Pourquoi votre engagement contre cette guerre ?
Yeela Raanan. J’habite ici depuis des années. J’enseigne dans un collège près de Sderot. Nous avons reçu des roquettes Kassam ces dernières années, y compris pendant les cours. Tout le monde était terrifié, s’éloignait des fenêtres. Israël a choisi de faire une guerre pour faire cesser ces tirs de roquettes. Ça n’a pas de sens. À partir du moment où on rend malheureux ces gens qui vivent à côté de nous, qu’ils soient encore plus malheureux avec nos bombardements, ils résisteront davantage encore, continueront à lancer des roquettes. On n’arrêtera pas ces tirs en bombardant. La seule façon est de créer une existence meilleure pour ce peuple. À mes yeux cette guerre rendra la situation encore plus mauvaise. Il y a beaucoup d’autres options que cette guerre sanglante. Si l’on pense qu’il faut des négociations et qu’il faut qu’on vive côte à côte, alors cette guerre est un choix stupide. En disant ça, je ne soutiens pas le Hamas. Mais Israël ne doit pas répondre de la même façon. On est beaucoup plus puissant qu’eux. Ce n’est pas en détruisant leur avenir qu’on arrivera à quelque chose.
Comment expliquez-vous que les opposants à la guerre soient si minoritaires en Israël ?
Yeela Raanan. Choisir la guerre c’est la façon facile, émotionnellement, mentalement. C’est sans doute pour ça que la majorité des Israéliens soutiennent cette guerre. Souvent quand on commence des négociations il y a une élévation de la violence. Frapper c’est plus facile. Mais ce n’est pas une guerre que l’on peut gagner. La guerre ne permettra pas la paix. Or c’est de ça dont nous avons besoin. Ce n’est pas une armée contre une armée. Il n’y a pas d’espace entre les combattants et les civils. Si nous choisissons de faire la guerre, c’est que nous allons tuer des civils.
Que pensez-vous quand vous voyez les bombardements sur Gaza ?
Yeela Raanan. Mon fils est actuellement dans Gaza, comme soldat israélien. Je suis terrifiée. Quand j’entends les noms des soldats tués, je respire quand je n’entends pas celui de mon fils. Et immédiatement après je pense à ces femmes qui perdent leurs enfants. Et quand nous bombardons Gaza, je sais qu’il y a quelqu’un d’absolument terrifié ou en train de mourir. Que des mères ont perdu quelqu’un. Nous sommes des humains. Nous ressentons les mêmes choses. Quand nous bombardons Gaza, je sais que ces mères n’ont aucun endroit où mettre leurs enfants à l’abri. Nous, lorsque nous avons trop peur des roquettes, nous pouvons envoyer nos enfants à Jérusalem où ils seront en sécurité.