Le Fatah et le Hamas étaient sur le point de parvenir enfin à une entente. L’affaire Goldstone est venue torpiller les efforts de réconciliation [1]. La convocation d’élections générales en janvier prochain à Jérusalem, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza leur a, semble-t-il, donné le coup de grâce. L’annonce a été faite vendredi dernier par le président palestinien, Mahmoud Abbass. Et le lendemain, devant le Conseil central palestinien réuni à Ramallah, M. Abbass a maintenu l’échéance 24 janvier, telle que définie par la Loi fondamentale, malgré le refus du Hamas d’y participer. « C’est la loi, nous devons faire ainsi. Nous agissons conformément au calendrier constitutionnel. (En même temps), nous poursuivons nos efforts en vue de la réconciliation », a-t-il dit. M. Abbass, âgé de 74 ans, a convoqué le scrutin après l’échec de discussions de réconciliation entre les factions menées depuis plus d’un an avec la médiation de l’Egypte. Mais le président de l’Autorité palestinienne s’est aussi dit prêt à reprendre les négociations avec le mouvement islamiste au pouvoir à Gaza pour parvenir à une réconciliation avant le scrutin.
Or, le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, refuse la tenue d’élections tant qu’un accord politique entre factions palestiniennes n’aura pas été conclu. Faouzi Barhoum, porte-parole du Hamas à Gaza, a ainsi estimé que le discours de Abbass à Ramallah était « plein de mensonges, de duperie et de contradictions ». « Il a tenté de dresser l’opinion publique contre le Hamas », a-t-il fustigé.
Pire encore, le Hamas a accusé samedi Mahmoud Abbass d’« usurpation » de pouvoir, selon les propos d’Ahmad Bahar, vice-président du Conseil Législatif Palestinien (CLP, le Parlement palestinien). Ce décret n’a « aucune valeur d’un point de vue constitutionnel », a estimé M. Bahar, en précisant que le mandat du président de l’Autorité palestinienne avait expiré en janvier 2009. Le Hamas conteste la légitimité de M. Abbass au nom de la Loi fondamentale palestinienne qui fixe à quatre ans le mandat du président. Toutefois, le mandat de quatre ans de M. Abbass, élu le 9 janvier 2005, a été prorogé par l’Autorité palestinienne d’une année pour faire coïncider le scrutin présidentiel avec les élections législatives. La législature de l’actuel Parlement palestinien, dominé par le Hamas, expire en janvier 2010, d’où l’obligation pour le président Abbass de convoquer des élections à cette date.
Une tactique risquée
Or, la convocation d’élections est une tactique risquée qui complique encore un processus déjà difficile. Selon certains analystes, elle pourrait viser à forcer les islamistes du Hamas à signer un accord de réconciliation interpalestinienne. L’appel à des élections est une « tactique politique » qui vise à tordre le bras des islamistes du Hamas pour qu’ils acceptent de signer un accord de réconciliation nationale, explique Hani Al-Masri, analyste politique à Ramallah (Cisjordanie) cité par l’AFP. « Mais il y a un pas entre la publication d’un décret et la tenue des élections sur le terrain », avertit M. Al-Masri, selon lequel l’objectif de M. Abbass est de contraindre le Hamas à reprendre le dialogue.
Le Hamas refuse, jusqu’à présent, de parapher un projet d’accord de réconciliation proposé par l’Egypte et signé par le Fatah et qui prévoit de reporter la date des élections au mois de juin 2010. Lors du discours de samedi, M. Abbass a promis qu’il ferait tout pour parvenir à la réconciliation nationale qui relève selon lui de « l’intérêt du peuple palestinien ».
Mais concrètement parlant, la décision de convoquer les élections risque de creuser le fossé entre la Cisjordanie, aux mains de l’Autorité palestinienne de M. Abbass, et la bande de Gaza, contrôlée depuis juin 2007 par le Hamas. « Si des élections ont lieu sans un accord avec le Hamas, la division sera consacrée et les territoires palestiniens se transformeront en deux entités (politique et géographique) distinctes », relève Hassan Khreisheh, également cité par l’AFP. D’autre part, le Hamas est en mesure d’empêcher la tenue d’élections crédibles dans la bande de Gaza, où vivent 1,5 million de Palestiniens.
Si les élections sont maintenues, le mouvement islamiste menace aussi d’organiser son propre scrutin à Gaza. Les Palestiniens auraient alors deux présidents rivaux, deux Parlements et deux premiers ministres dans deux territoires distincts. Cela conduirait à une division politique et à une rupture permanente entre les deux frères ennemis palestiniens. Une situation à hauts risques.