Plus de 1300 civils ont été tués et plus de 5000 blessés ; 40 à 50% d’entre eux étaient des enfants, des femmes et des personnes âgées, des centaines d’entre eux conserveront des handicaps définitifs. Plus de 2400 1 maisons ont été totalement détruites. Des milliers d’autres ont été gravement endommagées. Il faut encore ajouter 583 biens civils et d’infrastructure complètement détruits
Ces chiffres et la nature des cibles suffisent à montrer le mépris total d’Israël pour la vie des civils, en violation flagrante du principe de distinction tel qu’il est défini par le droit humanitaire international. L’article 48 du protocole N°1 des Conventions de Genève stipule que : “ Afin de garantir le respect et la protection de la population civile et des biens civils, les parties en conflit feront toujours une distinction entre la population civile et les combattants, et aussi entre les biens civils et les objectifs militaires, et qu’en conséquence ils conduiront leurs opérations seulement contre des objectifs militaires”. En outre, l’article 50 (1-3) du protocole stipule que : “1… en cas de doute sur le fait qu’une personne soit un civil, cette personne doit être considérée comme un civil, 3. La présence au sein de la population civile d’individus qui ne correspondent pas à la définition de civils ne lui enlève pas sa caractéristique de population civile.
Dans le même contexte, l’article 52 (3) qui traite de la protection des biens civils stipule que : “En cas de doute sur le fait qu’un bien destiné normalement à des fins civiles, comme un lieu de culte, une maison ou un autre lieu d’habitation ou une école, est utilisé effectivement pour contribuer à des activités militaires, on présumera qu’il n’est pas utilisé à de telles fins…” !
La liste des objectifs civils pris pour cibles au cours des attaques israéliennes a concerné des municipalités, des ministères, l’immeuble du conseil législatif, des universités, des écoles, des hôpitaux, des ambulances et des éléments d’infrastructure tels que des installations électriques, des conduites d’eau et des réseaux de communication. Des écoles et des entrepôts de l’UNWRA (contenant des fournitures médicales et des produits alimentaires) n’ont pas davantage été épargnés. L’article 56 de la Convention de La Haye de 1907 stipule que “les propriétés de municipalités, celles d’institutions dédiées à des activités religieuses, de bienfaisance et d’éducation, aux arts et aux sciences, même lorsqu’il s’agit de propriétés d’Etat, seront considérées comme des propriétés privées. Toute saisie, tout dommage ou toute destruction intentionnels concernant ce genre d’institutions, monuments historiques, œuvre d’art et équipements scientifiques sont interdits et devront faire l’objet de poursuites judiciaires.”
Le mépris par Israël des vies civiles se combine avec la nature des armes utilisées par les forces israéliennes d’occupation (F.I.O.) au cours de leurs attaques sur Gaza. L’utilisation à grande échelle d’artillerie lourde, de chars d’assaut et d’avions de combat F16, sans parler de l’utilisation de munitions au phosphore blanc contre des zones habitées de la Bande de Gaza, l’une des régions du globe où la densité de population est la plus forte, témoigne simplement d’un projet conçu pour tuer le maximum de gens et opérer le maximum de destructions possible.
On ne peut éviter ces questions : “Pourquoi toute cette sauvagerie contre une population civile et des biens civils ? Tout ceci est-il réellement en rapport avec le Hamas et le lancement de roquettes ?”
C’est vrai que le lancement de roquettes contre des populations civiles israéliennes et des objectifs civils israéliens par le Hamas et d’autres organisations de résistance palestiniennes constituent une violation du droit humanitaire international. Mais, ici encore, la réponse israélienne constitue une violation d’un autre principe fondamental du droit humanitaire international, le principe de proportionnalité. Il n’y a aucun rapport entre le “niveau d’effets” des roquettes du Hamas et le “niveau d’effets” de la réponse des F I.O , et leur recours à tout l’arsenal mentionné ci-dessus, qui a causé des destructions dévastatrices.
Cette disproportion ne peut s’expliquer que dans le cadre d’un effort ininterrompu d’Israël pour briser la volonté de résistance à l’occupation des Palestiniens, et forcer le peuple palestinien à se soumettre au diktat israélien et au grand projet israélien pour les territoires palestiniens occupés. Ce grand projet vise à créer un fait accompli : un nouveau régime d’Apartheid qui est beaucoup plus sophistiqué que le régime d’Apartheid qui a été aboli en Afrique du Sud. Le nouveau régime d’Apartheid a été établi en fragmentant la Cisjordanie occupée (y compris Jérusalem Est) et la Bande de Gaza en Bantoustans séparés et fermés par des murs, des colonies et des centaines de points de contrôle militaires. Jusque là, Israël a eu pour objectif de supprimer toute possibilité palestinienne d’exercer un droit d’autodétermination et de créer un Etat libre et souverain, dans le cadre d’une solution à deux États. Pour se rendre compte que l’objectif réel d’Israël est de briser la volonté palestinienne, il suffit de se rappeler les mots prononcés en 2002 par le général Moshé Yaalon, alors chef d’Etat-Major de l’armée israélienne : “Il faut faire comprendre aux Palestiniens, au plus profond de leur conscience, qu’ils sont un peuple vaincu.” Cette déclaration est à rapprocher de ce que le Professeur Sarah Roy (la fille d’un survivant de l’Holocauste) décrivait comme un processus de “dé-développement”dans son explication de l’objectif permanent de la politique israélienne qui conduit à contrecarrer les efforts palestiniens en vue d’un développement, de la mise en place d’institutions, et de la constitution d’un État.
Jusqu’à présent, la guerre israélienne à Gaza n’a pas réussi à infliger une défaite au peuple palestinien, pas plus qu’elle n’a assuré une victoire à Israël. Ironiquement, elle pourrait avoir fourni aux Palestiniens, au milieu des destructions, des cendres et des souffrances, une occasion de défier Israël sur un autre front au plan mondial, à savoir l’arène internationale des Droits de l’Homme.
Les dirigeants politiques et militaires israéliens doivent être tenus responsables et traduits en justice pour tous les crimes de guerre et tous les crimes contre l’humanité qu’ils ont commis. La route jusqu’à la Cour Internationale de justice pourrait se révéler longue et fastidieuse, mais il faut s’y engager. Dans le même temps, il faut rechercher d’autres voies. Ces autres voies comprennent non seulement les principaux pays signataires des Conventions de Genève, mais aussi, de façon générale, les ONG engagées pour les Droits Humains, ainsi que des personnalités dans le monde entier pour mettre en œuvre cette juridiction criminelle universelle.
L’article 1, commun aux quatre Conventions de Genève, fait obligation aux Hautes Parties Contractantes de s’engager à respecter et de garantir le respect des dispositions des Conventions. L’article 146 de la 4ème Convention de Genève de 1949 (relative à la protection des civils en temps de guerre et dans les territoires occupés) stipule que “Les Hautes Parties Contractantes s’engagent à promulguer toutes les lois nécessaires pour définir des sanctions pénales efficaces à l’encontre des personnes commettant ou ordonnant de commettre des infractions graves à la Convention…” L’article stipule de plus que “Chaque Haute Partie Contractante sera dans l’obligation de rechercher les personnes présumées avoir commis ou avoir ordonné de commettre de telles infractions graves et de les traduire devant ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité. Elle peut aussi, si elle le préfère, et conformément aux dispositions de sa propre législation, transférer ces personnes auprès d’une autre Haute Partie Contractante concernée pour être jugées…”
Avec une telle juridiction criminelle universelle, l’humanité a créé un outil efficace pour non seulement traduire en justice les personnes qui commettent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité mais aussi pour en dissuader d’autres de commettre de tels crimes.
Ce devrait être aussi simple que ceci : pas d’impunité pour de telles personnes.