Comment en est-on arrivé là ?
Pendant longtemps, les Palestiniens ont eu recours à la résistance armée pour s’opposer à l’occupation militaire de leur territoire. Avec la dernière Intifada, le résultat fut catastrophique. La société israélienne s’est radicalisée vers la droite et l’extrême droite tandis que la société palestinienne a été soumise à la répression la plus dure qu’elle n’ait jamais connue. Pendant des années, ils ont aussi tenté la voie des négociations directes avec Israël, sous l’exclusive tutelle des États-Unis. Il n’en est rien sorti de significatif. Ouvertes avec les travaillistes en 1993, elles ont toujours été refermées quand le Likoud est revenu au pouvoir avec Ariel Sharon d’abord, puis avec Benjamin Netanyahu qui ne cesse d’affirmer sa disponibilité pour négocier tout en excluant par avance tout compromis sur Jérusalem-Est, les grands blocs de colonies et la question des réfugiés.... Bref, il veut négocier pour négocier, gérer le conflit et gagner du temps avec la ferme intention de ne rien lâcher. Absolument rien.
Il n’envisage un Etat palestinien que sous la forme de fragments de territoires séparés et contrôlés par l’armée israélienne sur la base d’un plan de cantonisation formée de quatre entités : Gaza, Hebron, Naplouse et Ramallah. Ce qui ne serait rien d’autre que la pérennisation de la situation actuelle. Et, bien entendu, rien ne presse : Avigdor Libermann, ministre israélien des Affaires étrangères, envisage la mise en œuvre de cette formule dans 25 ans....
Si ni la force, ni la négociation directe n’ont donné de résultats tangibles, que restait-t-il aux Palestiniens ? Tout simplement le droit international. C’est à dire les normes produites et acceptées par l’ensemble des États du monde. En quelque sorte le bien commun d’une humanité qui grâce à cette construction normative est sortie de l’état de barbarie pour accéder à une société internationale. Ces règles sont claires. L’ONU a depuis longtemps reconnu le principe d’un État palestinien sur les frontières d’avant 1967 avec Jérusalem Est comme capitale et le droit à l’autodétermination du peuple palestinien.
Dans cette perspective, changer de méthode devenait un impératif. Plutôt que de s’épuiser dans d’interminables négociations déséquilibrées et sans issue, il fallait donc d’abord chercher à s’affirmer dans le champ du droit international. Ce qui implique une stratégie en trois volets : recherche de reconnaissances d’Etat sur le plan bilatéral, candidature aux différentes institutions internationales et démarche pour devenir membre à part entière de l’ONU. C’est cette dernière qui a été la plus médiatisée. Pour y parvenir, il faut passer par le Conseil de sécurité, seule instance habilitée à recommander, par un vote d’au moins 9 voix sur 15 sans veto, l’admission d’un nouvel Etat à l’ONU. C’est tout sauf une démarche unilatérale puisqu’il s’agit de solliciter une décision d’une organisation multilatérale pour mettre fin à une occupation militaire qui dure depuis 1967 et s’accompagne d’une colonisation, forme perverse de dépossession territoriale de l’Autre.
Le monde entier est conscient de cette injustice et l’immense majorité des États membres de l’ONU soutient donc la demande palestinienne. Le monde entier sauf l’Occident et quelques autres États qui lui sont liés. Les États-Unis ont tout fait pour bloquer cette initiative alors même que le président Obama appelait de ses vœux l’arrivée d’un État de Palestine à l’ONU pour 2011 dans son discours devant la dernière Assemblée générale en septembre 2010 ! Les États européens membres du Conseil sont à peu près sur cette même ligne négative avec des nuances qui les amènent vers l’abstention ou le vote contre.
Alors qu’avec l’irrésistible montée en puissance des pays émergents, on assiste à une métamorphose du monde, l’Occident campe encore sur des positions d’un autre temps. Au nom de quoi en effet continuer de refuser aux Palestiniens la reconnaissance de leur État par les Nations unies ? Celle-ci constituerait pourtant l’indispensable préalable à l’ouverture de nouvelles négociations fondées sur le droit international et non plus surdéterminées par la redoutable asymétrie du rapport de forces dans la région. A l’heure des révoltes arabes, cette initiative revêt encore davantage de sens. A travers la reconnaissance de leur État, les Palestiniens, comme les autres peuples, ne veulent rien d’autre que la liberté et la dignité. Israël aurait tout à y gagner, à commencer par son intégration à la région, meilleure garantie de sa sécurité sur le long terme.
Alors qu’avec l’irrésistible montée en puissance des pays émergents, on assiste à une métamorphose du monde, l’Occident campe encore sur des positions d’un autre temps. Au nom de quoi en effet continuer de refuser aux Palestiniens la reconnaissance de leur État par les Nations unies ? Celle-ci constituerait pourtant l’indispensable préalable à l’ouverture de nouvelles négociations fondées sur le droit international et non plus surdéterminées par la redoutable asymétrie du rapport de forces dans la région. A l’heure des révoltes arabes, cette initiative revêt encore davantage de sens. A travers la reconnaissance de leur État, les Palestiniens, comme les autres peuples, ne veulent rien d’autre que la liberté et la dignité. Israël aurait tout à y gagner, à commencer par son intégration à la région, meilleure garantie de sa sécurité sur le long terme.
De cette solution de bon sens et conforme au droit, on est encore loin. Très loin. D’autant que, sur le terrain, la situation est vraiment très préoccupante. A cette offensive diplomatique, le gouvernement israélien a répondu par l’arrogance et la force. Après avoir gelé pendant quelques semaines le reversement des taxes douanières qu’il collecte pour l’Autorité palestinienne, il a profité de ces circonstances pour accélérer encore et encore la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Les dernières données en la matière montrent surtout une forte accélération de la colonisation autour de la Ville sainte. Cette nouvelle étape s’inscrit dans un plan déjà ancien qui consiste à enserrer Jérusalem dans un réseau très dense de colonies au nord jusqu’à Ramallah, à l’Est jusqu’aux faubourgs de Jéricho, et au sud jusqu’aux portes de Bethléem. D’où encore de nouvelles constructions dans et en dehors des limites territoriales de la ville dont il faut rappeler qu’elles furent tracées par l’annexion, en 1967, de terres palestiniennes appartenant aux villages environnants. La stratégie étant bien entendu de créer en plein coeur de la Cisjordanie des faits accomplis qui permettront d’avoir une majorité juive dans ce vaste espace structuré par les colonies et de couper en deux la Cisjordanie pour rendre impossible une véritable continuité territoriale entre le Nord et le Sud d’un éventuel Etat palestinien. Autant les Etats-Unis et les Etats européens ont agi pour empêcher l’initiative diplomatique des Palestiniens, autant ils ne font rien pour empêcher ces faits accomplis pourtant absolument contraire au droit international. Rien, sinon quelques vagues déclarations à peine critiques et si faibles qu’elles sont inaudibles.
Tout porte à croire que cet immobilisme de la communauté internationale va se poursuivre dans les prochains mois.
Il ne faut rien attendre du Quartet qui n’est que le pâle reflet de la politique américaine ; tout juste en mesure de rédiger des communiqués que personne ne lit, il est totalement incapable de prendre la moindre initiative sérieuse, même pas pour faire respecter « sa » feuille de route « solennellement » rédigée en 2003 ! Et à l’époque, pour en montrer l’importance, Condoleezza Rice (secrétaire d’Etat de George W. Bush), avait déclaré que ce plan de paix conduirait à l’établissement d’un Etat palestinien en... 2005.
Il ne faut rien attendre des Etats-Unis ; malgré son discours du Caire de juin 2009, Barack Obama n’a pas été capable d’infléchir en quoi que ce soit la politique israélienne de colonisation et donc de contribuer à ouvrir un chemin vers un règlement juste et durable. Il est désormais en campagne pour sa réélection, ce qui n’est pas le meilleur moment pour essayer d’agir à nouveau dans ce dossier pourtant crucial.
Il ne faut rien attendre des Européens ; structurellement divisés et incapables de prendre la moindre initiative politique sur la question israélo-palestinienne, ils sont aujourd’hui face à une crise majeure en trois dimensions (financière, économique et institutionnelle) qui accapare toute leur énergie.
Sachant qu’ils n’ont rien à espérer de cette « communauté » internationale, les Palestiniens n’ont d’autre choix que de poursuivre leur offensive diplomatique avec cependant un impératif incontournable s’ils veulent se donner les chances de réussir : qu’ils retrouvent leur unité. Depuis des semaines, le Hamas et le Fatah négocient pour former un gouvernement d’unité nationale afin d’organiser des élections législatives et présidentielles au mois de mai prochain. Ils se doivent d’y parvenir pour consolider de manière décisive leur démarche de reconnaissance d’un Etat fondé sur des institutions politiques ressourcées par le suffrage universel.