Difficile de savoir ce qui s’est réellement passé jeudi soir au poste frontière de Rafah, point de passage entre la bande de Gaza et l’Égypte. Après avoir été bloqué durant huit heures à ce point de passage, sur ordre du ministre israélien de la Défense, Amir Peretz, sous prétexte que le premier ministre palestinien, membre du Hamas, transportait sur lui une somme de 35 millions de dollars récoltée durant sa tournée en Iran et les pays du Golfe, Ismaïl Haniyeh a finalement été autorisé à regagner Gaza. Mais sans les 35 millions de dollars.
La décision israélienne intervenant dans un contexte de tensions interpalestiniennes a provoqué la colère des militants du Hamas, dont plus d’un millier ont envahi le poste frontière et l’ont saccagé. C’est au moment où le convoi du chef du gouvernement palestinien quittait le poste frontière que des tirs ont éclaté faisant un mort - un garde du corps de Haniyeh - et cinq blessés. « Nous connaissons la partie qui a ouvert le feu sur le convoi et nous saurons comment faire face (...) le gouvernement ne restera pas les bras croisés », a déclaré Ismaïl Haniyeh, après être arrivé sain et sauf à son domicile à Gaza. Côté israélien, on applaudit : « Dommage qu’on l’ait manqué », s’est félicité le vice-ministre de la Défense, Ephraïm Sneh. [1]
Hier, les accusations du Hamas se sont faites plus précises. Selon, son porte-parole, Ismaïl Redouane, « il s’agit d’une tentative d’assassinat exécutée par des traîtres emmenés par Mohammed Dahlane », député du Fatah et ancien chef des services de la Sécurité palestinienne. Menaçant que « ceux qui ont assassiné et blessé des gardes du premier ministre sont connus » et qu’« ils n’échapperont pas au châtiment ». Le Hamas a exigé du président Mahmoud Abbas de retirer la garde présidentielle en charge de la sécurité du poste frontière. Mohamed Dahlane, qui se trouvait au moment des faits à Ramallah, a rejeté les accusations du Hamas, rétorquant que « ces accusations visent à couvrir leurs échecs (ceux du Hamas) dans les domaines sécuritaire, politique et économique ». Hier, les groupes armés du Hamas se sont déployés en force à Gaza et le pire est à craindre.
La réouverture du poste de Gaza en novembre 2005 a fait l’objet d’un accord israélo-palestinien parrainé par Washington avec l’aval de l’Union européenne. Selon le nouvel accord, les Palestiniens contrôlent la frontière en liaison avec des observateurs européens, employant un système de vidéosurveillance accessible aussi à Israël. Les observateurs de l’U.E. envoient en temps réel par caméras vidéo les photos des prétendants à la sortie et Israël donne l’ordre de laisser sortir ou de refouler le candidat. Invoquant sa sécurité Israël a, à plusieurs reprises, sommé les observateurs de l’U.E. de quitter les lieux, interdisant ainsi tout passage à la frontière. Concernant le retour mouvementé du premier ministre palestinien, il semble curieux que l’Union européenne, partie prenante de cet accord, continue d’observer un silence prudent, pour ne pas dire complice au regard des multiples violations commises par Israël depuis son retrait de Gaza.