« La solution passe par la création de deux Etats indépendants et souverains ». A l’exception des Israéliens, la déclaration revient sur toutes les lèvres comme seule issue au conflit israélo-palestinien. Les Palestiniens le veulent, les Arabes, les Européens et encore les plus israélites [1] à Washington, comme George Bush, ne manquent pas de l’annoncer.
Un simple coup d’œil sur la carte permet pourtant de saisir l’ampleur de la « catastrophe ». D’un Etat cohérent avec des territoires liés, la Palestine ressemble plus à des cailloux, à des îlots séparés qui ne pourront pas engendrer un Etat viable. Toujours sur cette carte, le territoire qui reste pour un futur Etat palestinien ne représente plus qu’un peu moins de 10 % de la superficie totale de la Palestine historique, soit environ 4 % du fameux plan de partage.
C’était il y a exactement 62 ans, une journée d’hiver, que les Nations-Unies décident de diviser la Palestine qui devrait bientôt se débarrasser du mandat britannique. Un peu à la volonté de Théodore Herzl, fondateur du sionisme, mais pas entièrement, la Palestine mandataire devait être partagée en deux Etats, un pour les Arabes, l’autre pour les juifs et un régime international pour Jérusalem et ses lieux saints. En chiffres, ceci voudrait dire que les Arabes, qui comptaient alors plus de 1,3 million d’habitants, obtiendront 44 % des territoires et les juifs avec leur 500 000 habitants se procureront la partie la plus grande. Les Arabes rejettent un « partage injuste », Israël ne le respecte pas non plus, il garde le contrôle des territoires qui lui étaient dévolus ainsi que Jérusalem-Ouest et une partie des territoires dévolus à l’Etat arabe. Des guerres éclatent, les choses se compliquent et au fil des années, les Israéliens confisquent et occupent davantage de terres. La guerre de 1948 permet aux Israéliens d’occuper encore 40 % des territoires censés être arabes.
Un tabou. Plus personne n’ose évoquer un retour au plan de partage, cette résolution 181, d’autant plus qu’une vingtaine d’années plus tard, les frontières fictives de ces deux Etats ont été entièrement bouleversées. La guerre israélienne de 1967 engendre un autre tracé. Une nouvelle résolution 242 engage Israël à se retirer des territoires occupés cette année, marquant ainsi une nouvelle référence dans les négociations. En chiffres également, les frontières de 67 équivalent à 22,9 % de la superficie de la Palestine mandataire, soit environ la moitié de ce qui a été décidé dans le plan de partage.
Autorité que sur environ 40 % des territoires
Sur le terrain, on n’est pas encore là. Israël occupe avec cette guerre la partie Est de Jérusalem et des territoires alentours, s’efforce de modifier son caractère et procède à une judaïsation systématique de la Ville Sainte . On implanta et implante encore des colonies civiles dans les territoires occupés, à Jérusalem, en Cisjordanie et à Gaza avant que l’armée israélienne ne l’évacue en 2005. Les accords d’Oslo ne changent pas grand-chose dans ce « fait accompli » que les Israéliens cherchent à imposer. Certes, une importante partie des zones habitées par des Palestiniens a reçu une autonomie plus ou moins complète après ces accords, avec un statut de « territoires autonomes palestiniens ». Cependant, Israël continue d’en contrôler et souvent d’en fermer les accès et y mène des opérations militaires systématiques. Entre la signature des accords d’Oslo en 1993 et 1999, date à laquelle lesdits accords prévoyaient la création de l’Etat palestinien indépendant, le nombre de colons en Cisjordanie et à Gaza a plus que doublé. « L’indépendance accrue », dont devraient bénéficier les Palestiniens, ne viendrait jamais.
Concrètement, l’Autorité palestinienne n’a d’autorité que sur environ 40 % des territoires décidés par Oslo et si Israël s’est retiré de la bande de Gaza, qui ne fait que 360 km2, Tsahal continue à contrôler ses frontières terrestres, maritimes et son espace aérien. En Cisjordanie, c’est une autre politique. Un mur. Des blocs en ciment et des barbelés qui devraient atteindre 731 km de long, séparent entièrement Jérusalem de la Cisjordanie et isole de facto 200 000 Palestiniens de Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie. Ce mur de séparation pénètre profondément à l’intérieur de la Cisjordanie et empiète profondément sur son territoire. Selon les calculs, le non-retour aux frontières de 1967 et la construction du mur conjugués correspondent à l’annexion de soit 78 % de la superficie totale de la Cisjordanie, avec aucun accès au Jourdain, ou à la mer Morte. Juste un détail, cette situation permet à Israël de contrôler et de confisquer toutes les réserves en eau, en territoires palestiniens.
Les frontières d’un hypothétique Etat palestinien ont ainsi reculé de 43 % de la superficie totale sous le plan de partage à 10 % aujourd’hui et ces énièmes négociations et re-négociations, accords, plans et ententes visent simplement à permettre aux Palestiniens d’arriver à 22 %, pour créer un Etat. A quoi ressemblera-t-il ? Nul ne le sait.