Après le discours de Barack Obama au Caire, où le président américain a prôné un rapprochement avec le monde musulman, Walid Cherara, politologue libanais proche de l’organisation chiite Hezbollah, explique que l’administration américaine n’a pas réellement changé sur le fond.
« Tout le discours caresse les élites musulmanes dans le sens du poil, mais il n’aura pas d’impact réel au niveau des populations. Sur le fond, ce qui compte, ce ne sont pas les déclarations générales sur les valeurs communes qui ont la saveur des tartes à la crème mais l’approche américaine des problématiques qui sont au cœur des divergences entre le monde arabo-musulman et les États-Unis.
Le discours d’Obama pendant la campagne avait fait naître l’espoir qu’il remettrait en cause non seulement la politique de guerre menée par Bush mais aussi l’agenda des priorités américaines dans la région. Après l’Irak, l’administration Bush avait un objectif prioritaire : l’endiguement et l’encerclement de l’Iran pour l’amener à changer d’orientation politique, d’attitude vis-à-vis d’Israël et à remettre en cause son programme nucléaire.
Beaucoup espéraient qu’Obama allait revoir sur le fond la politique américaine : accepter l’idée d’un dialogue inconditionnel avec l’Iran, y compris sur le dossier nucléaire, et rééquilibrer l’approche américaine dans la région, ce qui devait nécessairement entraîner une plus grande prise de distance vis-à-vis d’Israël. C’est cet engagement américain inconditionnel à maintenir une suprématie militaire qualitative israélienne qui pose fondamentalement problème.
Pour le moment, on n’assiste pas à un changement significatif. Il est vrai qu’Obama a un discours critique vis-à-vis de la politique israélienne mais il ne parle pas d’un démantèlement total des colonies dans les territoires occupés, ni d’un état palestinien indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale, ni du retour des réfugiés. Par ailleurs l’Iran continue d’être la priorité des priorités en matière de politique étrangère.
Or, l’Iran a signé le TNP (traité de non-prolifération) et a droit au nucléaire civil. Et même un Iran qui maîtriserait le nucléaire militaire ne menacerait pas réellement les intérêts stratégiques des États-Unis, ce serait simplement un Iran sanctuarisé face à d’éventuelles attaques extérieures. Il y a eu un changement au niveau des moyens mis en œuvre -l’administration Bush avait un recours trop systématique à la force- mais il est clair qu’il n’y a pas de changement au niveau des objectifs - on parle maintenant du smart power mais en vue de renforcer les rangs d’une alliance pro-américaine et d’essayer de démanteler l’alliance opposée, à savoir celle réunissant l’Iran, la Syrie, le Hezbollah, Hamas, etc... »