Il y a moins de deux semaines que la quatrième et dernière session des élections municipales palestiniennes a eu lieu dans les principales grands villes et les petites localités de Cisjordanie et de Gaza.
Les élections ont conduit à la victoire du mouvement de résistance islamique Hamas dans la plupart des grandes villes, ainsi que dans certaines petites.
Il n’y a aucun doute que ces élections se sont déroulées de manière honnête et précise. De nombreux observateurs locaux et internationaux s’accordent sur ce point.
Il y a 4 mois, la troisième session de ces élections a eu lieu dans certaines villes et villages des territoires palestiniens. Là aussi le Hamas a gagné des sièges.
Le résultat de ces élections soulève de nombreuses questions dans mon esprit, comme dans celui de beaucoup d’autres Palestiniens. La question la plus importante étant : qu’est qui explique le retrait du Fatah, bien qu’il soit un mouvement laïque qui comprend aussi beaucoup de pratiquants. Est-ce que c’est une évolution nouvelle de la société palestinienne vers un courant politique islamiste. Et pourquoi les partis de gauche perdent du terrain ?.
Sans y réfléchir beaucoup, il est clair que cela est partiellement lié aux changements qui ont eu lieu après les attaques du 11 septembre 2001, et les attaques qui ont suivi à l’encontre de l’Islam et des Musulmans, que ce soit en tant qu’individu ou en tant que membres de pays musulmans. De plus, l’invasion de l’Irak et le soutien continuel des USA à Israël contribuent à ce changement. Mais est-ce que c’est la seule raison pour expliquer ce qui se passe en Palestine ?.
Je suis allé à Ramallah le 20 décembre 2005. C’était le jour de la mise en service du nouveau check-point de Qalandya. Cette nouvelle structure est une humiliation sans nom. J’ai voyagé aux USA, en Europe, en Afrique et dans tout le Monde Arabe. J’ai essayé de me souvenir si j’avais déjà vu des choses comme ça, même dans des films documentaires sur les voyages et l’oppression, mais en vain. Seul le check-point de Erez pour entrer dans la Bande de Gaza lui ressemble en tant que symbole de l’oppression.
Même le point de passage du « Roi Hussein » sur le Jourdain, par lequel les Palestiniens peuvent voyager vers le Monde extérieur, ne constitue pas pas une humiliation semblable au check-point de Qalandya.
Mon propos ici n’est pas de décrire la souffrance des Palestiniens à tel ou tel check-point . Je n’ai pas non plus la prétention de décrire tous les barrages qui existent en terre palestinienne. Mon intention est plutôt de parler de la signification politique de ces barrières et check-points, et des effets qu’ils ont sur la vie sociale des Palestiniens.
Je souhaite également parler de la relation entre les citoyens des autres villes avec la ville de Ramallah en tant que centre de l’autorité. Je souhaite également décrire les relations entre les ONGs, les petites et les plus simples d’entre elles, ainsi que les relations entre elles et les grosses organisations à Ramallah, et comment cela affecte la situation politique actuelle.
Au cours d’une de mes rares visites à Ramallah, alors que je rentrais à Bethleem, il était environ 16h00 quand je suis arrivé au check-point appelé le « Container » à Wadi Nar. La file des voitures qui attendaient au check-point s’étendait environ sur environ 500 m. Un sentiment d’humiliation et de souffrance a commencé à m’oppresser, ainsi que les autres passagers du taxi collectif.
Un des passagers était d’un village près de Bethléem. Il s’était rendu à Ramallah tôt le matin, uniquement pour faire signer un de ses certificats par le Ministère de l’Enseignement Supérieur. Malheureusement il n’avait pas pu obtenir cette signature, alors il faudrait qu’il revienne le lendemain ou un autre jour pour la même raison.
La bureaucratie n’était pas la raison de cela, et ce n’est pas la question, la question est la douleur, la souffrance, les barrages, les barrières et les attentes interminables.
Cet homme était en colère, comme beaucoup d’autres dans le taxi Mercedes à 7 places dans lequel nous voyagions. Nous étions tous remplis de colère contre l’occupation, principale raison de notre tragédie. Mais nous nous sentions également trahi par l’Autorité Palestinienne. A quoi cela sert-il de créer des institutions centralisées dans un Etat qui n’est pas un Etat ?.
Qu’est ce que cela signifie pour un citoyen palestinien de Jénine si il doit se rendre à Ramallah si il est employé dans l’un des ministères. Il va devoir se trouver un logement à Ramallah afin d’éviter les 4 à 5 heures de voyage quotidien.
De tels exemples nourrissent et approfondissent la haine, et parfois la rancoeur, à l’encontre de Ramallah en tant que pseudo capitale de l’Autorité Palestinienne, mais pas à l’encontre de ses citoyens. Ramallah a toujours été, et est toujours un village qui absorbe des gens venus d’ailleurs, au moment où, nous avons besoin en Palestine de décentralisation. La décentralisation répondrait à la réalité palestinienne actuelle, qui a changé depuis la seconde Intifada.
Il est certain que toutes les capitales du Monde attirent des gens venant d’autres parties du pays, c’est une forme de migration interne. Cela arrive aussi dans les pays en cours de développement et les pays développés.
Mais ce qui peut fonctionner dans d’autres pays, n’est pas forcément approprié pour les Palestiniens, puisque nous sommes sous occupation au sens particulièrement grave du terme.
Ramallah n’est pas la capitale, et ce qui fonctionne pour un pays voisin comme la Jordanie, par exemple, ne fonctionne pas pour nous. Vous pouvez voyager de Amman à Irbid en une heure et demie sans faire face à des problèmes de check-points, de fouilles et de barrages inattendus.
Pourquoi pousse t-on tant de nos concitoyens à se rendre obligatoirement à Ramallah ?. Cela ne s’applique pas seulement aux citoyens de base, mais aussi aux leaders politiques palestiniens, comme les députés élus au Conseil Législatif Palestinien en 1996. Ils ont été obligés de siéger à Ramallah et n’ont pas pu garder le contact avec ceux qui les avaient élus dans leur circonscription.
Je ne vais pas continuer à raconter toutes ces histoires et à donner des exemples de ce que vivent les Palestiniens quotidiennement, parce que je crois, que personne n’a la volonté de le voir.
En raison des inconvénients liés à la centralisation de l’Autorité Palestinienne à Ramallah, il y a, dans le reste des districts palestiniens, un sentiment de revanche envers cette ville, et par dessus tout envers le Fatah qui est le parti au pouvoir.
Le conflit a commencé à se manifester par des tentatives d’agression d’importantes personnalités politiques. Il y a de nombreux exemples, dans diverses villes comme Naplouse, Tulkarem, Khan Younis. Récemment, les citoyens de Beit Hanoun ont bloqué les routes et ont empêché des ministres palestiniens et des officiels de haut rang de poursuivre leur chemin de Gaza à Ramallah. De tels actes peuvent être facilement interprétés comme des signes de protestations à l’encontre de Ramallah.
La situation actuelle a un impact politique, plus que jamais auparavant. Le succès remarquable du Hamas à Naplouse a quelque chose à faire avec le mécontentement vis à vis de la centralisation. Cela transparaît dans le sentiment des citoyens que les leaders politiques ne faisant pas partie de l’Autorité Palestinienne à Ramallah, sont plus en contact avec la rue et ont une meilleure connaissance des problèmes quotidiens rencontrés en dehors de Ramallah.
La centralisation des emplois à Ramallah ne s’applique pas seulement à l’Autorité Palestinienne dirigé par le Fatah, mais aussi aux autres partis de gauche. Le siège politique de ces partis et des ONG créées par leurs membres sont tous à Ramallah.
Si cela reste en l’état, et que le Fatah et les partis de gauche ne décentralisent pas la base de leur pouvoir, seuls les partis islamiques vont gagner. Les partis islamiques, tels que le Hamas, travaillent près des gens partout en Palestine. L’organisation de la résistance islamique a mis en place des clubs, des écoles et des services dans presque toutes les villes, localités et villages.
Les mouvements laïques et de gauche, ainsi que leurs donateurs européens préfèrent rester à Ramallah (ndlt : le terme anglais utilisé « to spoil themselves » peut se traduire par « s’abimer »). Pourquoi voyageraient-ils à Jénine, Hébron ou Khan Younis ?. Tant qu’ils restent à Ramallah, ils peuvent facilement atteindre toutes sortes de restaurants remplis de personnes parlant l’anglais couramment et d’officiels de l’Autorité Palestinienne.
Ce serait normal si nous avions notre propre Etat, mais l’occupation a transformé notre pays en cantons isolés. Il n’y a pas de route facile pour aller de Ramallah dans le reste du pays.
Ramallah, elle-même, est en train de se transformer en une sorte de petit état . Doit on se résoudre à la réalité et conserver les institutions gouvernementales à Ramallah ?. Ce ne fera qu’augmenter la tension et la séparation politique entre cette ville et le reste de la Palestine.
Ou bien devons-nous mettre en oeuvre un plan stratégique ?. Nous sommes capables de le faire sous occupation. Nous devons prendre une véritable position et être honnête face à la situation actuelle, spécialement en vue des prochaines élections législatives à la fin de janvier.