d’une enquête indépendante. Pourtant, Al-Jazira a diffusé le contenu d’une note relatant les échanges tenus le 15 janvier 2010, à Jéricho (Cisjordanie), entre Saeb Erekat et le diplomate américain David Hale. « Nous leur donnons la plus grande Jérusalem de l’histoire juive, un nombre symbolique de réfugiés bénéficiant du droit au retour et un Etat palestinien démilitarisé. Que veulent-ils de plus ? », lance le ministre palestinien en fustigeant l’« intransigeance » israélienne.
Les fuites d’Al-Jazira sont embarrassantes pour la présidence palestinienne et pour le Fatah, le parti au pouvoir à Ramallah, qui semblent avoir « trahi » les aspirations palestiniennes. Elles le sont d’autant plus que l’AP semble aussi avoir accepté l’idée d’un « transfert » d’Arabes israéliens vers le futur Etat palestinien, une idée défendue par l’extrême droite de l’Etat hébreu depuis la fin des années 70. « Cette affaire est en tout cas du pain bénit pour le Hamas qui a toujours accusé l’AP de “se coucher” devant Israël, estime le spécialiste Avi Issaharof. L’organisation islamiste est en perte de vitesse dans l’opinion et elle trouve là un bon moyen de redorer son blason. »
Dans les prochaines heures, d’autres documents devraient confirmer que les services de sécurité de l’AP ont collaboré avec ceux de l’Etat hébreu pour arrêter des militants islamistes. Dans ce cadre, Jérusalem a d’ailleurs prévenu Ramallah de la prochaine « liquidation » de certains d’entre eux.
L’embarras de Washington
L’Esplanade des mosquées, les colonies israéliennes, les réfugiés… Les documents dévoilés par Al-Jazira semblent démontrer que, sur ces questions, l’Autorité d’Abou Abbas s’est montrée prête à dépasser le consensus palestinien et à aller bien plus loin que ne le prétendaient Israéliens et Américains. A la même époque, la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice écartait avec condescendance les propositions palestiniennes. A propos de l’Esplanade : « Si vous continuez de tergiverser, les enfants de vos enfants mourront sans avoir trouvé un accord. » Puis, sur le sort des réfugiés palestiniens : « Les gens du monde entier ont partout des pépins, tout le temps. »
Faisant écho à l’idée répandue par les Israéliens selon laquelle les Palestiniens n’étaient pas sérieux à l’heure de négocier, ces prises de position de l’administration Bush occuperont les historiens. Mais c’est l’extension des colonies israéliennes qui risque d’embarrasser aujourd’hui Barack Obama et son équipe, eux qui ont placé cet élément au centre de leurs exigences vis-à-vis d’Israël, avant de faire machine arrière. Les documents dévoilés montrent que les responsables palestiniens sont prêts à accepter l’existence de la ceinture de colonies autour de Jérusalem. Ensuite et surtout, que les Israéliens ont tiré prétexte des « faits sur le terrain », chaque jour plus défavorables aux Palestiniens, pour accroître leurs exigences à mesure que grossissaient ces colonies.
Alors que les Palestiniens veulent porter cette question devant le Conseil de sécurité de l’ONU, les cartes sont sur la table : il sera impossible de demander davantage de « pragmatisme » à des Palestiniens qui ont déjà concédé à peu près tout. Le fait que les Américains laissent planer la menace d’un veto ne pourra avoir qu’une conséquence : rendre impossible tout accord.
http://www.lesoir.be/actualite/mond...