Les statistiques rassemblées par Dirasat, une organisation basée à Nazareth et qui surveille les problèmes d’éducation, montre que 5 400 étudiants arabes d’Israël étudient dans des universités jordaniennes - la moitié du nombre de ceux étudiant en Israël.
Malgré le fait que la plupart des étudiants arabes israéliens qui poursuivent leurs études en Jordanie ont exprimé aux chercheurs qui les ont interviewés leur préférence pour un cursus universitaire en Israël, les chiffres de ceux qui vont en Jordanie ont été multipliés par 4 depuis 2004.
Les lycéens arabes qui représentent prés d’un quart (25%) de leur groupe d’âge en Israël, sont largement sous représentés dans le système éducatif supérieur israélien, environ 8% des étudiants inscrits selon les statistiques officielles. Parmi ces Israéliens qui passent leurs examens de fin d’études secondaires, il y a 3 fois plus de juifs que d’ Arabes qui sont acceptés dans les universités israéliennes.
"Nos conclusions devraient soulever des questions sérieuses sur les obstacles placés sur le parcours scolaire des étudiants arabes, ce qui leur fait ressentir qu’ils n’ont pas d’autre choix que d’étudier à l’étranger" a dit Yousef Jabareen, un professeur de droit à l’université de Haifa, et le dirigeant de Dirasat.
Typique de ce nouvel exode, Haneen Bader, 23 ans, du village de Turan en Basse Galilée, qui est en troisième année d’étude de droit islamique à l’université de Jordanie dans la capitale Amman.
Les chercheurs de Dirasat ont été surpris de découvrir que près 1/3 de tous les étudiants arabes israéliens en Jordanie étaient des femmes. " Nous vivons dans une société patriarcale et on attend souvent des femmes qu’elles restent prés de la famille jusqu’à ce qu’elles se marient" a dit le Dc Jabareen.
Mais, a-t-il ajouté, les bons moyens de transport entre Amman et la Galilée - et une langue et culture partagées - font que les visites régulières en Jordanie sont une option pratique peu chère pour les 1.2 millions de citoyens arabes israéliens.
Ms Bader a dit qu’elle était le premier membre de sa famille à étudier en dehors d’Israël mais qu’après d’initiales hésitations, ses parents ont été conquis quand il sont vu le campus. " Maintenant ils approuvent tout à fait ma décision".
" Je préfère étudier en Jordanie car c’est là où je peux me sentir libre de parler et de lire l’arabe, et où mes traditions et ma religion sont respectées".
Ms Bader a dit qu’étudier en Jordanie a aussi été positif pour son estime personnelle. " En Israël, on pousse les Arabes à se considérer comme ayant une intelligence inférieure, comme étant stupides."
"Mais en Jordanie, je vois qu’il y a des professeurs arabes doté d’une intelligence brillante. Les Arabes en dehors d’Israël sont avantagés - et cela me rappelle que le problème n’est pas lié à notre intelligence mais à notre situation".
Khaled Arar, un professeur du lycée Beit Berl, près de Kfar Sava, co- auteur du rapport de Dirasat, a dit que la tendance des Arabes israéliens à aller étudier dans les universités jordaniennes avait commencé sur une petite échelle en 1998, suite à l’accord de paix entre Israël et la Jordanie.
Dirasat estime que pour la seule année dernière les étudiants arabes israéliens ont dépensé plus de 80 millions de $ pour leur éducation en Jordanie.
Le Dr Arar a fait la liste de plusieurs facteurs responsables de cette augmentation récente de la popularité des universités jordaniennes.
Le plus significatif c’est que les universités israéliennes s’appuient de plus en plus sur des examens psychométriques culturellement injustes. Prés de 50% des étudiants arabes qui obtiennent leurs diplômes de fin d’études secondaires ratent leur entrée à l’université à cause de ces tests psychométriques, comparé à seulement 20% des postulants juifs.
"L’écart dans les résultats psychométriques entre les étudiants juifs et arabes restent constants - à plus de 100 points sur un total de 800 - depuis 1982. Cela seul aurait du soulever des doutes".
Il a noté que la décision des universités israéliennes en 2003 d’abandonner le test psychométrique pour aider les "groupes plus faibles" a été inversée quand les admissions des étudiants arabes ont grimpé en flèche. Dans une déclaration, les universités ont justifié leur revirement disant que cela concernait les groupes plus faibles de la population juive.
Le Dr Arar a dit qu’Israël a aussi relevé l’âge minimum requis pour étudier de nombreuses matières, souvent à 20 ou 21 ans, spécialement dans des domaines prisés par les étudiants arabes tels que : médecine, pharmacie, travail social, physiothérapie et thérapie du langage.
Les autorités universitaires ont justifié ce délai, a-t-il dit, du fait que la plupart des juifs font trois années de service militaire dans l’armée après avoir terminé leurs études secondaires.
Les jeunes Arabes peuvent rarement se permettre d’attendre 3 ou 4 ans pour commencer leurs études : la plupart sont confrontés à des problèmes pour trouver un emploi, et ne peuvent souvent pas bénéficier d’aides sociales. Parmi les femmes, il y a aussi une forte pression familiale pour qu’elles se marient tôt.
Finalement, l’utilisation de l’hébreu, à la fois lors de l’entretien d’admission et comme langue utilisée pour les cours universitaires, cela veut dire que les jeunes Arabes qui quittent l’école où l’ arabe était la première langue utilisée, craignent d’être fortement désavantagés par rapport à leurs homologues juifs.
Areej Dirini, une femme divorcée de 38 ans, emmène ses trois enfants avec elle, partageant son temps entre la maison de ses parents et ses études à Amman.
Etudiante adulte complétant un Master en design graphique à l’université d’al Zeitoun, Ms Dirini a dit qu’elle avait passé de nombreuses années à vivre avec son ex- époux dans le Golfe et manquait d’assurance pour étudier en hébreu.
"Je projette ensuite de passer un doctorat mais je crains d’étudier en Israël après avoir été en dehors du pays depuis si longtemps" a-t-elle dit.
Cela fait des années que la création d’une université enseignant en langue arabe dans la plus grande ville arabe d’Israël, Nazareth, est bloquée par les gouvernements successifs, a dit le Dc Jabareen.
Le Dr Arar a noté que le phénomène des citoyens arabes obligés d’étudier à l’étranger à cause de problèmes d’accès à l’enseignement supérieur, n’était pas nouveau.
"Pendant les années 60 et au delà, le parti communiste israélien a offert des bourses dans des universités de l’Union Soviétique parce qu’on refusait des places en Israël à une grande partie des étudiants arabes les plus brillants. Ce qui a fait que beaucoup de nos dirigeants actuels ont été éduqués en Europe de l’Est."