en même temps que cet évènement peut s’avérer lourd de conséquences sur le mouvement national palestinien lui-même.
Malgré de nombreuses déclarations, les réactions, la
faiblesse ou l’absence de réaction, de la part du mouvement de solidarité international, des organisations considérées proches de la Palestine (partis politiques, syndicats, diverses ONG) sont un révélateur assez impitoyable des conceptions qui traversent le mouvement de solidarité.
Nous reviendrons ultérieurement sur les causes de ces défaillances et traiterons ici seulement de la nature de « l’aide » européenne.
Réévaluer la nature de la politique européenne à l’égard de la Palestine et la redéfinir
- 1 Rappel des faits depuis les élections
Les Etats-Unis, Israël, l’Union Européenne ont mis en œuvre un blocus
de l’Autorité Palestinienne, avec l’objectif déclaré d’imposer un
changement à sa tête ou de la rendre conforme à l’ancien modèle tel
qu’il était géré par le Fatah.
Les moyens utilisés pour cet objectif doivent être considérés dans
leur globalité : le blocus économique et la pression militaire
directe revenant à Israël, le chantage par la suppression des aides
financières revenant aux Etats-Unis et à l’UE.
Le comportement des états arabes s’intègre dans la même entreprise de
subordination du mouvement national palestinien, avec les
particularités liées aux contractions internes que connaissent ces
régimes et qui ont été largement développées par ailleurs.
– a) Les conditions posées au Hamas
Selon Israël, l’Autorité palestinienne serait devenue une entité « terroriste » ne pouvant être différenciée de son électorat, ce qui justifie les punitions collectives et les meurtres en série. Rien de nouveau, Arafat lui même a été traité de terroriste etc.
Selon les Etats-Unis et l’UE, le Hamas doit s’aligner sur le Fatah sur le plan des positions politiques en :
- « reconnaissant l’état israélien,
- en renonçant à la violence
- et en reprenant à son compte les accords signés ».
– b) Ces conditions sont-elles recevables ?
Le point de vue israélien procède comme toujours du même discours propagandiste et manipulatoire, faisant passer la victime pour l’agresseur et puisant dans des ressources inépuisables de mauvaise foi pour essayer de travestir un projet colonialiste en invoquant la légitime défense. Rien de nouveau puisqu’ils sont les inventeurs du
concept de « guerre préventive ».
Ce qui est autrement significatif aujourd’hui, c’est la façon dont la propagande israélienne est adoptée sans réserve au niveau international.
Le point de vue américano-européen veut considérer le conflit israélo-palestinien d’un point de vue a-historique.
Les causes structurelles du conflit, à savoir l’occupation de la Palestine et le refus de reconnaître la légitimité des revendications nationales palestiniennes, sont simplement évacuées.
Cela signifie que le Droit qui devrait être le pivot des prises de positions, des exigences et des conditions posées est désormais totalement évacué des prises de
positions américano-européennes. Quand il est évoqué il est dénaturé
puisque amputé de l’indispensable respect réciproque qui lui donne
tout son sens. Rien de nouveau de la part des USA qui depuis l’arrivée de Bush au pouvoir pratiquent l’unilatéralisme.
Par contre au plan européen cela signifie que l’ « unilatéralisme » israélien initié par Sharon dans le retrait de Gaza et développé par Olmert dans la fixation des frontières d’Israël est accepté et ne soulève aucun problème.
– c) Quelle est la caractéristique des réponses du Hamas sur les 3 conditions qui lui sont posées ?
Elles s’appuient précisément sur le Droit et/ou sur la nécessaire réciprocité du respect du Droit par les deux parties. Cela concerne la reconnaissance de l’état d’Israël (qu’Israêl reconnaisse un état palestinien), le respect des accords d’Oslo (qu’israël commence par
les respecter, les concessions palestiniennes sans réciprocité ont conduit à la situation actuelle), le renoncement à la violence (c’est le droit fondamental de l’occupé de résister y compris par la force armée, qu’Israël s’engage aussi à renoncer à la violence(trève du Hamas depuis un an !).
Par ailleurs ce sont les résolutions des Nations Unies qui dictent
les revendications du Hamas concernant le droit au retour des réfugiés, l’évacuation des colonies etc.
Enfin, les conditions dans lesquelles le Hamas est parvenu au pouvoir sont inattaquables du point de vue du droit, et tenter de dénaturer le changement politique survenu en Palestine occupée revient à ne pas accepter le processus électoral qui s’est pourtant déroulé sous haute surveillance internationale.
Bref les argument avancés sont irrecevables du point de vue de la logique du Droit.
- 2 Les positions européenne et américaine sont-elles
fondamentalement nouvelles ?
L’Europe qui vient de couper son aide économique à l’Autorité Palestinienne assure qu’elle fera en sorte que la population continue d’en bénéficier. C’est donc que le Hamas ne semblait pas prêt à collaborer, comme l’a fait jusqu’à hier l’AP pour maintenir le statut quo.
Quel est donc le but de l’aide économique européenne ?
Le soutien financier à l’Autorité Palestinienne (AP) dans le cadre des accords d’Olso visait à plusieurs choses :
– entretenir la fiction d’une entité nationale palestinienne ayant l’apparence d’un Etat palestinien en gestation
– désengager les puissances occidentales des coûts liés à la gestion directe de l’occupation israélienne concernant les services de base auxquels la population vivant sous occupation a droit,
– tenter de faire jouer à l’AP le rôle de chien de garde en
exigeant le désarmement de la résistance et en fermant les yeux sur le tour autoritaire pris par l’AP dans la période des accords d’Oslo et sur la corruption endémique.
– C’est à dire libérer Israël des coûts et de la gestion liés à l’occupation des territoires palestiniens.
Sur ce dernier point, il faut noter que dans le cadre classique des entreprises coloniales, les puissances occupantes contribuaient au développement de certaines infrastructures ou contribuaient à la fourniture de certains services de base, bien que dans une
perspective « de retour sur investissement ». Ce « retour sur investissement » se faisait sur le dos des colonisés devenant fournisseurs de main-d’œuvre, ou consommateurs ou chair à canon.
Le cas de la colonisation israélienne va encore plus loin que ce modèle, puisque ce sont tous les pays dits « donateurs » qui financent de fait l’occupation en permettant à l’état sioniste d’investir sur le
long terme dans son projet de colonisation à outrance en installant dans les territoires palestiniens des populations exogènes.
De plus, les Palestiniens vivant sous occupation constituent un marché captif pour les entreprises israéliennes, lesquelles récupèrent ainsi à leur profit la majeure partie des financements internationaux.
Du point de vue palestinien, l’état de dépendance ainsi créé ne laisse guère de choix. En l’absence de solution alternative, l’aide internationale aide à survivre, même si elle est assortie de renoncements politiques de la part de l’AP et si sa destination finale alimente les profits des sociétés israéliennes.
Ce partage des rôles entre celui qui occupe (Israël) et ceux qui financent l’occupation (l’UE et les Etats-Unis) obéit très certainement au même objectif : garantir la « stabilité » de l’implantation d’une entité coloniale de type occidental au Proche-Orient et éviter à tout prix, dans le contexte d’aujourd’hui, que le
changement politique survenu à la tête de l’AP puisse accélérer des mutations politiques dans le monde arabe.
Ces intérêts communs entre Israël et l’Occident (et pour leurs
relais autocratiques dans le monde arabe) ne reposent pas que sur des
aspects symboliques, mais plutôt à une communauté d’intérêts
extrêmement précis dans le cadre du système de domination exercé au
niveau mondial.
L’état israélien est un grand pourvoyeur de technologies liées au
domaine militaire et à tous ses sous-domaines : systèmes et outils de
surveillance et de répression, outils d’intelligence artificielle
dans le cadre de la robotisation, domaine spatial, domaine nucléaire,
armes bactériologiques et de destruction massive...
La collaboration entre Israël et les puissances occidentales est structurelle ; par conséquent des notions comme le droit international ou simplement la morale n’ interviennent en rien dans les choix qui sont faits dans
l’UE ou à Washington.
- 3 Et la position française ?
La position française ne se démarque en rien des positions
européennes et procède des mêmes logiques.
Il ne sert à rien de vouloir « instruire » le gouvernement français de la réalité sur le
terrain en Palestine occupée, cette réalité ne pouvant pas être prise en compte dans ce qu’il reste de politique internationale autonome.
La « Politique arabe de la France » réduite au rappel de temps à autre d’un certain nombre de principes a pu donner le change un certain temps. Ici aussi c’est la « rupture ».
L’aide économique a été et demeure le vecteur déterminant du chantage
politique et le moyen par lequel les états exercent leurs dictats,
instrumentalisent la question palestinienne au gré de leurs stricts
intérêts.
Pire, l’aide économique est le paravent qui masque les objectifs réels :
– Elle est l’élément qui a contribué par la dépendance économique et
la corruption à l’abandon d’une politique de résistance au profit
d’une politique de négociations et de concessions sans principe.
– Elle est l’élément qui non seulement objectivement mais
subjectivement permet l’accomplissement « en douceur » de la politique de colonisation israélienne :
– C’est à dire qui régule les crises, qui lâche du lest quand c’est
nécessaire : Suspension des accords d’association, Condamnation du
Mur à la CIJ... qui punit et sanctionne quand l’opposition à Israël
serait trop forte : sanctions contre le Hamas. Qui à nouveau lâche du
lest : Chirac va recevoir Abou Mazen...etc.
En conclusion
La politique réelle de l’UE est d’accomplir les soins palliatifs de
l’ethnocide du peuple Palestinien, afin que son agonie soit la moins
bruyante possible.
Ce qui apparaît aujourd’hui comme une stratégie politique structurée
est l’aboutissement de décisions opportunistes successives.
Les
décisions actuelles contre le Hamas en font désormais une politique
délibérée et calculée.
Là est le changement.
C’est une attaque contre
l’esprit de résistance, contre toute tentative de modifier « le cours des choses », c’est à dire : le cours de la colonisation.
Dans l’évolution de la situation internationale autour de l’Iran, la
politique de résistance annoncée par le Hamas est un obstacle à
abattre par l’axe Washington-Tel l Aviv, rallié depuis par Bruxelles.