Al-ahram hebdo : A la veille des élections pour la direction de l’Unesco à laquelle vous êtes candidat, comment entendez-vous convaincre ceux qui hésitent encore à vous accorder leurs voix ?
Farouk Hosni : Je crois que mon passé parle pour moi. J’ai passé plus de deux décennies à la tête du ministère de la Culture. J’ai connu 4 premiers ministres et j’ai fait beaucoup de choses pour la culture en Egypte. Mais à mon sens, ma plus grande réalisation c’est la réconciliation que j’ai pu réaliser entre le pouvoir politique et les intellectuels à travers ma position en faveur des lumières. Cette position, je la considère comme la plus audacieuse jamais adoptée au niveau des officiels. J’ai œuvré pour que la scène culturelle assimile tous les symboles intellectuels, littéraires et artistiques. J’ai œuvré pendant toute ma vie dans le sens du rapprochement et de la coexistence entre les civilisations et les cultures.
— Vous brandissez le slogan de la réconciliation entre les civilisations. Ressentez-vous le sérieux du gouvernement égyptien dans le soutien de votre candidature à l’Unesco ?
— Je n’aurais jamais imaginé un tel soutien. Le travail important effectué par les Affaires étrangères dans ce sens est remarquable. A tel point qu’à l’Unesco, on m’envie pour l’effort gouvernemental considérable déployé en ma faveur. J’aimerais dans ce contexte mentionner les efforts déployés par le ministère de l’Enseignement supérieur et celui fourni par la déléguée égyptienne à l’Unesco, Chadya Qénawi. Sans compter bien entendu l’effort déployé par le président Moubarak avec son poids politique et ses relations au niveau international.
— Au cas où vous accéderiez au poste, comment œuvrerez-vous au rapprochement entre les cultures ? Considérez-vous ce rapprochement comme une mission incontournable pour réaliser la stabilité et la paix de par le monde ?
— La réconciliation c’est mon objectif, comme tout le monde le sait. J’appartiens à ce pays formidable qu’est l’Egypte et qui est un carrefour reliant l’Orient à l’Occident et le Sud au Nord. L’Egypte est un pays africain, asiatique et méditerranéen, outre le fait qu’il appartient à la civilisation islamique, il est le berceau des religions. Tous ces atouts sont ancrés dans mon conscient en tant qu’individu et en tant que patriote. Je suis la voie du président égyptien et celle de tout Egyptien. Je considère que la tolérance fait partie de la personnalité égyptienne, étant donné l’emplacement géographique de l’Egypte, son histoire et la rencontre sur son sol de différentes civilisations. Il est donc normal que ce message soit le mien et celui de mon pays, de ma région et du sud que je représente. Le rapprochement entre les civilisations est la base de ce message que je lance à partir d’un pays qui a toujours été et qui est toujours le berceau de toutes les cultures et les civilisations du monde.
— Certains minimisent la portée de vos propositions en faveur de l’Unesco. Quel est votre commentaire à ce propos ?
— L’accession d’un Egyptien à ce poste serait en elle même une réussite pour l’Egypte et montrerait sa capacité à attirer l’estime du monde. Le directeur de l’Unesco prend des décisions que lui suggère le conseil exécutif, qui lui se charge de tracer les grandes lignes qui doivent être exécutées par le directeur. Le plus important est de savoir comment on va aider les pays en développement. Si le travail est bien géré à l’Unesco ce sera un succès pour l’Egypte.
— L’écrivain libanais Jihad Al-Khazen a rédigé de nombreux articles pour soutenir votre candidature car vous êtes l’unique candidat arabe, alors que de nombreuses plumes égyptiennes, comme Alaa Al-Aswani, vous ont vivement critiqué. Comment expliquez-vous ceci ?
— Nous vivons dans un pays où il y a une liberté d’opinion et d’expression. Cependant, j’ai le soutien de la majorité. Celui qui veut m’attaquer avec sa plume est libre de le faire mais sans recourir au mensonge. J’ai été surpris par ce que Alaa Al-Aswani a écrit sur mon refus d’assister à la Foire de Toulouse à cause de la présence de l’écrivain Sonallah Ibrahim. Ceci n’a rien de vrai.
— Certains ont vivement critiqué les excuses que vous avez présentées au sujet des propos que vous aviez tenu au Parlement sur l’incinération de livres hébreux. Comment vous expliquez-vous ?
— Je me suis excusé pour un mot que j’ai prononcé au Parlement, lorsqu’on a dit qu’il y avait des livres hébreux portant atteinte à l’islam. Mes paroles ont été placées dans un autre contexte. Nous sommes tous des humains. Moi, personnellement, lorsque je commets une erreur, je n’ai pas honte de présenter des excuses. La culture occidentale respecte celui qui reconnaît ses erreurs. Lorsque nous disons la vérité, nous gagnons le respect des autres. Je le dis toujours, je ne cherche pas un poste, je suis heureux de ce que j’ai réalisé. Mon pays et le président Moubarak ont posé ma candidature. Je dois être à la hauteur de leurs attentes. Le poste de l’Unesco, pour moi, est une mission et non une ambition.
— Est-ce que la position d’Israël à votre égard a changé après l’intervention du président Moubarak auprès de Netanyahu ?
— Un changement est survenu au niveau officiel. Le premier ministre israélien a répondu à la demande et les ambassades ont arrêté leur attaque contre moi. Cependant, Israël ne m’a pas soutenu. Les attaques sont alors parties des organisations juives en Europe et aux Etats-Unis, au point que 43 articles ont été publiés contre moi en Allemagne en un seul jour. Il en est de même en France et dans d’autres pays.
— Allez-vous présenter votre démission du poste de ministre de la Culture si vous parvenez à la tête de l’Unesco ?
— Franchement oui, car j’aurai accompli mon devoir envers mon pays et envers le ministère pendant plus de 20 ans. Pendant ces années, je me suis engagé dans d’innombrables batailles culturelles, littéraires, politiques et même religieuses. Je suis même considéré comme le ministre le plus controversé. Je ne veux pas faire des conclusions hâtives. La décision que je reste ou non au ministère de la Culture appartient au président Moubarak.
— Pensez-vous que la récente visite d’Obama en Egypte a changé la position des Etats-Unis envers votre candidature à l’Unesco ?
— L’administration Bush travaillait contre moi. Par contre, Barack Obama a apporté une nouvelle pensée. Je pense que le discours que le président américain a prononcé au Caire s’applique parfaitement à mon cas. Je suis issu d’une région pleine de conflits. Je connais parfaitement la solution à ces conflits. De plus, je suis musulman et l’islam est banni. Nous devons corriger cette fausse image. Cependant, je ne suis pas optimiste en ce qui concerne la position américaine.
— A l’instar de l’Onu, l’Unesco est connu pour être un mécanisme lourd. Si vous parvenez à la tête de cette organisation, essaierez-vous de la développer pour naviguer de concert avec les évolutions de l’époque ?
— C’est exactement ce que j’entends par le mot « rythme » que je considère comme le détail le plus important du travail. Si l’on a une vision mais qu’on ne détient pas les outils de son exécution, elle demeurera une simple vision. L’artiste, en moi-même, ne peut supporter une vision incomplète. Je vois la peinture que je dessine avec tous ses détails dès le commencement. Il en est de même pour tous les travaux que j’entreprends. Je me suis promené dans Le Caire fatimide avant de commencer sa restauration. J’ai visité l’emplacement du Grand musée égyptien avant d’étudier ses limites. J’imagine l’œuvre complète avant son commencement. C’est ce que je porte en moi en allant à l’Unesco : un rythme rapide et complet. J’espère pouvoir l’appliquer si jamais je suis élu.
— Quelle est la première décision que vous prendrez si jamais vous êtes élu à la tête de l’Unesco ?
— L’Unesco possède de nombreuses expériences ainsi que des compétences rares. Elle n’a pas besoin de décisions hâtives. Elle a plutôt besoin d’un nouveau rythme de travail, comme je l’ai dit. C’est ce que j’entends proposer et discuter avec les conseils exécutifs, le secrétariat et les bureaux régionaux.
— Pensez-vous pouvoir gagner le poste de directeur général de l’Unesco ?
— Dans toute élection, il faut se montrer vigilant jusqu’à la fin. Je pense détenir jusqu’à présent le soutien de 32 pays parmi 58 pays, alors que 4 pays seulement s’opposent à ma candidature.