Respect mutuel. Après avoir salué en arabe les 3 000 personnes réunies sous le dôme de la salle d’honneur, le président américain a appelé à la réconciliation entre le monde musulman et l’Occident. "Aucun discours ne peut éliminer des années de méfiance", mais "tant que nos relations seront définies par nos différences, cela renforcera ceux qui sèment la haine plutôt que la paix, ceux qui font la promotion du conflit plutôt que de la coopération", a-t-il déclaré. Citant à plusieurs reprises le Coran et son expérience personnelle, le nouveau président a insisté sur "cette vérité que l’Amérique et l’islam ne s’excluent pas".
Un nouveau départ. Décidé à tourner la page de l’ère Bush, Barack Obama a rappelé la volonté de son administration de rompre avec certaines pratiques instaurées après les attentats du 11-Septembre. "La peur et la colère [...] nous ont parfois conduit à agir contre nos principes", a-t-il dit, précisant qu’il avait pris des mesures pour mettre fin à la torture et fermer le camp américain de Guantanamo.
Afghanistan. S’il a défendu clairement la politique de son pays et de ses alliés en Afghanistan, le président américain a précisé que les Etats-Unis ne souhaitaient pas rester en Afghanistan. "Ne vous y trompez pas : nous ne voulons pas maintenir nos troupes en Afghanistan. Nous cherchons à n’y avoir aucune base militaire", a-t-il déclaré.
Irak. Promettant une Amérique ouverte à la diplomatie et l’approche multilatérale, Barack Obama s’est livré à une sorte d’autocritique de la guerre en Irak. L’Amérique "veut désormais remettre l’Irak aux mains des Irakiens", a-t-il dit, ajoutant que les Etats-Unis n’avaient pas l’intention de maintenir des bases dans le pays.
Iran. Barack Obama a averti qu’une course aux armements nucléaires au Proche-Orient entraînerait la région dans "une voie extrêmement dangereuse". Il a déclaré à l’adresse de l’Iran que tout pays avait droit au nucléaire civil "s’il assume ses reponsabilités dans le cadre du traité de non-prolifération nucléaire". Selon lui, la confrontation sur le programme nucléaire controversé iranien est arrivée "à un tournant décisif", et les Etats-Unis sont disposés à "aller de l’avant sans conditions préalables sur la base du respect mutuel" même s’il sera difficile de "surmonter des décennies de méfiance".
Israël. Tout en fustigeant le négationnisme, le président américain a pressé jeudi l’Etat hébreu de cesser la colonisation dans les Territoires palestiniens. "Les liens forts de l’Amérique avec Israël sont bien connus. Ce lien est inébranlable", a-t-il dit, mais "les Etats-Unis n’acceptent pas la légitimité de la poursuite de la colonisation israélienne" qui "viole les accord passés et nuit aux efforts de paix". "Il est temps que la colonisation cesse", a-t-il martelé, alors que les relations entre les Etats-Unis et Israël traversent une phase très délicate en raison du refus du gouvernement de Benjamin Netanyahou de geler l’expansion des implantations en Cisjordanie.
Palestine. Barack Obama a affirmé que les Etats-Unis soutenaient les aspirations "légitimes" des Palestiniens à un Etat. "La situation pour le peuple palestinien est intolérable", a-t-il dit. "La seule résolution [du conflit] est que les aspirations des deux parties soient réalisées dans le cadre de deux Etats, où Israéliens et Palestiniens pourront vivre en paix", mais, pour y parvenir, les "Palestiniens doivent abandonner la violence." Il faut que le Hamas "assume ses responsabilités" et "joue un rôle dans la réalisation des aspirations palestiniennes, tout en reconnaissant "le droit d’Israël à exister", a-t-il précisé.
Education et développement. Le président Barack Obama a promis que les Etats-Unis favoriseraient davantage de projets éducatifs au sein du monde musulman et investiraient dans le développement technologique. Les échanges sont susceptibles d’"apporter de nouvelles richesses et de nouvelles occasions, mais aussi d’énormes perturbations et changements", a-t-il déclaré, en évoquant les questions épineuses des droits de l’Homme, du rôle de la femme et de leur "libre choix" dans les sociétés musulmanes.
Destiné à quelque 1,5 milliard de musulmans, le discours du président américain a été très largement retransmis par les télévisions en langue arabe du Moyen-Orient, dont Al-Manar, la station du Hezbollah chiite libanais, et la télévision iranienne Al-Alam. La Maison Blanche avait également déployé de très gros moyens pour diffuser les paroles du président sur les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter et MySpace, de façon à multiplier son impact, tandis que le site Internet du département d’Etat offrait la possibilité de recevoir des extraits par SMS en arabe, persan, ourdou (la langue nationale du Pakistan) et anglais.
L’Autorité palestinienne a salué comme un "bon début" le discours de M. Obama au monde musulman, dans lequel il a soutenu la quête des Palestiniens pour leur Etat. "C’est un discours clair et franc. Il constitue un pas politique innovateur et un bon début sur lequel il faudra bâtir", a déclaré Nabil Abou Roudeina, porte-parole du président palestinien Mahmoud Abbas. Il a estimé que le nouveau président avait rompu dans son discours avec "la précédente politique américaine partiale" en faveur d’Israël.
Le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, a également relevé "un changement tangible" dans le discours du président américain à l’adresse du monde musulman mais aussi "des contradictions". "C’est un discours qui joue sur le sentiment et il est rempli de civilités, ce qui nous laisse croire qu’il visait à embellir l’image de l’Amérique dans le monde", a déclaré le porte-parole du mouvement islamiste, Fawzi Barhoum.
Dans un communiqué de la présidence du Conseil, le gouvernement israélien a pour sa part exprimé "son espoir que l’important discours du président Obama au Caire conduira de facto à une nouvelle réconciliation entre le monde arabo-musulman et Israël." Le député centriste de Kadima (opposition) Zeev Bielsky a appelé le premier ministre israélien "à comprendre qu’il doit s’aligner sur la solution de deux Etats pour deux peuples".
En visite à Washington, le ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak (Parti travailliste), a estimé de son côté que ce discours encourageait les éléments modérés dans le monde islamique. "Il s’agit d’un appel contre le terrorisme et la violence des radicaux qui menacent la stabilité de la région et du monde tout entier, et nous remercions le président américain pour son engagement à assurer l’existence et la sécurité d’Israël", a-t-il ajouté.
Ce n’est pas l’avis de certains responsables de la droite israélienne qui ont vertement critiqué les propos du président américain. "Nos relations avec les Américains sont fondées sur l’amitié et non sur la soumission. Sur la question de la croissance naturelle dans les implantations, il faut dire aux Américains de ne pas dépasser les bornes", a déclaré le ministre des sciences, Daniel Herschkowitz, du parti Foyer juif (nationaliste religieux, 3 sièges).
http://www.lemonde.fr/ameriques/art...