« Jamais sans doute depuis la Nakba (la catastrophe) de 1948, nous n’avions été dans une situation aussi désastreuse. Au moment où les Israéliens fêtent les 60 ans de leur Etat, l’espoir de voir un jour naître le nôtre s’est évanoui. Le processus de paix d’Oslo est mort, la « feuille de route » est caduque, il est clair que la réunion d’Annapolis n’a servi à rien.
Les Israéliens continuent à développer les colonies en Cisjordanie, ils refusent de réduire le nombre de barrages et de checkpoints (plus de 550) et ils poursuivent la construction du mur : on ne peut pas nous dire plus clairement que nous n’avons plus rien à attendre des négociations. Le pire, c’est que, face à cela, nous sommes divisés et que le peuple n’a plus confiance dans ses dirigeants. »
Après avoir été pendant quatre ans ministre dans les gouvernements successifs de l’Autorité palestinienne, Ghassan Khatib a retrouvé ses travaux universitaires à Birzeit et l’animation du Jerusalem Media and Communication Center (JMCC), un centre d’études politiques réputé pour ses sondages de l’opinion palestinienne.
La dernière enquête, réalisée au début avril, confirme ses propos. La proportion de Palestiniens qui soutiennent les négociations est tombée, depuis novembre dernier, de 67,9% à 61,2%, alors que 49,5% approuvent les « opérations militaires » contre 43,1% en septembre.
La cote du président de l’Autorité, Mahmoud Abbas, a chuté de 18,3% à 11,7% en cinq mois ; celle du Fatah de 40% à 32,5%, celle du Hamas de 19,7% à 17,8%.
« Le dernier voyage du président aux Etats-Unis a été un désastre, confie l’un de ses proches. Une fois de plus, il (M. Abbas) a constaté que Bush ne ferait pas un geste pour amener Israël à des concessions. Il est rentré désespéré. Son mandat s’achève l’an prochain, mais je ne serais pas surpris qu’il n’aille pas jusqu’au bout. »
« Je voudrais que mes compatriotes comprennent que le temps de la lutte armée est définitivement révolu. Ouvrons les yeux : qu’avons-nous obtenu par les armes ? Rien. Pire : la multiplication des attentats suicides au cours des dernières années nous a aliéné l’opinion internationale dont nous avons un besoin impératif », constate Nafez Assaily, assis dans son petit bureau de Hébron sous les portraits de ses deux modèles, Gandhi et Martin Luther King. Depuis des années, l’animateur de la Bibliothèque roulante pour la Paix et la Non-Violence distribue des livres aux Palestiniens qui s’impatientent aux checkpoints de l’armée israélienne.
Deux fois par mois, le jeudi, il s’adresse aux clients du Café de l’Aube, un vieux rendez-vous de joueurs de cartes de la vieille ville de Hébron, face aux barbelés des colonies israéliennes, pour les convaincre que le temps des armes est révolu. « Il n’y a que deux choses que nous n’avons pas essayées, ici : la non-violence et un Etat binational où coexisteraient Israéliens et Palestiniens. »