Photo : Manifestation de Palestinien.ne.s de l’intérieur à Tamra contre le crime organisé le 7 février 2021 - Crédit : Active Still Collective
Depuis le début du millénaire, environ 2 000 citoyens arabes ont été assassinés en Israël, la grande majorité d’entre eux par des gangs de crime organisé arabes palestiniens. Dans un pays qui n’est qu’un vaste appareil de sécurité et qui couvre une zone géographique relativement petite, nous assistons à un phénomène clairement désastreux : Un État doté des moyens de sécurité et de maintien de l’ordre les plus avancés est capable d’assurer la sécurité de ses citoyens juifs, qui représentent 80 % de sa population, mais, dans le même temps, il n’y a pas de sécurité pour ses résidents arabes, qui ne constituent que 20 % de la population.
Depuis des années, l’ensemble des dirigeants de la société palestinienne en Israël se bat pour que l’État remplisse son rôle le plus élémentaire et le plus fondamental, à savoir assurer la sécurité de tous les citoyens et lutter contre le fléau croissant de la criminalité organisée. La société arabe palestinienne a utilisé tous les outils juridiques à sa disposition pour sensibiliser la population à la criminalité qui sévit en son sein et pour demander son éradication. Nous avons bloqué des routes, organisé des rassemblements de protestation et des grèves, manifesté dans tout le pays, soulevé la question dans les médias, et nos membres de la Knesset ont à plusieurs reprises soulevé la question au sein du plénum et de ses commissions. Des dizaines de réunions ont été organisées avec les hauts responsables de la police.
Non seulement tout cela n’a pas conduit à l’éradication de la criminalité, mais le pouvoir des gangs du crime organisé dans la société arabe ne cesse de croître.
Tout d’abord, nous avons dû réfuter les arguments racistes et désobligeants selon lesquels la culture arabe serait à blâmer et la population arabe ne coopérerait pas avec la police - des arguments destinés à excuser l’incompétence de la police. Aujourd’hui, nous assistons à un échange délirant d’accusations entre le Shin Bet et la police pour savoir qui est responsable de la situation désolante à laquelle nous sommes parvenus, dans laquelle des gangs criminels s’emparent de chaque partie de la société arabe et la détruisent. Dans le même temps, nous n’avons pas entendu parler de hauts responsables du Shin Bet ou de la police démis de leurs fonctions en raison des résultats désastreux auxquels ils nous ont conduits, grâce à leurs politiques racistes et à la discrimination entre le sang juif et le sang arabe.
Le manque de volonté de la police, des forces de sécurité et des gouvernements successifs d’éradiquer la criminalité dans la société arabe palestinienne en Israël ne nous laisse pas d’autre choix que d’adopter d’autres outils dans notre lutte. Nous devons organiser la désobéissance pour sauver nos vies et notre avenir, ainsi que celui de nos enfants. Ce soulèvement civil comprendra des actions publiques non violentes visant à modifier la politique de la police et du gouvernement en matière de lutte contre le crime organisé dans la société arabe.
Cela paraît sans doute absurde à la majorité juive d’Israël, qui n’a pas à faire face à de tels défis. Mais en 2023, dans l’État juif et « démocratique », la majorité palestinienne, qui a été privée d’un grand nombre de ses droits et fait l’objet de discriminations dans tous les domaines de la vie, doit se battre pour son droit fondamental, un droit qui est au-dessus de toutes les lois - le droit à la vie.
Nous devons recourir à la désobéissance civile pour lutter pour un droit aussi fondamental à cause du racisme qui existe dans la police, les forces de sécurité et l’échelon politique de l’État juif. Si la vie des citoyens arabes avait la même valeur aux yeux de la police et des décideurs que la vie des citoyens juifs, nous n’aurions pas atteint la situation désastreuse dans laquelle se trouve la société arabe depuis quelques années. Par conséquent, une partie de la lutte pour le droit de vivre en sécurité passe par la lutte contre le racisme qui entache les institutions de l’État juif.
Le moment est venu pour nous de passer à la vitesse supérieure et de préparer la société arabe à une désobéissance civile prolongée. Ce sera une lutte difficile, mais elle marquera le début d’un nouveau chapitre dans les relations entre la minorité palestinienne et l’État d’Israël.
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À propos de l’auteur
Sami Abou Shehadeh est président du parti Balad et anciennement député du parti à la Knesset.
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Traduit par : AFPS