Le roi Abdallah II de Jordanie à Washington puis à Damas, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, en Egypte avant son départ pour les Etats-Unis, les présidents égyptien Hosni Moubarak et palestinien Mahmoud Abbass, eux aussi attendus à Washington prochainement, puis l’Américain, Barack Obama, au Caire ; les consultations diplomatiques s’intensifient depuis peu pour remettre sur les rails le processus de paix, en panne depuis des années.
Est-ce l’arrivée d’Obama à la Maison Blanche qui suscite cet intérêt soudain, d’autant plus que ce dernier avait promis d’en faire une priorité ? Est-ce aussi celle d’un gouvernement extrémiste en Israël, dont les positions font craindre un embrasement ? Ou encore cette nouvelle donne citée de plus en plus ça et là et nommée « la menace iranienne » ? Il s’agit en tout cas d’un enchevêtrement complexe qui révèle les difficultés sur le terrain.
On se trouve aujourd’hui face à un climat différent, voire nouveau dans la région avec, outre le blocage dans le processus de paix, des dissensions interpalestiniennes et un Iran de plus en plus montré du doigt pour ses visées de suprématie dans la région et son rôle auprès du Hamas et du Hezbollah, deux acteurs-clé dans la région, impossibles à ignorer bien que considérés par la communauté internationale comme des organisations terroristes. Deux acteurs dont le poids dans la région n’est pas négligeable et qu’on ne dissocie pas de Téhéran.
Pour les Israéliens et les Américains, l’Iran est en toile de fond de toute nouvelle initiative. Le processus de paix ne concerne plus uniquement les Palestiniens et les Arabes, d’un côté, et les Israéliens de l’autre. Et les Etats-Unis l’ont clairement affirmé. La « menace » iranienne doit inciter à rechercher la paix, dit-on à Washington. « Nous comprenons qu’Israël soit préoccupé par l’Iran en tant que menace existentielle. Nous sommes d’accord », a déclaré le général James Jones, conseiller à la sécurité nationale du président Barack Obama. « Mais en même temps, il y a beaucoup de choses que l’on peut faire pour réduire cette menace existentielle en s’efforçant de parvenir à une solution à deux Etats » avec les Palestiniens, a-t-il ajouté dimanche sur la chaîne ABC. Qualifiant ce sujet de « très stratégique » et « très important », ce dernier a ajouté que le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, pourrait entendre ce message de vive voix lors de sa prochaine visite à Washington à l’invitation de M. Obama.
Il semble donc que, côté américain, l’accentuation sera mise sur cette question pour tenter de convaincre le gouvernement israélien de droite de faire des « concessions », d’autant plus que Benyamin Netanyahu s’obstine toujours à refuser la création d’un Etat palestinien — Washington soutenant de son côté la solution des deux Etats —, insistant sur la nécessité de renforcer la Cisjordanie sur le front économique avant de s’engager dans des discussions sur un statut final.
Côté israélien, l’intérêt est tout autre et une seule priorité prévaut : contenir l’Iran. C’est là l’objectif numéro un du gouvernement israélien. Or, les Israéliens le savent, ils ne peuvent obtenir des mesures concrètes à cet effet sans contrepartie. Et, avec les pressions qui s’exercent sur Tel-Aviv concernant le processus de paix, l’option de choix selon la stratégie israélienne est donc de jouer la carte de l’Iran dans tout règlement au Proche-Orient. D’où aussi l’objectif affiché de la visite, lundi dernier, de Netanyahu à Charm Al-Cheikh, à savoir tenter de convaincre Le Caire de faire front contre l’Iran (voir article page 9).
« Une solution à 57 Etats »
Dans ce contexte de questions hautement délicates et enchevêtrées, les Etats-Unis prônent un plan de paix au Proche-Orient prévoyant « une solution à 57 Etats » par laquelle la totalité du monde arabe reconnaîtrait Israël. L’annonce a été faite par le roi Abdallah II dans le Times de lundi, à la suite de sa visite à Washington. Selon le quotidien britannique, ce plan a été mis au point avec Barack Obama lors de la visite du souverain hachémite à Washington en avril. Les détails seront sans doute mis au point lors de la série de rencontres diplomatiques ce mois-ci. « Ce dont nous parlons n’est pas des Israéliens et des Palestiniens assis à une table, mais des Israéliens assis avec les Palestiniens, des Israéliens assis avec les Syriens, des Israéliens assis avec les Libanais », a dit le souverain hachémite. Et d’ajouter : « L’avenir n’est pas le Jourdain ni le Golan ni le Sinaï, l’avenir est le Maroc sur l’Atlantique et l’Indonésie sur le Pacifique. C’est le prix », insinuant ainsi que tout règlement doit aujourd’hui inclure la totalité des pays musulmans, et non seulement ceux du Proche-Orient. Abdallah II a aussi souligné qu’il était crucial qu’un signal clair sorte des prochaines discussions, mettant en garde contre une détérioration de la situation faute d’accord.
Peut-on en conclure que le règlement de la question palestinienne ou du conflit au Proche-Orient entre désormais dans une nouvelle phase, incluant davantage de parties ? Pas si sûr. Les maîtres du jeu, à savoir Israël et les Etats-Unis, axent leur action à l’heure actuelle sur l’endiguement de l’Iran. Et les pays arabes, qui risquent d’entrer dans cette logique américano-israélienne, risquent d’en sortir sans obtenir les résultats escomptés en ce qui concerne le sort de la Palestine.