Le réalisateur israélien basé à Amsterdam, Benny Brunner, a conçu le documentaire auquel il a consacré 5 ans de travail. Et à l’origine, il a été inspiré par un article de Gish Amit, un étudiant qui avait déjà épluché de nombreux documents sur le sujet. Notamment des notes de service de Kurt Warman, directeur de la Bibliothèque nationale en 1948, et du Dr Strauss, alors directeur du département d’études orientales de la bibliothèque.
Les travaux des deux hommes citent le même cri du coeur d’un bibliophile dépossédé, extrait des mémoires du poète Khalil al-Sakakini : « Adieu, ma bibliothèque ! Adieu, la maison de la sagesse, la demeure des philosophes, maison et témoin de la littérature ! Combien de nuits blanches que j’ai passé là-bas, à lire et à écrire, la nuit silencieuse et les gens endormis... »
« Au revoir, mes livres ! Je ne sais pas ce que vous êtes devenus après notre départ. Avez-vous été pillés ? Brûlés ? Avez-vous été solennellement transférés dans une bibliothèque publique ou privée ? Avez-vous fini sur les rayons des épiceries avec vos pages utilisées pour envelopper les oignons ? »
Après la guerre des Six jours, en 1967, lorsque la fille du poète visita la Bibliothèque nationale en quête des ouvrages de son paternel, le bibliothécaire accepta de lui montrer un livre dans lequel Khalil al-Sakakini avait griffonné ses annotations. Mais lorsque Brunner a souhaité interviewer des bibliothécaires et consulter la collection des propriétés abandonnées, autorisation ne lui fut pas accordée.
Pour le réalisateur, il semblerait que la Bibliothèque et la banque israélienne dépositaire des propriétés abandonnées n’aient fait aucun effort pour restituer ces biens à leurs propriétaires légitimes. Il admet néanmoins qu’il n’y eut à ce jour aucune demande officielle et que la restitution nécessiterait un travail de recherche conséquent.
Dans son article paru il y a 5 ans, Gish Amit écrivait : « Cette histoire inédite du sort des livres palestiniens marqués "propriétés abandonnées" démontre clairement comment l’occupation et la colonisation ne se limitent pas à la prise en charge de l’espace physique. Au contraire, elles réalisent leur accomplissement en occupant aussi bien l’espace culturel, et en tournant les artefacts culturels des victimes en objets errants sans passé. »
« Cette collecte par Israël de livres palestiniens marque la transformation d’une culture palestinienne vivante et dynamique en artefacts de musées. Ainsi, les livres palestiniens ont été placés dans le sanctuaire des bibliothèques israéliennes, fossilisés sur les étagères. Accessibles et en même temps tout à fait sans vie. »